Le logo de la marque Rocky Mountain – trois montagnes enneigées sur fond rouge – est déjà tout un programme. Avec le petit dernier, l’Altitude 30, on continue de prendre de la hauteur. Il ne sera pas question ici de vélo de plaine mais de vélo de montagne. Et il faut bien reconnaître que nos amis canadiens possèdent un énorme savoir-faire dans ce domaine. Ils peuvent nous emmener loin en conjuguant plaisir et sérénité.
Mais revenons à nos moutons. Grâce à l’hydroformage, le tube supérieur bénéficie d’un grand dégagement, ce qui facilite le pilotage dans les passages techniques. Le tube diagonal se passe de renforts et prend une forme de ligne un peu molle pour faire de la place au bidon. Est-ce bien utile à l’ère du sac à boisson ? Le tube de direction est classique, offrant un large choix de jeux de direction pour d’éventuelles customisations. La suspension, baptisée «Smooth Link», est conçue pour être très sensible sur les petits chocs et progressive sur les gros sauts. Tout est monté, bien sûr, avec des roulements. Le petit plus de ce VTT, c’est l’étonnant tube de selle avec un angle de 76°, du jamais-vu. Cela correspond à un angle de 74,5° lorsqu’on est en selle. L’avantage, concrètement, c’est qu’on peut rester bien posé en selle en montée (et non pas sur le bec de selle). Le poids du pilote charge l’avant naturellement, il n’y a aucun risque de partir en roue arrière. Cet angle ne sera pas un handicap en descente puisque, par définition, les fesses sont derrière la selle.
Equipement de crise oblige, l’Altitude 30 ne s’habille que de l’essentiel mais vraiment pas plus…
Le 30 représente la version la plus «démocratique» d’une série de cinq Altitude. Deux d’entre eux ont un cadre en carbone qui reprend la même géométrie. Pas de quoi frimer dans les paddocks avec ce matos greffé qui frise le renvoi en correctionnelle… Les accessoiristes vont devoir jouer les pères Noël pour ce vélo qui va énormément rouler. En effet, l’équipement ne résistera pas bien longtemps et on peut parler ici d’un Rocky Mountain au rabais. Les freins Shimano BRM 575 ne servent qu’à ralentir. Pourquoi avoir privilégié à l’avant un disque de 160 mm de diamètre seulement sachant que le VTT va évoluer à la montagne ? Le dérailleur arrière Shimano XT n’a rien à voir avec le génial Shadow. On déplore des chocs dans la base. Notez que les moyeux Shimano Deore ont également pris du jeu au bout de trois semaines, certes intensives. Pas de petites touches sympathiques, c’est sobre et un peu triste… Heureusement – et c’est bien l’essentiel -, Rocky Mountain a privilégié des suspensions Fox avec une fourche 32 Float R et un amortisseur RP23. Bien vu ! Il faudra donc se contenter d’un cadre de facture correcte, quand même un peu lourd, et de bonnes suspensions. C’est déjà ça…
Une fois assis sur l’Altitude, c’est tout naturellement qu’on pose les mains sur le guidon semi-relevé. Cette position, quel choc ! On a l’impression de ne pas avoir d’angle de direction tellement le tube de selle rejette le pilote sur l’avant. Il est important de ne pas se tromper de taille de cadre : une erreur pourrait vous priver d’un VTT joueur. Votre serviteur, qui mesure 1,84 m, était presque à l’aise sur un modèle de taille 18. Les réglages de suspensions sont simplissimes. Il ne faut pas hésiter à opter pour 25-30% d’enfoncement de l’amortisseur. C’est comme cela qu’on profite le mieux de ce Smooth Link. Cette suspension porte bien son nom, on a l’impression de rouler sur un tapis volant. Premiers tours de roues : tout se fait en douceur. La position est parfaite pour rouler longtemps. Le VTT est dans la lignée des purs All Mountain, catégorie de vélos prêts à tout faire (bien). Ce grand confort n’est pas obtenu au détriment du rendement. La moyenne peut être élevée et il n’y a pas de pompage parasite, même si la suspension reste active en permanence, transmettant les watts.
En relance en revanche, il faut pédaler «rond» si on ne veut pas faire le yoyo. Moins perceptible sur le grand plateau, le phénomène est amplifié sur le petit. Le cas échéant, il ne faut pas se priver du ProPedal (il a été inventé pour ça). Là, on se dit que cette position a du bon : elle vous évite de vous mettre en danseuse dans les ascensions de côte. Et puis au moins, ça ne pompe pas. Avec cet angle de selle à 76°, on l’attendait au tournant, cet Altitude… Précisément dans les côtes. Eh bien l’examen est réussi. C’est un plaisir de pouvoir rester bien assis sur la selle et de ne pas avoir à se positionner sur le bec pour retrouver de la motricité. On est concentré sur la trajectoire et sur l’effort à fournir. Le vélo ne déleste pas de l’avant et on bénéficie d’une force supplémentaire en pédalant davantage au-dessus des manivelles. La grande motricité fait reculer les limites physiques du pilote. Elle scotchera vos compagnons de route (s’ils ne sont pas déjà en perdition). Comme expliqué plus haut, inutile de monter en danseuse : on perd tout l’avantage de cette géométrie. Le rendement de l’Altitude s’en ressent grandement.
Vraiment à l’aise partout, l’Altitude 30 saura se jouer des singles comme des terrains accidentés de nos contrées
Conçu pour les monotraces canadiens, ce VTT sera aussi à l’aise dans nos contrées accidentées. C’est un régal d’enquiller les sentiers virevoltants. L’avant est précis et le guidon large aide bien à tourner ou à contrebraquer quand on arrive un peu trop vite dans un virage. Dommage que les pneus WTB Volverine en 2.20 de large ne soient pas plus accrocheurs, aussi bien sur terrain sec que sur terrain humide. Avec une autre monte, l’attaque pourrait être plus franche. Entre deux virages, la motricité colle le Rocky Mountain au terrain. Idéal pour ne pas perdre en élan. Dans le négatif, les 76° permettent au pilote de passer facilement derrière la selle. Dans le très pentu, il faut baisser la tige de selle… qui se heurte rapidement au tube supportant la biellette d’amortisseur. Un passage par la case «scie à métaux » est à prévoir. Une fois la chose faite, on peut mettre les gaz. Le centre de gravité et la garde au sol, très bas, rassurent dans le rapide (la touche du grand frère Slayer est bien présente). Le VTT est stable et agile, avec des changements de trajectoire aisés. Quel pied de pouvoir débouler fort ! On va d’autant plus vite que les freins n’arrêtent pas grand-chose. C’est amusant, parfois, mais aussi frustrant. Que dire en conclusion ? Ce Rocky a perdu de son âme canadienne dans la fabrication. Mais derrière cet aspect un peu commun se cache une sacrée référence en termes de polyvalence et de plaisir de pilotage, avec une géométrie originale qui n’apporte finalement que des avantages. A réserver aux pratiquants qui roulent à la montagne. Dans la plaine, cette position devient vite handicapante.