Sunn Shamann S1 : Missile en approche

Depuis sa reprise, Sunn s’est plutôt focalisée sur des VTT all-mountain et enduro. Cette année, la marque met l’accent sur le cross-country avec le Shamann, un tout-suspendu de 100 mm qui ne compte pas seulement sur son physique original pour remporter des succès.

DR. N. Le Carré

Prix: 3999 € | Poids : 11,25 kg en taille M sans pédales | Débattement av. : 100 mm | Débattement ar. : 100 mm –  Pratique : vallonné, compétition

Le retour de Sunn dans l’univers du cross-country de compétition est une bonne nouvelle, surtout quand il passe par un VTT tout-suspendu qui n’est pas du genre à passer inaperçu. Voici certainement le vélo le plus original de la production de VTT en ce moment. Un coup de crayon qui ne laisse pas indifférent. On aime… ou pas. Mais le résultat fait parler. Evidemment, il n’a été rendu possible que par l’usage du carbone, et uniquement du carbone. En l’occurrence, il s’agit de feuilles issues du catalogue du Nippon Toray. Deux versions de cadres sont d’ailleurs au programme. Le S1 de notre test, et le S2 qui adopte de la fibre T700 et T800, quand le plus haut de gamme, le Finest, jette son dévolu sur de la T800 et T900 en haut module. La différence ? Quelques grammes qui n’auront sincèrement aucune incidence sur sa capacité à rouler vite. D’ailleurs côté poids, le Sunn ne joue pas dans la cour des grands puisque le châssis est annoncé à 1950 g en taille S dans sa finition Finest. Pour vous donner un repère, le Scott Spark c’est environ 1780 g en taille M dans sa version top de gamme, et 1890 g dans sa déclinaison en carbone « classique ». Du coup, on comprend mieux les 11,25 kg sans les pédales de notre modèle de test… Mais revenons rapidement sur ce cadre, certains diront cette œuvre d’art, en tout cas un dessin élégamment exécuté qui remet les pendules à l’heure avec talent au regard de ce que nous propose aujourd’hui la concurrence.  Cette élégance passe par un dessin qui ne laisse pas envisager qu’il s’agisse d’un tout-suspendu. Une performance qui a demandé une peu de réflexion dans la constitution du cadre. Ainsi la forme en S du « tube de selle » qui englobe l’amortisseur est obtenue non pas avec des tubes, mais avec des plaques de carbone. Le triangle avant répond aux codes visuels explorés sur le Special, le vélo routier longue distance de la marque, avec des lignes très tendues, limites agressives associées à de petits passages en courbes. Soyons clairs, en plus de l’attrait du design, l’intérêt de ces arêtes sur le tube supérieur est surtout de lui offrir une rigidité latérale sans faille, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’associé à cette petite douille de direction, le résultat est plutôt au rendez-vous. Notez d’ailleurs qu’il ne faudra pas hésiter à remonter la petite potence de 70 mm, pour éviter de trop plonger sur l’avant et éviter d’avoir des fourmis dans les mains. D’autant que ce triangle avant est immensément long. Ce n’est pas tant les 600 mm qui surprennent. Sur un taille M, ça devient un standard. Non, c’est du côté de son allonge, appelée aussi reach, que le Shamann vous fait prendre un temps de réflexion. 450 mm, oui 450 mm, quand on est plus sur 415 à 435 mm maximum sur cette taille de cadre. Voilà un choix que l’on est plus coutumier de voir sur un vélo d’enduro qu’un pur cross-country. Un véritable parti pris de la marque ici, pour annoncer une stabilité hors pair sur leur Shamann. Sauf que pour un pilote de 1,70 m, donc la limite basse sur Sunn, et malgré 710 mm de sortie de selle (ce qui est très honorable pour ce cadre en taille M), une potence de 50 mm sera plus à propos pour ne pas être tendu du buste. Oui, vous lisez bien 50 mm, quand nos habitudes de crosseurs parlent généralement plus de 90 mm dans cette catégorie. Une révolution qui a des avantages sur le terrain comme une très bonne stabilité (en descente et en montée), mais aussi quelques inconvénients (il faut plus de force pour le faire tourner à haute vitesse notamment, et la direction est très vive à basse vitesse).

Performant, c’est le mot adéquat lorsque l’on parle du Sunn Shamann

Pour continuer sur le cadre, le Sunn Shamann adopte une suspension de type monopivot avec un basculeur parfaitement intégré dans le cadre. L’amortisseur RockShox est fixé sur ce basculeur en carbone et à son extrémité basse sur le points de pivot de la suspension. Ce que l’on appelle un point concentrique, permet ici d’abaisser le point de fixation de l’amortisseur, donc son centre de gravité sur le vélo, tout en rigidifiant cette zone. Le triangle arrière est lui aussi réalisé en carbone et pour cause, puisqu’il profite de la déformation attribuée par les ingénieurs sur les haubans pour simuler un point de pivot. On parle ici de 4° de flexion ! Au final, le Shamann délivre 100 mm de débattement à la roue arrière avec un choix d’avoir une courbe de compression plutôt linéaire pour avoir de l’amorti et du grip en début de course, jouer sur plus de soutien à mi course (entre 70 et 90 mm de débattement), avant d’être plus progressif en fin de débattement. De quoi s’accorder parfaitement à la pratique du XC moderne. C’est aussi le cas de la géométrie générale du cadre puisque la direction affiche 69°, 74° pour le tube de selle, les bases sont coupées à 435 mm et la boîte de pédalier se situe à 325 mm du sol. On passera rapidement sur l’équipement de notre modèle qui est plutôt cohérent même si l’on est toujours surpris par le mixage des niveaux de gamme des composants Shimano. Mais vu que cela fonctionne !

Une référence ? Oui, mais…

Pour être transparent avec vous, notre essai s’est déroulé en deux temps. Nous avons d’abord récupéré un Shamann S1 après le Roc d’Azur. Après plusieurs sorties laborieuses en termes de réglages de suspension, il nous a fallu nous rendre à l’évidence. Si ce vélo est une tuerie dès que l’on appuie sur les pédales, si ce vélo vous donne la banane dès qu’il est question de rouler vite, si ce vélo vous fait exploser vos KOM (amis Strava, bonjour !) à chacune de vos sorties, si ce vélo est une gazelle en descente, si ce vélo vous permettra de vous débarrasser du seul passage technique en montée qui vous résistait depuis 20 ans (véridique !), si ce vélo vous apportera un grip, une motricité et quelle assiette parfaite dans les côtes bien raides, il a aussi un (des) souci(s). D’abord, nous n’avons jamais eu un comportement identique de la suspension. Pour en être sûr, nous l’avons équipé du capteur ShockWiz de Quarq. Et confirmation, il y a un problème. Deux sorties sur notre parcours test, mêmes réglages, deux résultats différents. Ensuite, il y a le bras arrière. Du shamalow. Entre nous, nous sommes plutôt amoureux d’un peu de souplesse sur le cadre (le Lapierre XR de 2016, une référence pour nous) car cela apporte souvent un meilleur grip dans les appuis, et cela rend le vélo souvent plus facile à piloter (en tout cas, moins fatigant). Mais là, il y a un trop gros décalage entre l’avant très rigide et l’arrière très souple en latéral. Contact pris avec l’ingénieur de chez Sunn, on apprend que nous avons sûrement eu une pré-série qui n’avait pas la bonne composition de carbone. Malgré ce désagrément, c’est donc le cœur serré que nous renvoyons le vélo.

Plusieurs mois se passent faute de cadre (l’Asie est sous pression depuis que le gouvernent chinois a décidé de réduire drastiquement l’impact de la pollution industrielle), et nous revoilà au guidon du Shamann.

Il n’a pas changé, il est toujours comme on l’aime, donnant immédiatement la sensation d’une grande légèreté malgré le poids conséquent (tout est relatif), sur la balance. On ne se lasse pas de jouer à appuyer sur les pédales au moindre bout de ligne droite. D’autant que même si l’accélération n’est pas la plus explosive sur le marché, elle a le mérite de plutôt bien être encaissée par les jambes. Comprenez que vous n’allez pas vous cramer les jambes à chaque démarrage, et comme envahi par l’excitation, vous allez multiplier les accélérations, c’est plutôt une bonne nouvelle. Nous retiendrons ses accélérations qui vous jettent méchamment d’un virage à l’autre, même s’il faudra un peu d’autorité pour inscrite la partie avant, quand il faudra entrer vite dans la courbe, mais quel pied ! Quel bonheur également de dévaler dans la pente, profiter de cet avant long et cette boîte de pédalier idéalement placée pour offrir une stabilité incroyable, tout en conservant une agilité déconcertante grâce à l’arrière court et facilement mobile. Un cabri ne ferait pas mieux dans ces conditions. A pleine vitesse, ou en mode tout en douceur, aucune descente technique ne lui résiste. On aurait juste aimé plus de soutien hydraulique de la part de la suspension arrière pour garder une bonne assiette tout le temps, mais il y a des solutions pour cela (voir encadré « ce qu’il faudrait changer »). La direction est précise, la fourche RockShox fait un très bon travail, tout comme les roues Mavic qui sont une bonne combinaison entre souplesse et rigidité. L’ensemble se révèle sain, prévenant dans ses glisses de l’arrière. Cependant la différence de rigidité entre la partie avant et arrière du vélo est toujours là, malgré le nouveau cadre. Cela entraîne un placement moins naturel, moins intrusif dans l’entrée de courbe. Le vélo se plaque facilement dans le haut de la courbe jusqu’à ce que la nature reprenne ses droits. L’arrière du vélo ne semble plus vouloir suivre la trace, imposant alors au vélo de dévier vers l’extérieur du virage. Il faut donner un bon petit coup de guidon vers l’intérieur, tout en donnant un mouvement d’appui sur les pédales, pour lui redonner la direction à suivre. Autant vous dire que les axes et autres vis des points de pivot de la suspension arrière sont mis à rude épreuve…

A son guidon, les Kom et PR tombent les uns après les autres, ils pleuvent de toutes parts et on en rit de joie

DR. N. L e Carré

Le rythme a beau être soutenu, creux et bosses s’avalent comme qui rigole, en tout cas, si vous avez bien réglé votre détente. Ce qui n’est pas un jeu d’enfant ici tant l’incidence de la flexibilité des haubans peut contrarier le réglage. Pour ce qui est des hautes vitesse en détente, pas de réglages possibles, on s’en remet au système de clapetteries Rapid Recovery parfaitement bien géré par l’amortisseur. Pour les basses vitesses, là il faut être clair : à deux clics près, vous avez une suspension qui marche… ou pas… Allez, on va dire moins bien ! Il faudra donc bien s’y attarder. Sans compter que l’incidence du réglage de la précontrainte sur le comportement du vélo est juste impressionnante. Avec 30% vous avez un vélo de marathon qui vous distille un confort et une motricité de premier ordre, une ouverture plus importante de la direction qui sera alors votre alliée en descente technique, mais la suspension aura tendance à pomper un peu plus en selle. Par contre, il faudra ajouter deux cales dans l’amortisseur ce qui est facile à faire, afin de compenser la fin de courbe de la suspension qui n’a pas assez de retenue (on arrive trop vite en fin de course). Avec 25% (soit près de 25 psi de plus pour un pilote de 75 kg), vous êtes déjà plus dans l’esprit cross-country. Le vélo oscille moins à la pédale, il paraît plus réactif, plus vif à l’accélération, mais vous perdrez en amorti, et même si la motricité est encore là, elle pourra être prise en défaut. Avec 20% … Oubliez, la suspension du vélo ne lisse plus les petites imperfections du terrain.

Alors oui, l’arrière distille une rigidité latérale plutôt souple, en désaccord avec l’avant, la mise au point du bon réglage de l’amortisseur demandera un peu de temps et de la rigueur dans le chemin vers la perfection, mais avec ce Shamann, les univers de la performance et de l’esthétique sont ici mieux liés que jamais. Chaque sortie à son guidon est un bain de jouvence, tant il incite à réitérer l’exercice à outrance. Un beau boulevard vers le succès.

Caractéristiques

FICHE TECHNIQUE : Tailles : S, M, L – Modèle d’essai : M – Cadre : Carbone Toray 700/800 – Fourche : RockShox Sid RL – Amortisseur : RockShox Deluxe RL – Freins : Shimano SLX, ø180/160 mm – Dérailleur avant : – Dérailleur arrière : Shimano XTR, 11 vit. – Pédalier : RaceFace Turbine, 32 dts – Commandes : Shimano XT – Cassette : Shimano SLX, 11/46 – Roues : Mavic Crossmax Pro – Pneus : av. : Hutchinson Taipan, 29×2.10” ; ar. : Hutchinson Python, 29×2.10” – Potence : Sunn alu, 70 mm – Cintre : RaceFace Turbine, 720 mm – Tige de selle : RaceFace Turbine, ø31,6 mm – Selle : Sunn 5295 CrMo – GEOMETRIE taille M : Tube supérieur : 600 mm – Tube de selle : 457 mm – Angle de direction : 69° – Angle de tube de selle : 74° – Bases : 435 mm – Empattement total : 1153 mm – Hauteur de boîtier : 325 mm – Reach : 450 mm – Stack : 600 mm.

Distributeur : Sunn, Contact : www.sunn.fr

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On aime : Chasseur de chrono • Comportement dynamique • Motricité

On regrette : Réglage difficile de la suspension arrière • Triangle arrière trop souple • Très long reach pour un VTT de cross-country