Sécurité : Le tourne à  droite

Voilà plus d’un an, la municipalité de Strasbourg recevait l’autorisation d’expérimenter le dispositif du « tourne à droite » pour les cyclistes. Aujourd’hui, c’est la communauté bordelaise qui poursuit les tests. Dans quel but ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre…

On touche ici les limites du Code de la route, élaboré et adopté dans les années 60, âge d’or du développement automobile. Une période durant laquelle le vélo n’avait plus sa place en ville. Heureusement, depuis quelques temps, sous l’impulsion de nombreuses associations d’usagers de la petite reine et en s’inspirant de ce qui a été réalisé chez nos voisins belges, allemands et hollandais, les autorités en charge de la Sécurité routière travaillent sur une réforme du Code de la route devant aboutir à la mise en place d’un Code de la rue. Objectif : faire évoluer le Code de la route en milieu urbain lorsque cela s’avère nécessaire. Le principe du «tourne à droite» s’intègre parfaitement dans cette démarche.

Strasbourg, ville pilote

C’est à Strasbourg, ville à forte culture vélo, qu’ont été réalisées les premières expérimentations, sous la surveillance de la Délégation à la sécurité et la circulation routière (DSCR) et le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu). L’expérimentation a été menée sur cinq carrefours de profils différents et dans des zones étudiantes à forte fréquentation cycliste. Chaque carrefour a été équipé d’une signalisation lumineuse spécifique de couleur jaune, indiquant la direction et le type d’usagers autorisés à effectuer la manœuvre. «Au départ, nous souhaitions juste fixer un panneau sous le feu pour indiquer aux cyclistes qu’ils pouvaient tourner à droite comme cela se fait déjà aux Pays-Bas», indique Serge Asencio, chargé de mission vélo pour la ville de Strasbourg. «Mais la délégation Sécurité routière a imposé la cellule lumineuse». Du coup, et malgré une campagne de communication importante pour les secteurs concernés, «quelques automobilistes ont affirmé, avec plus ou moins de bonne foi, avoir confondu ce signal lumineux avec la flèche pour les automobilistes». Quoi qu’il en soit, aucun accident n’a été recensé depuis la mise en place du dispositif. Soit une année d’expérimentation. «En revanche, des conflits entre piétons et cyclistes ont été observés, mais rien de très virulent non plus.» L’application du «tourne à droite» suppose des opérations de communication, en amont, sur le respect d’autrui.

Après Strasbourg, où l’expérience se poursuit avec, comme le précise Serge Asencio, une augmentation du nombre de carrefours, c’est au tour de la communauté urbaine de Bordeaux de tester le dispositif. Il concerne ici dix carrefours aux caractéristiques bien différentes afin de déterminer le plus précisément possible les aménagements qui ne posent pas de problème et les autres. A terme, cette expérimentation nationale doit permettre de valider cet aménagement afin de l’inscrire dans le Code de la rue et le généraliser à un certain type de carrefours sur l’ensemble du territoire. Certains diront que ce dispositif n’a pas de sens puisque dans les faits, les cyclistes urbains pratiquent déjà le «tourne à droite». Néanmoins, en le légalisant, les autorités mettront un terme au jeu du chat et de la souris entre les forces de l’ordre et le cycliste, ce dernier étant encore passible aujourd’hui d’une amende de 135 e lorsqu’il brûle un feu rouge. Et puis les cyclistes auront enfin le sentiment d’avoir vraiment leur place dans l’espace urbain. Comme le dit si bien Richard Gessner, en charge de la politique cyclable à Bordeaux, «l’autorisation de tourner à droite au feu rouge répond à un besoin naturel du cycliste urbain qui n’a pas envie de fournir d’effort supplémentaire en s’arrêtant à tous les feux». A terme, c’est le développement de ce système de transport écologique qui devrait en sortir vainqueur. Mais il faudra se montrer patient, l’expérimentation bordelaise ne devant s’achever qu’en 2011. D’ici là, arrêtez-vous aux feux rouges !