Moustache Samedi 27 Trail 8 : L’âge mature

Cette année voit de nombreuses marques se lancer dans la brèche du VTTAE. On s’est demandé alors comment Moustache, la firme vosgienne pionnière sur ce marché, pouvait faire face dans un contexte de plus en plus concurrentiel. C’est en s’appuyant sur ses acquis qu’elle redessine entièrement une gamme articulée autour du nouveau moteur Bosch CX Line. Le résultat est sous vos yeux : voici le Samedi 27 Trail 8.

DR. Julien Lenief

Prix : 5999 € / Poids : 23,2 kg en taille M / Déb. av. : 150mm / Déb. ar. : 150 mm.

Dans sa livrée noire et blanche nacrée, ce Samedi 27 Trail 8 ne fait pas dans le clinquant. C’est plus un vélo d’ingénieur qu’un produit marqueté par une agence de communication. C’est très sobre, austère diront certains. Au premier coup d’œil, pas de révolution, on reste sur une cinématique de type four bars linkage, un châssis en aluminium et des roues au format 27,5+. Pourtant la refonte est totale, notamment pour accueillir le moteur Bosch plus compact et une batterie tubulaire engagée désormais par le dessous du cadre. Les lignes s’affinent, le bloc moteur/batterie paraît moins massif. La géométrie se modernise sans se radicaliser, les bases se raccourcissent (460 mm), l’angle de selle se redresse (75,4°) et l’angle de direction plus ouvert (66,9°) amène un empattement plus long tout en conservant le reach du modèle 2019. Certains détails flattent l’œil comme les soudures polies sur une partie du triangle avant ou encore le routage des câbles en interne à la fois bien dissimulé et accessible par le compartiment batterie. D’autres sont beaucoup plus grossiers notamment l’insert en caoutchouc mal ajusté en guise de protection de la prise femelle dans le cadre. Mais aussi le cache en plastique un peu cheap camouflant les câbles en sortie de triangle avant. Côté suspensions, on rehausse le tout de 10 mm par rapport à l’ancien modèle. A l’avant la Fox Factory 34 Fit 4 dans sa version Kashima laisse présager d’une sensibilité optimale, tout en offrant l’opportunité de passer en roues de 29 pouces. Il en va de même à l’arrière où le système d’ancrage bas de l’amortisseur dénommé flip chip propose deux positions afin de basculer d’une taille de roue à l’autre. Outre la transmission et le freinage confié à Shimano, la plupart des périphériques sont conçus en interne. Ainsi, poste de pilotage, tige de selle, selle, amortisseur et roues siglés Moustache semblent de bonne facture.

Machine à sourires

Sortir de ma plate région parisienne me semble primordial pour exploiter cette grosse bête. C’est très naturellement que je me dirige vers un de mes spots fétiches, la Semoy, située dans les Ardennes françaises près de la frontière belge. Le lieu propose une multitude de spéciales endurisantes naturelles et très techniques contenues sur 250 à 300 mètres de dénivelé positif. Le moteur m’assiste dans la côte de manière fluide et linéaire, il sait se faire oublier, peu de bruits parasites, pas de sensation d’engrenage au pédalier. Je prends vite mes repères et j’affine mes réglages à la suite de la première spéciale. Tout en enchaînant les descentes, je comprends vite l’esprit « smiling machine » qui n’est pas qu’un simple argument de vente, le plaisir est fou dans le négatif. L’équilibre des masses étant idéalement réparti, je tire parti du poids dans les appuis maximisant ainsi le grip. Le vélo bondit d’un virage à l’autre, quelle jouissance ! Le calibrage des suspensions a été ici primordial, elles ne s’affaissent pas sous les 23 kg de la bête. L’amortisseur offre un très bon maintien à mi-course tandis que la fourche propose d’origine une course progressive, pour une fois l’ajout de cale dans la chambre d’air n’aura pas été nécessaire. Ce Samedi 27 Trail 8 se cabre avec une aisance insolente, permettant de jouer facilement dans les moindres creux et bosses, une caractéristique rare sur un VTT électrique. Les ingénieurs de Moustache ont compris que la chasse aux kilos n’est pas forcément une priorité sur ce type de machine.

À mesure que je lâche la bride, quelques détails perfectibles se font ressentir, particulièrement au niveau des pneus Maxxis Minion DHf/Rekon en 27,5+. Bien gonflé, le train avant se dérobe en prise d’angle et l’arrière perd de la traction dans les gros raidillons. À l’inverse lorsque je descends les pressions, je récupère du grip mais les trajectoires deviennent imprécises, un phénomène dû à une déformation excessive des carcasses de pneus. Si le combo châssis/moteur a su évoluer avec son temps, le format 27,5+ a de moins en moins sa place ici. À moins d’être débutant et de bénéficier de trains roulants tolérants et confortables, j’opterais plutôt pour des pneus à carcasses DH en section 2,6.

Sur ces terres ardennaises cassantes jonchées de racines glissantes, de pierres fuyantes et de ruptures de pentes violentes, j’attends ses limites. Il s’en sort dans ces conditions, faisant preuve d’une extrême polyvalence. Pour autant, il n’est pas un pur enduriste. Le débattement contenu freine un peu ma fougue de compétiteur. Cherchant la répartition de mon poids dans les franchissements ascendants, je constate que cet exercice n’est pas son fort. Soit l’avant se déleste trop et je perds la direction en chargeant l’arrière, soit en basculant le poids sur l’avant le pneu arrière patine excessivement.

Le défi de l’autonomie

Le rendez-vous est pris le dimanche 2 février pour une randonnée très populaire, l’Hivernale. Située en Seine et Marne, cette épreuve s’impose comme l’une des références dans la région. En effet elle propose un parcours technique et sinueux composé à 80% de singles dans la forêt domaniale de la Commanderie. La boucle s’étend sur 50 km et pas moins de 1300 m de dénivelé positif et négatif. De quoi mettre à mal l’autonomie du Samedi 27 Trail 8. Ajoutez à cela deux jours de pluies diluviennes avant l’épreuve et c’est dans une boue collante que je débute la randonnée. Dans ces conditions, je roule en mode Eco, parfois même en coupant l’assistance, l’objectif étant de terminer avec de la batterie. Première bonne surprise, le moteur se débraille complètement lorsque l’assistance est coupée. En pratique cela m’a permis de pouvoir rouler sans sensation de frein moteur. Bien évidemment la masse globale n’est pas simple à tirer, mais cela permet de rentrer tout de même si la batterie est vide. Force est de constater que dans les dévers boueux, musculaires et électriques sont sur le même pied d’égalité : tout le monde est au tapis et je n’y manque pas ! La chape du dérailleur Shimano XT est maintenant tordue, ce qui m’est déjà arrivé avec mon vélo personnel, celle-ci manquant clairement de solidité. Je n’adhère pas non plus au choix du freinage sur ce modèle : autant l’étrier 4 pistons à l’avant est puissant et endurant, pourquoi ne pas proposer le même à l’arrière ? Le choix du 2 pistons à l’arrière n’est pas judicieux. En condition boueuse le frein manque de mordant et la roue arrière ne bloque pas, ce qui pose problème pour placer le vélo comme je veux.

À mi-parcours, j’entame des parties faites de roches, de grès et de sable. Les paysages traversés sont majestueux, cette forêt a quelque chose de magique voire mystique ici. Un terrain particulièrement énergivore pour la batterie, pourtant les 625 watts de la batterie me permettent de jouer sur les modes plus poussifs Tour et e-MTB. L’écran de contrôle Purion me paraît un peu désuet, l’ergonomie et le design sont un peu dépassés, d’autant que Bosch propose un modèle bien plus abouti : le Kiox. On va se consoler en se disant qu’il est au moins costaud. Finalement je termine le parcours avec deux barres sur cinq, ce qui correspond à environ 20% de batterie restante. Oui, j’ai peut-être roulé trop à l’économie, mais ça m’a permis aussi de plus m’amuser sur la fin sans la pression de terminer sans assistance.

Avec ce Samedi 27 Trail 8, Moustache assoit sa réputation parmi les leaders sur le marché de l’e-bike. Ils bonifient leur recette déjà éprouvée ces dernières années, axée sur le plaisir de rouler. Quelques détails perfectibles sauront vite se faire oublier tant le châssis est extrêmement bien conçu, couplé à un moteur performant. La possibilité de changer de taille de roues consolera les plus exigeants d’entre vous.

Caractéristiques :

FICHE TECHNIQUE :

Tailles : S, M, L, XL

Modèle d’essai : M

Cadre : trail aluminium 6061 T4-T6

Moteur : Bosch Performance Lien CX

Batterie : Bosch PowerTube 625 Wh

Amortisseur : Moustache Magic Grip Control

Fourche : Fox Float 34 Factory

Freins : av. Shimano XT 4 pistons, ø203 mm, ar. Shimano XT 2 pistons, ø180 mm

Dérailleur arrière : Shimano XT, 12 vitesses

Pédalier : E-Thirteen E Spec Plus, 165 mm

Commandes : Shimano SLX

Cassette : Shimano SLX, 10/51 dts

Roues : Moustache Aluminium, 35 mm

Pneus : av. Maxxis Minion DHF, 27.5x 2.8

Potence : Moustache Aluminium forgé 3D, 60 mm

Cintre : Moustache Just Carbon, 760 mm

Tige de selle : Moustache, 120 mm

Selle : Moustache

GEOMETRIE : M

Top tube : 600 mm

Tube de selle : 420 mm

Angle de direction : 66,9°

Angle de tube de selle : 75,4°

Bases : 460 mm

Empattement total : 1209 mm

Hauteur de boîtier : 347 mm

Reach : 435 mm

Stack : 612 mm

Distributeur : Moustache Bikes ; Contact : www.moustachebikes.com

On aime : Caractère joueur • Agrément moteur

On regrette : Pneus inadéquats • Accessoires plastiques et caoutchouc peu qualitatifs

NOTES

AUTONOMIE 4,5/5

CONFORT 4/5

MANIABILITÉ 5/5

STABILITÉ 3,5/5

PRIX/ÉQUIPEMENT 3,5/5

TOTAL : 16,4/20