Specialized Epic HT Pro Carbon World Cup : Tout pour la gagne

En renouvelant son fleuron destiné à la compétition de cross-country, Specialized lance un nouveau pavé dans la mare : 875 g le cadre ! Sauf que ce cadre n’est pas encore disponible. Nous avons donc pris le départ du Rando Roc Altitude au guidon du Specialized Epic HT Pro Carbon World Cup, son petit frère qui n’affiche que 9,65 kg avec ses deux porte-bidons, et un prix contenu. Un futur best seller ?

DR N. Le Carré

[Htab][tab title=”PRIX”]4990€[/tab][tab title=”POIDS”]9.65 kg sans pédales en taille M[/tab][tab title=”DEBATTEMENT”]Déb. av. : 100 mm | Déb. ar. :- [/tab][tab title=”USAGE”]Compétition,vallonné, plaine.[/tab][/Htab]

On ne peut pas dire que le Stumpjumper HT carbone ait été le vélo le plus vendu dans la gamme de Specialized. Un cadre vieillissant et une concurrence féroce sur ce secteur des XC performants, ne lui ont guère laissé de chance. Il faut dire aussi que ces derniers temps, toutes les équipes d’ingénieurs de Morgan Hill se sont concentrées sur le développement de tout-suspendus, ou de vélos de route tous plus affûtés les uns que les autres. Voilà autant de données qui ont retardé le renouvellement de ce modèle. Pour 2017, il fallait que cela change. Specialized a donc demandé un coup de main à Peter Denk, le guru des vélos légers (il a longtemps travaillé chez Scott et Cannondale), pour les aider à développer leur nouveau modèle, qui au passage change de nom. Désormais il s’appellera l’Epic HT ! Histoire d’être un peu plus cohérent avec le reste de la gamme. L’Epic pour le cross-country, le Stumpjumper pour le All Mountain. Le résultat, il faut l’avouer, n’est pas super excitant. Certes le vélo est sobre, mais il n’est pas aussi flashy que ce que l’on a l’habitude de voir chez Specialized. Pas d’exubérance de technologies apparentes, pas de lignes futuristes… Pire, on le croirait presque sorti de la naphtaline. Un jugement très dur, je vous l’accorde, mais qui est en comparaison avec les vélos proposés par les concurrents sur le même segment de marché. Le Canyon Exceed, le Wilier 101X par exemple, ou encore le Merida Big.Nine que vous pouvez découvrir dans ce numéro, dégagent un je-ne-sais-quoi qui vous le ferait transformer en œuvre d’art. Là, vous êtes en présence d’un produit d’ingénieurs à connotation allemande…

Un cahier des charges précis

Pour autant, le cadre de cet Epic HT n’est pas avare de données attrayantes. Il faut dire que le cahier des charges était clair : faire le cadre le plus léger possible mais roulable, et surtout qu’il vous amène d’un point A à un point B le plus rapidement possible ! Quand on a donné ce genre de challenge à Peter Denk, il y a deux ans, l’ingénieur s’est frotté les mains : c’est tout ce qu’il aime. Le résultat ? Un cadre qui affiche seulement 875 g dans sa version S-Works grâce à du carbone issu directement de l’industrie aéronautique. Une fibre hors de prix pour le vélo, il y a encore peu de temps. Heureusement la demande du secteur de l’aviation ayant augmenté, le coût de production a baissé, l’industrie du vélo en a profité. Sauf que sa mise en forme s’avère plus complexe que prévu. Du coup, ce cadre aura un peu de retard au décollage. Voilà pourquoi nous n’avons pu rouler aujourd’hui que sur sa déclinaison moins haut de gamme.

Pour le coup, le cadre du Epic HT Pro Carbon World Cup est plus lourd de 200 g, ce qui en fait un produit dans les standards actuels. Pas de quoi crier au scandale, vu que Specialized propose un vélo complet à moins de 9,65 kg sans pédales (notre modèle pesé par nos soins était doté des pneus plus lourds -voir encadré « Ce qu’il faudrait changer », et deux porte-bidons). Pas mal ! Le S-Works affichera lui 8,3 kg mais un prix astronomique. Tandis que le Pro reste “raisonnable”, affichant moins de 5 000 €. C’est d’ailleurs souvent le niveau de gamme Pro le plus intéressant sur le millésime 2017, l’Epic HT ne fait pas exception.

Un cadre léger, c’est fait ! Un cadre pratique à l’usage. Pour ce faire, les gaines ne viennent pas frotter contre le cadre par exemple. Ce qui a supposé de créer à l’intérieur du tube diagonal un cheminement spécifique pour que la courbure des gaines se fasse bien et qu’elles puissent se changer facilement. Puisque l’on est sur ce tube, vous noterez qu’à l’instar de Trek, il adopte une trajectoire directe entre la douille de direction et le boîtier. Objectif : rigidité ! Et comme Trek, les ingénieurs se sont retrouvés face au même problème : le risque que la fourche ne viennent au contact du tube en cas de chute… Pas très pertinent tout ça ! La parade, ce sont ces morceaux de caoutchouc qui ont pour rôle d’amortir le contact. Autre point, le cadre passe au format Boost148 à l’arrière, normal pour optimiser les roues de 29” me direz-vous ! Certes, mais pour éviter que les pieds ne viennent au contact des haubans/bases, il a fallu bien retravailler le triangle arrière, et mieux intégrer l’étrier de frein qui se trouve fixé sur la base. Le résultat est parfait.

Le vélo a été conçu pour être le plus rapide à aller d’un point A à un point B, le problème c’est que la distance entre le deux points n’a pas été précisée !

Du côté de la géométrie, pas question de sacrifices, notamment dans les sections lentes. Le vélo devait garder un aspect aisé tout le temps. Alors, oui, il aurait été plus facile de mettre de l’angle à l’avant, et d’augmenter la longueur du triangle avant pour en faire un XC descendeur, mais les ingénieurs en ont décidé autrement. L’allonge du vélo est classique (mois de 420 mm en taille M) et la direction se contente d’un 70° avec une fourche de 51 mm d’offset. De quoi donner un vélo facile à emmener dans le lent, et pas compliqué à tenir en descente. D’autant qu’avec un boîtier bas et des bases coupées à 430 mm, ce 29” restera dynamique et stable partout.

Le confort ? C’est quoi ça ?

Lors de la présentation du vélo, le confort n’a pas été évoqué, et pour cause, cette donnée n’est pas entrée en compte dans l’idée que se sont faite les ingénieurs en créant ce vélo. On vous l’a déjà dit, ce vélo a été conçu pour aller d’un point A à un point B le plus rapidement possible, la distance entre les deux n’a pas été imposée ! En grattant un peu, on apprend quand même que les fibres carbone des haubans ont été disposées en forme de V avec la pointe du V vers le haut pour leur permettre de s’écarter lors d’un impact. Soit ! Mais pour le reste, il faudra faire avec la flexion de la tige de selle en ø 27,2 mm. Quand on sait que sur le Pro, elle est en alu, on se dit que ça va devenir vite compliqué. Heureusement, les roues Roval (marque de Specialized) qui équipent ce modèle sont plutôt tolérantes, d’autant qu’elles sont associées avec des pneus en 2.2 de section d’origine. Ouf, sauvé !

Un Roc pour test

Contrairement à la plupart des Specialized, on ne se pose pas aussi facilement sur l’Epic HT que sur le reste de la gamme. Il faut dire que le modèle en taille M est doté d’une potence de 90 mm. Vous avez dit allongé sur le vélo ? Trop ! Allez hop, elle a été troquée pour une potence en 65 mm (à défaut de 70 mm). D’un coup, on se retrouve comme à la maison. 1.8 bars de pression dans les pneus et nous voilà prêts à nous lancer sur la Rando Roc Altitude du dernier Roc d’Azur. Premier trou, et premier choc ! Le vélo va être physique s’il n’est pas capable d’amortir mieux que ça les aspérités du terrain. On est à dix mille lieues du Merida Big.One qui distille lui un confort royal. Une première accélération, la roue ripe sur le terrain rocailleux de Fréjus. On sent que le vélo a du répondant. La boîte de pédalier est juste verrouillée comme il faut pour transférer la puissance à la roue arrière sans devoir taper dedans. Les roues offrent un dynamisme à l’ensemble qui étonnent. Tolérantes, elles aident bien dans les relances à propulser la bête toujours plus vite. Il faut dire qu’avec moins de 10 kg à mouvoir, l’exercice est plutôt facile, mais quand même. La vitesse prise au guidon est bluffante au point que le plateau de 32 dents mis pour l’occasion (34 d’origine) est un peu court dans les portions de lignes droites. Ça mouline à plus de de 30 km/h malgré le vent de face. Le vélo reste étonnamment facile dès que les premières descentes se profilent. D’autant que vu l’encombrement du parcours, il faut souvent se faufiler à haute vitesse, entre les vététistes devenus piétons pour l’occasion, tout en contrôle de trajectoires pour se jeter d’un côté à l’autre des ornières. A ce petit jeu, l’ADN de Specialized est bien présente. Le vélo est joueur, facile à placer, et même s’il n’affiche pas 68°de direction, s’avère aisément contrôlable dans la pente. Si son manque d’amorti à l’arrière aurait pu nous faire craindre au pire, entre les pneus en 2.3 (changés pour l’occasion – voire encadré « Ce qu’il faudrait changer ») et les bases courtes, le fait de se positionner bien au-dessus de la roue arrière permet de contrôler les mouvements du vélos avec sérénité.

La vivacité du vélo se ressent également dans les chemins sinueux où le vélo s’opère à chaque ordre donné au guidon. Pas besoin de grande amplitude de mouvement, le vélo tourne sans débauche d’énergie. La direction est vive, l’arrière aussi, il est le champion du virolo. Reste que dans les ascensions techniques, ponctuées de changements de direction rapides, il faudra bien s’avancer sur son bec de selle pour rester au contact du terrain, et ce malgré le tube de selle posé à 74°. D’autant que la rigidité du triangle arrière laisse reposer tout le boulot de la motricité sur le seul pneumatique. Heureusement le FastTrak est un bon bosseur, mais un peu de souplesse verticale aurait été un plus. D’autant qu’avec son programme d’allègement, l’Epic HT Pro Carbon est une danseuse d’opéra dans les ascensions. Tout est facile, au point d’effacer littéralement le dénivelé positif. Cerise sur le gâteau, sans que vous n’ayez à le payer plus tard au niveau des cuisses !

Avec ce nouvel opus, Specialized montre qu’il sait toujours faire des VTT semi-rigides destinés à la compétition. Ultra-léger, au comportement à la fois sain et joueur, il a cependant oublié une donnée qui nous semble essentielle : le confort et la motricité apportée par le cadre. Alors certes, un jeune compétiteur ne s’en souciera guère. Mais seront-ils nombreux à pouvoir s’offrir une telle bête de course ? Pour des vieux briscards comme vous et moi, je ne pense pas que faire reposer sur la tige de selle, ou sur le train roulant (ici parfait), le seul travail de souplesse qui permet d’aller loin sans devoir passer par la case décontractant musculaire une fois la sortie terminée pour soulager le dos soit une bonne solution. Specialized devrait peut-être s’inspirer de ce qu’il fait à merveille sur ses vélos de route, à savoir combiner le confort à la performance sans perte de rendement…

Caractéristiques

FICHE TECHNIQUE : Tailles : S, M, L, XL – Modèle d’essai : M – Cadre : Carbone Fact 10m – Fourche : RockShox Sid Brain – Freins : Shimano XT, ø180/160 mm – Dérailleur arrière : Sram Eagle XX1, 12 vit. – Pédalier : Sram XX1 Egale, 34 dts  -Dérailleur Avant : – Commandes : Sram XX1 Eagle – Cassette : Sram Eagle XX1, 10/50 – Roues : Roval Control Carbon 29 – Pneus : Specialized Fast Trak Control , 29×2.2 – Potence : Specialized alu, 90 mm – Cintre : Specialized Mini Rise alu, 720 mm – Tige de selle : Specialized alu, ø27,2mm – Selle : Specialized Phenom Expert – GEOMETRIE : Taille M – Top tube : 600 mm – Tube de selle : 435 mm – Angle de direction : 70° – Angle de tube de selle : 74° – Bases : 430 mm – Empattement total : 1 109 mm – Hauteur de boîtier : 308 mm – Reach : 418 mm – Stack : 608 mm.

Distributeur : Specialized France, Contact : www.specialized.com

RENDEMENT [star rating=”4.5″]
CONFORT [star rating=”3″]
MANIABILITE [star rating=”5″]
STABILITE [star rating=”5″]
PRIX/EQUIPEMENT [star rating=”4″]

[quote] On aime : Une géométrie classique qui passe partout • Le dynamisme du cadre • Le train roulant
On regrette : Pas de tige de selle carbone pour offrir plus de souplesse • Le confort du cadre oublié sur le cahier des charges.[/quote]