Specialized Enduro Comp 29 : Pas de compromis !

C’est LA sensation du début d’année. L’Enduro 29 de Specialized pose de nouvelles bases tant sur le plan de la géométrie que du débattement, et l’enduro Biivouac a été une excellente occasion de faire le tour du modèle d’entrée de gamme, l’Enduro Comp 29.

Problématique résolue en partenariat avec Sram qui a co-développé un nouveau standard de fixation haute, mais qui n’est pas le Direct Mount habituel jugé trop volumineux. Tout réside dans une plaque amovible, appelée Taco Blade (forme identique à celle d’une chips de maïs), elle-même fixée sur les bases pour en suivre le mouvement. Le support est amovible pour épurer la zone en cas de montage XX1. Le tube de selle est avancé en bas, mais ne modifie en rien la position en selle grâce à un angle adapté et surtout un chariot déporté vers l’arrière, grâce à une tige de selle Specialized qui prend ici tout son sens. Les notions de Reach et de Stack sont parfaitement conservées par rapport au 26 pouces. On note que le pontet entre les haubans est arrondi et décalé vers le bas pour gagner encore un peu de débattement. Ce Comp 29 et les autres Enduro 29 actuellement en magasin sont des modèles Early Season, une sorte de série intermédiaire avant l’arrivée du millésime 2014, d’où le SE pour Special Edition. Pour l’année prochaine, les vélos seront livrés avec une tige de selle avec gaine intégrée type Stealth, avec la nouvelle fourche Pike de RockShox et un réglage interne de l’amortisseur qui sera aussi légèrement différent. Point auquel Brandon Sloan, chef produit VTT Specialized, accorde une importance toute particulière, il est possible de monter sur tous les modèles et toutes les tailles un porte-bidon pour ceux qui, comme lui, ou notre rédac’ chef bien aimé, conçoivent la pratique du VTT sans un sac sur le dos.

Une sacrée machine !

L’idée de base c’est de rouler avec une version “modeste” et accessible en prix, mais avec une option roues haut de gamme : les nouvelles Specialized Roval Traverse SL aux jantes carbone vendues à 1 699 € pour 1 695 g la paire, nues évidemment. Pourquoi ? Parce que l’expérience acquise ces dernières années à rouler toutes sortes de configurations dans tous types de diamètres et tous types de cadres nous a enseigné qu’il est bien plus intéressant, surtout en 29″, de privilégier les roues. C’est surtout une bonne manière d’optimiser le comportement d’un vélo tout en restant dans des prix “relativement” acceptables. Par rapport aux 649 € des roues d’origine, on arrive à 4 000 € le vélos complet, sans tige de selle télescopique. Même si on est aux limites de la rationalité avec un vélo à ce prix, ainsi équipé et sortant à 14,5 kg “préparé” (roues Roval Traverse SL, pneus Specialized Purgatory/ GroundControl Grid, tige de selle Specialized Blacklite et pédales Shimano XTR Enduro), poussons le raisonnement au bout afin de voir s’il se vérifie une fois encore sur le terrain. Ce qu’il nous est donné de constater en premier lieu, c’est que l’Enduro 29 est différent de son très proche cousin le Stumpjumper FSR 29. Différent dans la maniabilité, les premiers coups de guidon le laissent à penser, la suite du roulage le confirmera. On est loin du côté très (trop) stable et si rassurant du Stumpy. L’Enduro 29 montre immédiatement un tempérament plus affirmé, plus enclin à tourner court, malgré le débattement supérieur. Pas vraiment une surprise après lecture de la géométrie de ce dernier : 25 mm de bases en moins, boîtier plus bas de 3 mm (avec 0% de précontrainte) et empattement seulement 8 mm plus long. Trois éléments fondamentaux qui, malgré un angle inférieur de la douille de direction (67,5° contre 69,8° sur le Stumpy), apportent un bien meilleur équilibre. Il faudra quand même faire passer la précontrainte de 17 à 19 mm d’enfoncement pour que la balance parfaite soit atteinte.

Il est presque trop maniable : incroyable ! Couplé aux Roval Traverse SL, le Comp confirme un peu plus à chaque mètre qui défile qu’il ne pédale pas comme un vélo de ce poids. Nous ne sommes pas non plus sur les bases de l’Epic, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, mais il est évident qu’il apporte bien plus que nous aurions pensé. Outre les roues ultra-dynamiques grâce aux jantes carbone et au poids global contenu pour ce niveau de solidité, on apprécie la manière dont le modeste amortisseur Float CTD est calibré. Le mode Climb est un vrai mode destiné à grimper. Il fige très suffisamment la compression pour éviter, malgré une précontrainte plus importante, à l’arrière d’onduler et de s’affaisser. On verra plus tard à quel point ce détail est important dans un petit face-à-face avec la version S-Works, 4 000 € plus chère que notre version Comp, même ainsi tunée. Un mode Trail également parfaitement étalonné pour “cruiser” au train ou partir le couteau entre les dents sur une spéciale chrono. Le mode Descend est comme souvent synonyme de confort et de souplesse absolus, lorsque c’est l’état d’esprit et le résultat recherchés. Il pédale vraiment très bien, et comme il est particulièrement équilibré, même à basse vitesse, grâce aux braquets adaptés, il se prête à bien des excentricités sur les portions les plus ardues. Les nombreuses spéciales de l’enduro Biivouac, tant par leurs variétés que leurs technicités avec comme point d’orgue la dernière spéciale absolument dantesque, auront montré à quel point ce vélo est redoutable d’efficacité et de tolérance dans les portions rapides ou légèrement sinueuses. On aura également constaté qu’il est capable de sortir son épingle du jeu dans des virages ultra-serrés, à condition d’être dans le bon tempo, de ne pas avoir loupé son freinage. Si c’est parfois arrivé, c’est par la faute du pilote et celle d’un terrain particulièrement glissant où il fallait une grosse dose d’engagement et de finesse sur des dédales de racines et autres dalles rocheuses luisantes comme de la glace… Un contexte idéal pour mettre en avant la tolérance d’un vélo.

Un mano a mano surprenant

C’est là que notre petit face-à-face avec le redoutable S-Works, le modèle haut de gamme de la série Enduro 29er, va s’avérer totalement déroutant à plus d’un titre. Idéalement configurée, la boucle support de ce face-à-face fut une montée sur la route de 8 km afin de rejoindre le départ de la spéciale n°2 du dimanche matin puis les quelques six minutes de descente génialissimes pour redescendre sur les bords du Trèvezel à Trèves. Première montée : l’Enduro Comp et pneus à 1,9 bars de pression. Trente minutes tout rond pour monter. Pas de temps pour la descente, mais des sensations vraiment très agréables et une confiance totale dans les réactions de la machine. En bas, échange pour un S-Works taille L équipé d’un train roulant absolument identique, sauf que cette fois je passe la pression du pneu arrière à 2,7 bars pour améliorer le roulement du Ground Control Grid qui a tendance à “coller” un peu sur la route autant qu’il motrice sur un chemin. Intensité très similaire, voire légèrement supérieure, les 450 m de dénivelé de la même ascension sont bouclés en 28’40.

Facteur très dérangeant, l’amortisseur Cane Creek se révèle être loin, même avec son levier pour freiner à peine sensiblement les basses vitesses, d’éviter une oscillation très prononcée. Vous objecterez que ce n’est pas ce qu’on lui demande (d’être performant sur la route) et vous aurez raison, mais ce support lisse reste quand même un excellent révélateur de la notion de rendement. Petit coup de manomètre pour ramener le pneu arrière à 1,9 bar, et c’est parti pour une deuxième spéciale en descente. Quelques centaines de mètres plus loin je m’arrête, regarde le vélo, juste pour être sûr d’être sur la même géométrie, le même vélo (en carbone cette fois) tant le comportement est différent, incroyablement différent. Même avec une fourche RockShox Pike un peu ferme (je n’ai pas pu changer les réglages avant mon test), je me retrouve sur un vélo beaucoup moins aisé à conduire qui fait carrément basculer dans la notion de pilotage d’expert. Pas forcément pour aller plus vite d’ailleurs, et c’est bien là ce qui me gêne. Afin d’en avoir le cœur net, je remonte sur le Comp après avoir insufflé 2,7 bars de pression dans le pneu arrière pour aligner une troisième ascension et mettre les deux vélos à armes égales sur ce point essentiel. 29’30, soit 50 secondes de plus. La grosse leçon que je tire de cette expérience sans appel, c’est qu’avec deux gros kilos de moins et 4 000 € de plus, le S-Works Enduro 29, n’aura permis (dans ce cas bien précis) de ne gagner que 50 maigres secondes sur trente minutes de montée et surtout que son pilotage est plus exigeant.

Retour au Comp de base

Roulé en condition 100% origine dans un deuxième temps, le Comp aura effectivement montré un peu moins de peps qu’avec les roues Rocal Traverse SL en relance et d’une manière générale au pédalage. Mais il demeure à un niveau auquel on ne l’attend pas, et dans le bon sens du terme. Le seul moment où son poids peut être réellement gênant, c’est lorsqu’il faut le mettre sur le dos pour un portage : pour tout le reste, la barre est désormais placée très haute. Preuve qu’il n’est pas nécessaire de dépenser des fortunes pour tomber sur un (très) bon numéro !