Dernier cri d’alarme, dernière bataille en faveur du VTT dans le massif des Calanques, avant l’arrivée du futur Parc National… Partez avec le crew Intense VTOPO à la découverte d’un site unique et exceptionnel, qui pourrait bientôt se fermer définitivement aux VTT…
Tourné vers la mer, il est connu pour ses falaises de calcaire qui plongent dans la Grande Bleue. Ce site est fréquenté depuis des milliers d’années par l’homme, puisque l’on a même retrouvé par -35 m, au fond d’un boyau sous-marin, une grotte ornée de peintures datant de 27 000 et 19 000 ans avant le présent ! A cette époque, il allait chasser à pied sur les terres de Riou (aujourd’hui des îles !), puis il s’est approprié le territoire accidenté des falaises et vallons escarpés via diverses petites industries et productions. Les pêcheurs au début du XXe siècle ont construit des petits abris à bateaux, transformés en cabanon pour le repos dominical. Tout ça nous est parvenu dans un formidable état de préservation. De nos jours, on marche dans les Calanques, on grimpe, on roule, on chasse, on plonge, on navigue, on farniente, on profite, on vit… Le massif est parcouru par plus d’1 million de visiteurs par an, Marseillais ou pas. Avec la pression de l’Europe, de l’opinion publique, du Grenelle de l’environnement, il a été décidé de créer un Parc National, ici à Marseille, dans les Calanques. Ce Parc, dit «de seconde génération» n’est pas encore définitivement délimité géographiquement, mais la partie Calanques, de Marseille à Cassis passera en coeur de Parc. Et c’est aussi la partie la plus prisée des amoureux de la nature, vététistes compris.
Perchés au dessus de la mer…
Depuis presque 10 ans, le GIP (Groupement d’Intérêt Public) est chargé de préparer l’arrivée de ce parc. Mais il ne se passe pas grand chose si ce n’est que le GIP affiche sur son site internet que le VTT est interdit dans le massif des Calanques. Quand on creuse, finalement, on ne trouve aucun texte de loi, ni d’arrêté municipal ou préfectoral en ce sens. Recommandation purement politique. Cependant, sur une partie du massif (domaine de Luminy pour les connaisseurs) qui appartient à la ville de Marseille, le VTT est interdit par arrêté municipal de 1992. Pour la petite histoire, nous venons tout récemment de constater que cet arrêté n’aurait jamais été signé ! Il ne serait donc jamais entré en vigueur légalement, mais plus qu’appliqué sur le terrain…Revenons à notre ride. Après avoir quitté la petite route qui mène dans la Calanque (vallon étroit et profond à bords escarpés qui se jette dans la mer) de Morgiou, nous empruntons une piste DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies). Bien stabilisée, elle permet de progresser assez rapidement. Le massif possède peu de pistes dans ce genre, tant son relief est escarpé. Ce qui ressort des concertations menées par le GIP, c’est que si VTT il y a dans le futur Parc, il serait cantonner à certaines pistes larges.
Autant dire que le GIP est complètement à côté de la plaque si l’on regarde la pratique actuelle. Nous sortons des pins et atteignons un belvédère qui surplombe une des plus belles des Calanques, Sormiou. Le soleil se lève derrière de gros nuages. L’instant est magique. Nous profitons de ce paysage grâce à une première petite pause. Tout en bas, on aperçoit le petit port de Sormiou, ses cabanons et son bec rocheux qui s’avance dans la mer. On croise un couple de randonneurs matinal, tout aussi enchanté par le point de vue. Malheureusement on ne s’attarde pas. Le vent est glacial. Nous sommes au mois de mai, mais c’est encore l’hiver… Nous n’avons pas thermomètre, mais la vapeur d’eau qui sort de nos bouches est la preuve qu’il ne doit pas faire très chaud. Nous poursuivons la piste puis traversons la route de Sormiou, au col du même nom. Désormais, c’est singletrack jusqu’au bout. Et quel sentier ! Nous empruntons le GR qui longe le bord de mer. Après avoir poussé quelque peu les vélos jusqu’au col de Cortiou (250 m d’altitude), nous attaquons une longue descente vers le petit hameau de pécheurs de Callelongue. Nous sommes vraiment perchés au-dessus de la mer. Le tracé s’enfonce parfois dans des bois denses où il faut jouer avec les branches et les racines. Globalement, c’est technique et cassant. Il faut très souvent remonter des coups-de-cul bien raides. Les portages sont fréquents. C’est un cheminement sportif et technique, mais c’est un des sentiers les plus faciles du massif. Autant dire qu’il faut un minimum de maîtrise et d’engagement ici. Il n’y aura donc jamais foule à VTT dans les Calanques. La sélection est naturelle !
Quand en septembre 2009 (voir «Vélo Tout Terrain» n°136 courrier des lecteurs Tassan), les grimpeurs dont je fais partie ont appris qu’une grande partie des Calanques serait interdite à l’escalade, nous avons monté une association des Calanques et des Hommes dans le but de replacer l’homme au centre du projet de parc et de ne pas accepter cette dictature écologique qui voudrait expulser l’homme de la nature. Quelle absurdité ! Il faut simplement se replonger dans nos racines, revisiter l’histoire pour comprendre qui nous sommes. Et puis comment faire changer les mentalités sur le respect de notre environnement si l’on écarte le public du sujet principal ? Comment éduquer nos enfants si ils doivent regarder les choses derrière une vitre… Difficilement inconcevable surtout pour un secteur fréquenté depuis la nuit des temps, poumon vert d’une ville de plus d’un million d’habitants… Patrimoine à sauvegarder oui, mais pas de mise sous cloche ou d’aquarium ! Aujourd’hui en tous cas, nous profitons peut être des dernières semaines de liberté du VTT. C’est un plaisir ultime que d’être ici, au contact du minéral, de cette mer qui barre l’horizon, de cette nature malmenée par les vents violents et les chaleurs excessives. Nous poursuivons le single. Ici comme ailleurs, il faut bannir toutes coupes de lacets et toutes progressions hors pistes. De toutes façons le sentier donne tellement de plaisir qu’il serait absurde d’aller voir ailleurs !
Des tracés enchanteurs
La terre est rare, on évolue sur un lit de cailloux, on franchit quelques marches bien techniques. Les genouillères sont largement recommandées. Quelques passages sont exposés, mieux vaut avoir la roue sûre. Nous dépassons les calanques de Cortiou et de l’Escu. Peu après, dans une série d’épingles soutenues par de jolies restanques (murs de pierres), nous croisons deux randonneuses. Après avoir mis le pied à terre pour leur laisser la priorité, nous entamons la discussion sur les Calanques, le VTT, la randonnée pédestre, le partage de cet espace. Nous tombons évidemment d’accord que nulle corporation ne doit s’approprier un espace naturel et que nous devons tous être capables de cohabiter. D’ailleurs, elles reconnaissent sans sourciller que l’érosion des chemins est due essentiellement au nombre très importants de randonneurs qui fréquentent le massif. Je leur fais part aussi de mon point de vue sur le fait que cette érosion a lieu uniquement sur un sentier balisé, élément artificiel, créé par l’homme et qu’elle n’a aucune conséquence sur notre environnement au sens large. C’est uniquement une question de confort, la marche sera un peu plus pénible si le sentier est fortement érodé. Mais les oiseaux qui nichent dans les falaises, les plantes qui poussent dans la garrigue, les lapins, les perdreaux et les sangliers qui se cachent les fourrés ni verront que du feu… Un peu de bon sens ne fait jamais de mal. Plus loin, le sentier remonte et franchit quelques marches rocheuses. Nous contournons la calanque de Podestat pour une traversée très esthétique…
Juste avant d’arriver sur la prochaine calanque, nous franchissons un passage exposé et glissant. Une chute et c’est le bain une dizaine de mètres plus bas… Prudence. Nous gagnons la calanque de Marseilleveyre et sa plage de galets. Nous profitons de ce coin pour faire la photo du vélo de cette belle rando ! Nous trouvons de multiples étoiles de mer sur la plage, jetées ici par la tempête des derniers jours. Nous en profitons pour les mettre en scène puis les rendons à la mer, sans conviction sur leur état de santé…Le sentier se poursuit en bord mer. Rapidement, il devient peu praticable. Des rochers saillants ponctuent la progression. C’est la zone pénible de cette rando. Je dis à Narbaix que j’ai une petite surprise sur la fin. Après avoir poussé les bikes, nous entamons un portage de 100 m de dénivelé pour atteindre un ancien Sémaphore. Vue panoramique sur le rocher de St-Michel derrière nous et l’île Maïre toute proche. Pour clôturer cette traversée, nous suivons un singletrack superbe, technique au début puis très roulant dans les cailloux. Très vite nous gagnons la calanque de Callelongue, terminus de notre balade. Ici commence le goudron, les voitures, le bus de la ville de Marseille…
Il est tout à fait possible de faire une traversée complète, de Cassis à Callelongue par des singles exceptionnels… Bien entendu, le terrain de jeu est très exigeant, la balade est longue, technique, engagée. Du vélo de montagne mais à la mer !
Lorsque ces lignes seront publiées, la future charte du Parc National devrait sur le point d’être révélée. Quid du VTT ? Personne ne le sait, mais nous sommes nombreux à nous battre pour que la liberté de pratiquer le VTT subsiste. Nous sommes dans un monde qui évolue, notre relation avec le milieu naturel évolue aussi. Quand on voit le nombre de pratiquants, de VTT vendus, de randos et compétitions organisées, il est insoutenable de constater que nos élus ferment les yeux sur nous, pratiquants et électeurs… Le VTT fait partie du patrimoine sportif naturel au même titre que la randonnée pédestre. Cela fait partie d’une évolution. En tous cas, l’avenir du VTT dans les futurs Parcs Nationaux se jouent ici dans les Calanques. Si le combat se perd à Marseille, il fera jurisprudence dans les projets a venir. Quant on sait que le prochain devrait être le massif de Fontainebleau, l’enjeu est de taille…