Look 996 : Chasse gardée

Quand Look sort un nouveau modèle c’est toujours un évènement. Il y a deux ans, il avait créé la sensation avec le 996, son semi rigide de cross-country. Pour 2009, Look aimerait bien rééditer ce coup de maître avec le 986, un tout-suspendu ultra-exclusif…qui devrait séduire les amateurs de chrono…

La suspension est de type points de pivot flottants avec un triangle avant relié à un triangle arrière via une biellette supérieure et une biellette inférieure. Toutes les articulations sont dotées d’axes alu surdimensionnés et montés sur roulements à cartouche étanches de type enduro. La cinématique de la suspension arrière a fait l’objet de beaucoup d’attentions afin de contrer le pompage tout en conservant l’amorti nécessaire à la pratique de la discipline. Le ratio de compression est d’environ 2.54 au rising jusqu’aux trois-quarts du débattement. Là, il atteint environ 2.4 pour finir à 2.54, ce qui lui permet d’aller jusqu’à la fin du débattement (cela permet de compenser la courbe naturelle vers le dur d’un amortisseur à air en fin de course). En moyenne, la suspension du 996 tourne donc autour de 2.5 sur un amortisseur en 165 mm d’entraxe.

Efficacité diabolique, freinage endurant, vélo virant parfaitement, le Look 996 est le VTT de tous les superlatifs…

Concernant le placement des biellettes, Look a dû jouer avec les différents brevets existants, notamment le VPP de Santa Cruz et le FPS de Lapierre. C’est d’autant plus vrai que la marque compte beaucoup sur le marché américain où son rayonnement est impressionnant, notamment auprès des pratiquants. Toujours est-il que cette cinématique à points de pivot flottants présente l’avantage de contrer de manière mécanique la compression de l’amortisseur provoqué par le pédalage : l’effet anti-pompage est obtenu par la tension de chaîne, tout en gardant une suspension active sur les variations de terrain. C’est aussi pour cela que le 996 peut se passer d’un amortisseur à plateforme ou à blocage. Durant nos différents tests, nous n’avons d’ailleurs utilisé qu’une seule fois le blocage : c’était en montée et sur route…

Au niveau géométrie, le 996 joue définitivement la carte du cross-country au sens exclusif du terme. Ainsi, sur notre modèle avec une fourche de 100 mm, nous obtenons 72,5° de tube de selle (idéal pour bien développer sa jambe sans perte de rendement) et surtout une direction fermée à 71°. Autant dire qu’il faut pas mal de dextérité pour rester sur le VTT dans le pentu technique, surtout si le 986 est doté d’un cintre plat. Une prise de position surprenante aujourd’hui mais qui s’explique par la volonté de la marque de s’adresser à l’élite du cross-country, le compétiteur chasseurs de chronos. On a ainsi du mal à imaginer le comportement du VTT avec une fourche de 80 mm de débattement… Au final, le cadre pèse 2,5 kg, ce qui permet à Look d’annoncer son haut de gamme, l’Ultimate, à 10,3 kg (6 999 e).

Look nous fournit le 986 dans sa déclinaison d’entrée de gamme, monté avec le très performant groupe Shimano SLX. De retour sur nos terres de tests, nous avons pu enchaîner les kilomètres durant deux semaines. Et voici nos conclusions… La position de pilotage est bien meilleure avec un cintre semi-relevé, même si le galbe du Truvativ est très prononcé. Evidemment, pour ceux qui le veulent, il est toujours possible d’abaisser le poste de pilotage. Un point noir : le double serrage de la tige de selle, laborieux, d’autant que les vis ne sont pas de grande qualité. La fourche Rock Shox Reba en 100 mm demande pas mal d’ajustements mais une fois les bons réglages trouvés, c’est un régal ! A l’arrière, nous avons choisi 25 % de précharge, histoire d’avoir du débattement négatif pour le confort, tout en conservant une bonne partie du débattement.

Le 986 s’adresse à l’élite du cross-country, les chasseurs de chrono de tout poil

Avec un tel VTT, la première chose que l’on a envie de faire, c’est d’accélérer. Et force est de constater qu’à ce niveau, le Look ne déçoit pas. Même doté d’un pédalier de milieu de gamme, le 986 bondit à la moindre sollicitation. On sent le vélo se tendre en longueur pour transférer toute la puissance sans torsion ni pompage. Le grand plateau vient à peine lécher la fourchette extérieure du dérailleur, signe que la boîte de pédalier surdimensionnée joue bien son rôle. Contrairement au modèle que nous avions à Las Vegas, le 986 gagne ici en absorption des petits chocs, surtout à basse vitesse, même s’il reste loin d’un Trek Top Fuel 2009. A haute vitesse, il gère assez bien toute la panoplie d’obstacles que les roues peuvent recontrer. Efficacité diabolique, freinage endurant, vélo virant parfaitement, à la moindre sollicitation : ce Look virevolte d’épingle en épingle avec une dextérité incroyable. Un pur régal !

Le 986 profite de son angle de direction fermé dans les passages lents mais attention, la limite est vite atteinte dès que l’on pousse un peu. En effet, la direction est prompte à vous envoyer à l’intérieur de la courbe. Si le terrain est glissant, c’est la dérobade de la roue avant assurée. Il ne faut pas hésiter, le cas échéant, à relever rapidement l’avant avant la sortie de virage et à l’inscrire dans le suivant pour conserver la vitesse naturellement acquise.
Dans la pente positive, le Look survole le programme, tant il profite d’une faible masse. De fait, le petit plateau est une option dont on pourrait aisément se passer. D’autant que dans cette position, on ressent une légère tension dans le pédalage qui ne permet pas d’avoir un pédalage rond. On se contentera du plateau intermédiaire. Assis, le 986 ne pompe pas. En danseuse en revanche, une oscillation se fait ressentir, même si elle n’est pas vraiment pénalisante.

On peut reprocher au 986 de ne pas suffisamment plaquer à la roue arrière au sol, ce qui entraîne un manque de motricité. Ainsi, sur les accélérations en côte, et en mettant les pneumatiques de côté, on sent bien le contrôle du pompage mais pas la motricité. A titre de comparaison, un Lapierre X Control en 100 mm de débattement donne vraiment la sensation de mordre le sol à l’accélération (avec les mêmes pneus). Un angle fermé à l’avant permet au 986 de monter la plupart des côtes (même avec un cintre semi-relevé), sans délestage de la roue avant, ce qui permet au pilote de ne s’occuper que de la puissance à développer pour arriver en haut. Avec ce boîtier de pédalier haut perché pour un crosseur, vous n’êtes pas près de toucher les manivelles sur les racines qui jonchent le terrain.

Le Lokk 996 est un pur sang qui ne laisse pas beaucoup de répit à son cavalier, tant il aime les coups de cravache…

Dans cette taille S (pour un pilote de 1,70m), le 986 est ultra-vif en descente. Pour en tirer la quintessence sans se mettre à la faute, il faut faire corps avec la machine. Là, on peut véritablement goûter au pilotage actif. Le 986 n’est pas un modèle de stabilité mais il se contrôle facilement en déplaçant son corps vers l’arrière et calant la selle entre ses cuisses. Il faut quand même lui laisser suffisamment de liberté pour s’exprimer. On finit même par envisager de s’attaquer aux pistes rapides, défoncées par le ravinage. On peut aller jusqu’à décoller et donner de l’angle en l’air pour se caler sur la trajectoire suivante. On se pose en douceur et on remet les watts… Le 986 est précis dans ses trajectoires. Il n’est finalement pas pénalisé par cette boîte de pédalier relativement haute, encore une fois, pour un XC. Certes, tout cela demande un peu de technique mais on peut faire confiance aux suspensions pour enrhumer ses compagnons de jeu sur ce terrain. La suspension arrière utilise tout son débattement sans vous alerter, voilà qui est sain. Sauf qu’en bas de la descente, un jeu bizarre se fait ressentir à l’arrière…

La rigidité qui nous avait tant interpellés auparavant n’est plus. Cadre cassé ? Ouf, non : ce sont seulement les vis qui relient les haubans arrière à l’amortisseur qui se sont desserrées… Un resserrage et c’est reparti. Enfin, doucement dans un premier temps, histoire de bien analyser le reste du vélo. Le chemin est plat, les feuilles recouvrent les imperfections du terrain. Un moment d’absence et la roue avant entre dans un petit trou, vraiment pas profond. La suite, vous la connaissez : on passe par-dessus le guidon pour finir par s’écraser au sol, en s’ouvrant au passage le genou au contact du Poplock sur le guidon, décidemment trop proéminent… Avec son angle fermé, le 986 ne vous laisse pas le droit à l’erreur. On ne flâne pas à son guidon, on “avionne”, c’est tout.

Verdict

Original, bien équipé – quel que soit le niveau de gamme – et revendiquant un chic à la française, le nouveau 986 compte bien jouer les trouble-fêtes dans la cour des cross-country de compétition. D’autant que ce Look détonne. En effet, la majorité des constructeurs sur ce segment proposent aujourd’hui des produits polyvalents (le nouveau Trek Top Fuel en est un parfait exemple) afin de répondre à une tendance plus fun du cross-country. Avec le 986, Look crée en quelque sorte sa propre niche, celle des VTT de compétition ultras avec la tête dans le guidon et un seul objectif : la performance à tout prix. Cette vision correspond à l’image de marque de Look sur la route mais choque un peu dans le monde du VTT moderne. Surtout que le 996 nous avait justement impressionnés par sa capacité à être mené à la cravache puis à adopter la douceur d’un pédalage de randonnée… Le 986 s’adresse donc avant tout aux vrais pilotes.

Léger, doté d’un freinage rassurant, avec une tenue de cap plus efficace que la plupart de ses concurrents, le 986 se montre agréable à “driver” pour qui en maîtrise les atouts. Ainsi, dans le rapide, il se montre moins bien éduqué que les nouveaux Trek Top Fuel et Specialized Epic qui demandent peu au pilote pour rester dans la bonne trajectoire. Le Look 986 se pilote avec une bonne pogne dès que ça descend rapidement. Pour le reste, un léger manque de motricité en accélération ne sera pas préjudiciable, surtout dans l’optique du pur crosseur : il s’appuiera sur la légèreté de son cadre et sa capacité à retransmettre la puissance pour vous propulser vers l’avant.