Nukeproof Giga 290 RS : un monstre qui sait se montrer docile

Nous ne savons pas où vont s’arrêter les marques dans la course au toujours plus. Le Giga en est le parfait exemple car il n’est pas le vélo d’enduro de la marque Nukeproof mais son super enduro. Un vélo aux mensurations gigantesques que nous avons presque eu peur de tester.

DR. J. André

Prix : 7 999 € | Poids: 15,6 kg taille L ; roues 5,430 kg | Déb. av. 180 mm | Déb. ar. 170 mm Pratique : enduro, renduro, bike-park / Terrain : montagne

Nukeproof propose dans sa gamme le fameux Mega au doux nom évocateur et utilisé par le triple champion du monde d’enduro, la légende Sam Hill sur le circuit EWS. Un vélo sérieusement paré pour affronter les pires terrains, mais il faut croire que ce n’était pas assez pour la marque irlandaise. Le Giga est né de l’idée de certains pilotes et chefs produits de proposer un vélo encore plus radical avec plus de débattement et une cinématique totalement différente. Pour faire simple, un vélo de descente avec une géométrie de vélo d’enduro moderne. Le pari est osé, mais Nukeproof croit cependant fort à ce concept de vélo dénommé super enduro puisque nous retrouvons une large gamme avec plusieurs tailles de roues.

Nous avons une version en 27.5’’ avec 180 mm de débattement mais aussi une version mulet (29”-27.5’’) de 180 mm de débattement et enfin une version totalement en 29’’ de “seulement” 170 mm. Seul le carbone a été retenu pour l’ensemble de ces châssis disponibles en 5 tailles. Nous n’imaginons pas l’investissement et il faut vraiment être convaincu de l’étendue de ce marché pour lancer une telle armada. D’autant que nous trouvons pas moins de 4 montages pour chacun des cadres. Nous avons testé la version la plus haut de gamme car malheureusement c’était le seul produit disponible pour les tests. Nous aurions préféré de loin tester le modèle Elite qui apparaît armé pour faire une saison d’enduro sans rien changer dessus avec un prix moins élitiste (5 800 €). Notre version RS reprend les composants des marques utilisées par le team de Coupe du monde. Nous avons une transmission Sram AXS Eagle avec un tout petit plateau de 30 dents.

Les suspensions sont confiées à RockShox avec un ajustement spécifique de l’amortisseur arrière. Le reste des composants est presque entièrement signé Nukeproof et comme nous avons pu souvent le constater lors de nos différents dossiers, ils déçoivent rarement sur le terrain…

Le Giga ne fait pas dans la demi-mesure

En rentrant dans les détails du cadre de ce Giga, nous nous rendons rapidement compte qu’il reprend la cinématique du vélo de descente de la marque. Nous sommes sur un système de type mono-pivot fixe placé juste au-dessus du boîtier de pédalier. On comprend mieux la présence du plateau de 30 dents car il permet de placer la chaîne au niveau du point de pivot principal pour réduire au maximum son effet. Nous avons ensuite une biellette et un basculeur positionnés dans le triangle avant pour actionner l’amortisseur. L’architecture de la cinématique permet d’avoir une courbe relativement plate mais bien progressive. Nous avons d’ailleurs sur ce vélo un ajustement de la progressivité que l’on utilisera selon le terrain ou le type d’amortisseur utilisé (plus progressif pour un amortisseur à ressort hélicoïdal par exemple). C’est un ajustement assez rare sur un vélo d’enduro et facile à utiliser, nous y reviendrons. Il propose 25% de progressivité au minimum et 30% sur l’autre position et cela sans affecter trop le début de course. Les ajustements de cette suspension arrière ne laissent guère de doute sur le comportement du vélo et tout a été mis en œuvre pour ouvrir tout en grand dans la pente.

Les sections des différentes parties du cadre sont généreuses voire monstrueuses sur la partie de la douille de direction. La géométrie de ce vélo n’est pas en reste avec notamment un angle de direction ultra ouvert et un empattement total impressionnant du fait notamment des bases relativement longues. Nous avons par contre un tube supérieur assez compact que l’on doit à l’angle de selle bien redressé qui laisse présager une position assez confortable pour pédaler. Vous l’aurez compris, le Giga ne fait pas dans la demi-mesure et nous sentons que cela ne va pas être de tout repos pour emmener la bête et la contrôler…

Sur le terrain

Nous commençons notre test avec la progressivité de la suspension arrière la moins importante et avec une précontrainte de 23% sur l’arrière du fait du ressort livré de série sur notre taille. Nous ajustons notre fourche avec les recommandations du constructeur. La taille du vélo n’est pas un problème pour notre taille du fait du triangle avant ultra compact et de la suspension centrée idéalement sous notre centre de gravité. Nous sentons au premier coup de pédale que le vélo a un débattement monstrueux. Il ne sert clairement à rien de partir au sprint avec cette machine si ce n’est lors d’une compétition… Rapidement le Giga montre qu’il a besoin d’un pédalage en souplesse et surtout de pédaler bien rond. Il faut éviter les gros balanciers de droite à gauche car cela fait plonger nettement la suspension. L’effet de pompage est plus marqué sur les petits pignons que sur les gros. Un point intéressant car quand il faut grimper le vélo devient assez neutre, surtout sur la grande couronne de 52 dents. Nous n’allons pas vous cacher que nous avons été souvent sur le haut de la cassette quand la pente s’élève et que nous avons apprécié le petit plateau de 30 dents.

Sur les montées roulantes ou les parties en bitume, nous utilisons souvent le levier de blocage pour juguler presque complètement la suspension arrière. Nous sommes cependant assez surpris des performances de cette machine car nous pensions vraiment passer de sales moments pour essayer de rallier nos terrains de jeux descendants. Nous nous amusons à grimper des sentiers bien escarpés et techniques où la motricité phénoménale fait la différence. Si nous chargeons fortement l’avant, nous jugulons assez bien le pompage et trouvons toujours un crampon pour nous faire passer des zones bien chaotiques. Il faut cependant rester toujours sur l’avant et les fesses sur le bec de selle. Il ne faut pas avoir peur de jouer de la hauteur de selle pour garder un meilleur équilibre. Nous avons aussi expérimenté de passer sur un plateau de 32 dents pour un usage plus sportif surtout pour descendre et nous avons pu le supporter sans trop de problème. Il y a alors légèrement plus de pompage mais cela se régule assez bien en ajustant la compression basse vitesse de l’amortisseur.

Le Giga n’est pas uniquement à mettre dans la catégorie des gros vélos

Les ajustements internes de Super Deluxe sont vraiment faits pour donner beaucoup de support au pédalage et le contrôle se fait surtout via la détente (nous y reviendrons plus tard sur la partie descendante du test). Nous avons augmenté la précontrainte de l’amortisseur en passant sur un ressort de 400 lbs au lieu de 450 lbs. Nous nous attendions au pire dans cette configuration, mais au final le temps faisant nous avons trouvé nos repères. Nous comprenons pourquoi certains pilotes Nukeproof aiment finalement plus ce Giga que le Mega même pour grimper. Il se dévoile stable, assez peu usant pour ce type de débattement quand nous savons le manier (avec douceur et cadence). Le Giga n’est pas uniquement à mettre dans la catégorie des gros vélos faits pour monter en télécabine ou par les routes. Il roule aussi sur des sentiers de montagne et est amusant, surtout si ces sentiers sont techniques et cassants car le débattement gomme tout. Heureusement, la hauteur du boîtier est conséquente pour éviter de toucher partout. Nous avons aussi testé le vélo avec la progressivité la plus importante : le vélo offre encore plus de souplesse en début de course et donc plus de grip mais attention, dans ce cas il faut savoir jouer des manivelles pour éviter de toucher les obstacles. Le vélo est plus figé avec une progressivité basse et plus dynamique dans la position haute. Il s’agit donc d’une affaire de goût suivant sa façon de pédaler. Vous l’aurez compris, le Giga nous a surpris sur la partie pédalage et nous ne nous attendions pas à autant de polyvalence pour une telle machine. Il ne s’agit pas d’un vélo de trail mais ce n’est pas pour autant une charrue…

En descente

DR. A. Marcou

Soyons honnêtes, c’est clairement la partie où le Giga est le plus à son aise ! Nous avons rarement eu un vélo avec autant de débattement aussi facile à piloter. Nous nous sentons rapidement à notre aise comme si nous le connaissions depuis bien longtemps. Le Giga avale littéralement tout sous ses roues. Il suffit simplement de lancer la bête et ensuite il faut essayer de contrôler sa vitesse. Nous sommes aux antipodes du vélo qu’il faut brusquer et faire accélérer tout le temps. On se trouve équilibré sur cette machine et les épaules viennent naturellement au-dessus du guidon. Comme nous avions pu le ressentir en montée, le vélo ne paraît pas avoir autant d’angle sur la partie avant et la direction reste légère pour un tel gabarit. D’où notre étonnement de la facilité que nous avons à enchaîner les parties plus serrées. Certes, l’arrière pousse un peu dans la pente et il faut maîtriser l’effet du frein arrière qui a tendance à rapidement raidir la suspension. Nous décidons d’augmenter la course morte en ayant la crainte de perdre en dynamisme. Il n’en sera rien et nous avons enfin le tapis volant que nous pensions avoir au premier coup d’œil.

Un vélo pour envoyer

Le Giga est un vélo qui pousse à faire des excès mais tout en gardant facilement le contrôle. La partie avant dévoile une rigidité importante que l’on devrait pouvoir amoindrir avec la nouvelle génération de Zeb et sûrement une roue un peu moins haute. Heureusement le poste de pilotage est lui assez souple et nous avons tout de même 180 mm de débattement. Nous avons cependant pu constater que nous avions eu du mal à utiliser tout ce débattement à l’avant. La Zeb 2022 ne brille pas sur ce point avec son ressort pneumatique ultra progressif. Une caractéristique qui nous a poussés à rouler avec la position arrière avec 30 % de progressivité surtout dans cette configuration avec un ressort hélicoïdal. Nous avons apprécié ce combo sur des pistes aménagées ou sur des terrains avec beaucoup de mouvements de corps. Le vélo est onctueux en début de course et devient plus ferme quand nous le sollicitons sans pour autant sentir que nous allons au bout. Le confort est impressionnant et nous économisons énormément. Cette sensation de contrôle dans les pires parties de nos pistes de tests est juste du bonheur. Il est grisant de sentir que nous passons tout avec facilité mais à pleine vitesse sans se faire brinquebaler… Le Giga est un vélo pour envoyer et il est aussi bon quand il faut décoller du sol. Il est facile et équilibrée du fait de l’ajustement précis de la détente (assez lente sur les hautes vitesses pour ne pas nous pousser en avant et assez rapide sur les basses vitesses pour ne pas être collés au sol). Nous avons roulé l’ajustement de détente presque tout ouvert, ce qui permet d’avoir un confort hallucinant tout en gardant le contrôle. Une sensation rarement observée avec un amortisseur RockShox.

DR. A. Marcou

Un monstre de facilité ultra prévisible !

Nous pensions que ce modèle était le vélo de trop dans la gamme Nukeproof, une machine pour une niche d’utilisateurs qui veulent un vélo de descente, mais avec une fourche simple té. Nous nous sommes trompés. Le Giga est en effet capable de rouler très vite sur une piste de descente ou de bike-park. Nous sommes même sûrs que nous serions plus rapides avec cette machine sur ce type de piste comparé à un véritable vélo de descente. Mais le Giga est bien plus que cela car il s’agit d’un véritable enduro. Il permet de faire des belles boucles à la pédale, il est capable de nous challenger pour grimper des sentiers bien techniques (à condition d’avoir la technique et bien sûr un peu de coffre). Le Giga est surtout à l’aise sur une immense variété de terrains engagés, il permet de s’amuser sur des sentiers tortueux et lents aussi bien que sur des parties rapides. Nous avons rarement eu un vélo de ce gabarit aussi facile dans les épingles. Le Giga est surtout un monstre de facilité ultra prévisible quelle que soit la situation. Nous sentons rapidement ce qui va se passer. L’ensemble des effets est finalement assez neutre pour aider à toujours garder le contrôle, au point d’en oublier rapidement son long empattement et son débattement pour ne retenir que son confort et sa facilité à effacer le terrain. Le bilan est donc positif même si les ingénieurs auraient pu placer le point de pivot un peu plus haut pour gagner légèrement en dynamisme avec une courbe d’amortissement qui plonge plus rapidement. En effet nous avons eu tendance parfois à manger un peu trop de débattement à l’arrière au niveau de la zone de précontrainte sur des mouvements amples ou en force. Le Giga est un vélo idéal pour des passionnés d’enduro qui passent du temps sur les bike-parks ou qui souhaitent faire la saison de compétition en mode ‘’Privater’’.

Ce qu’il faudrait changer

Nous avons dû après la première sortie resserrer tous les axes de la suspension et nous y avons fait attention régulièrement tout le long de notre test. La peinture nous a paru un peu fragile surtout sur les impacts mais il faut dire que nous n’avons pas ménagé cette monture. Au niveau des composants, nous n’avons pas compris le choix de cette selle d’entrée de gamme sur une telle machine surtout que la gamme Nukeproof propose une alternative vraiment plus performante. Nous sommes déçus de la qualité de la visserie sur l’ensemble des composants maison. En dernier lieu, nous avons dû faire un entretien du corps de roue libre assez rapidement ne présageant rien de bon pour l’avenir. Vous l’aurez compris, des petits détails mais qui comptent pour le prix de la bête.

DR. A. Marcou

Caractéristiques techniques

FICHE TECHNIQUE

Tailles : S, M, L, XL, XXL
Modèle d’essai : L
Cadre : carbone
Fourche : RockShox Zeb Ultimate Charger RC2, déport 44 mm
Amortisseur : RockShox Super Deluxe RCT Coil Ultimate
Freins : Sram Code RLC, ø200 mm
Dérailleur arrière : Sram Eagle X01 AXS
Pédalier : Sram Descendant Carbon, 30 dents
Commande : Sram Eagle X01 AXS
Cassette : Sram XG1295, 10-52
Roues : Horizon V2 30 mm Boost
Pneus : av. Michelin Wild Enduro front Gum-X, 29×2.40 ; ar. Michelin Wild Enduro rear Gum-X, 29×2.40
Potence : Horizon, 45 mm
Cintre : Horizon V2 Carbon, 800 mm
Tige de selle : Bike Yoke Revive Stealth, 185 mm
Selle : Nukeproof

GEOMETRIE :

Taille : L
Tube supérieur : 609 mm
Tube de selle : 440 mm
Angle de direction : 63,5°
Angle de tube de selle : 79°
Hauteur de douille : 110 mm
Bases : 445 mm
Empattement total : 1266 mm
Hauteur de boîtier : 350 mm
Reach : 475 mm
Stack : 631 mm

Distributeur : www.nukeproof.com

NOTES

rendement 3
confort 5
maniabilité 4,5
stabilité 5
Prix/équipement 4,5
TOTAL : 17,6

On aime : Confort • Stabilité • Agilité en descente pour un tel débattement

On regrette : Finition et qualité de la peinture • Pas le plus dynamique