Morewood Sukuma : Cocktail loupé !

Annoncé depuis plusieurs mois, le nouveau Sukuma était attendu comme le messie par les amoureux de la marque sud-africaine. Cette nouveauté orientée all-mountain et enduro léger laisse pourtant un goût amer…

CNC et hydroformage

Le Sukuma dispose d’une plateforme alu associée à des haubans carbone haut module, ce qui lui donne un atout, surtout sur le plan commercial et esthétique. Dans une si faible proportion, le carbone n’apporte pas un gain de poids significatif. Un poids annoncé à 2,9 kg le kit cadre en taille M avec amortisseur. Dans la moyenne. Le plus étonnant sur le Sukuma, c’est de voir la manière dont il utilise la dissymétrie pour libérer de la place pour le dérailleur avant en fixation Direct Mount et pour les plateaux. Le décalage vers la gauche est compensé par une base et une biellette droite cintrées vers l’intérieur. Vue de dessus, lorsqu’on pédale, la perspective est particulièrement marquée. On imagine volontiers le délai de réalisation de ce type de structure qui repose sur des formes complexes alliant l’usinage CNC et l’hydroformage, le tout à assembler avec précision. On note que le point de pivot base/triangle avant utilise le même axe que celui sur lequel le pied de l’amortisseur est fixé. Un axe dont la localisation est plutôt haute (alignée avec le grand plateau). Cela laisse déjà entrevoir un allongement de chaîne prononcé lorsque la suspension va se comprimer. En effet, la mesure faite montrera un allongement de 27 mm de la distance axe de roue/axe de pédalier : énorme. Une boîte de pédalier en PressFit pourvue de plots de fixations au standard ISCG05 pour un anti-déraillement complète les caractéristiques de cette zone. L’axe de roue arrière est en 142×12 mm avec serrage BTR, peu pratique. Il faut dire que le système Split Pivot est volumineux, rajouter un serrage type Maxxle dans cette zone aurait encore accentué cet encombrement.

A l’avant, la douille est évidemment conique, mais utilise un roulement semi-intégré en haut et externe en bas, ce qui incline et allonge la longueur totale de la douille. Notre montage est basé sur une transmission Shimano XT 3×10 avec cassette en 11/34, des freins Formula The One et un max de composants Spank Oozy. On note surtout le beau travail réalisé sur la paire de roues assemblée dans les ateliers de BS Trading sur la base de moyeux Spank, rayons DT Swiss et jantes Oozy 26, convertie en tubeless via le fond de jante adhésif et la valve de la même marque. Un ensemble qui sort à 1 768 g, soit le poids d’une bonne paire de roues enduro. Il faut savoir que ce Sukuma est vendu, soit en kit cadre amortisseur, soit monté en version LTD à 3 999 €. Un montage qui se compose d’une transmission Sram 3×10 (dérailleur avant Shimano) avec freins Formula R1 et roues DT Swiss Tricon M1700 en plus de la panoplie Spank Oozy. La géométrie du Sukuma est particulière avec un boîtier de pédalier à la hauteur d’un semi-rigide, un angle de tube de selle plutôt couché sur l’arrière, un avant très court en Reach pour une taille L (cette cote matérialise la distance qui sépare l’axe verticale du guidon de celui pris au niveau du boîtier de pédalier). Malgré une longueur de tube de selle déjà presque trop longue, on a de quoi hésiter à passer sur la taille au-dessus, surtout si l’entre-jambe est réduit. Ajoutons à cela une inclinaison de la douille également prononcée, et vous obtenez une philosophie difficile à décrypter, mais on ne demande qu’à se laisser convaincre.

De surprise en surprise

Une fois en selle, cette taille L se révèle trop courte pour être dans une position favorable au pédalage. Trop courte se traduisant par un buste trop droit. Pour ce qui est du recul de selle et de la position du bassin par rapport au boîtier, pas de problème. Exactement ce que nous avait déjà dit notre mesure du Reach. Rapidement les premières sensations au pilotage excluent de passer sur une potence plus longue. Il est en effet difficile de fermer les courbes serrées. On a beau essayer de réduire le rayon de la courbe, rien à faire ! En tout cas avec une vitesse raisonnable. Il faut alors avoir recours à un coup de frein arrière pour aider le vélo à pivoter. Ce phénomène se résorbe lorsqu’on passe la fourche en 120 mm devant, mais ce n’est franchement pas une solution. Pas maniable, il n’apporte pas non plus un sentiment de stabilité rassurante lorsqu’on lâche les freins. Paradoxe dont il se serait bien passé. En descente toujours, la position ramassée de l’avant n’aide pas à trouver un équilibre avant/arrière solide dans la pente et les freinages appuyés. Malheureusement ce n’est pas tout. Sur le plan dynamique, un vélo en 150 mm se doit d’être un minimum tonique et capable d’emmener son pilote sur de belles et grandes boucles avec du dénivelé. Après avoir remplacé les gros pneus Maxxis par des carcasses plus légères et gagné quelques 600 g au passage sur le train roulant, le Sukuma a retrouvé de l’air sans quoi, il était vraiment pataud et lourd à emmener.

Autre caractéristique, elle aussi prévisible et qui n’arrange rien, l’allongement de la chaîne. Lorsque la suspension travaille, cela se traduit par une contre-réaction dans les pédales. Une contre-réaction qui atteint son paroxysme sur le petit plateau et lorsque la chaîne descend sur la cassette. Un constat qui permet d’affirmer que le 3×10 ne lui convient pas et qu’une cassette en 36 dents (contre 34 ici) s’impose. Point positif, le mouvement de recul de la roue arrière lors de la compression aide à adoucir l’impact, ce qui rend le Sukuma très confortable : une maigre consolation… On note aussi que même sur la positon Firm, le freinage hydraulique du RP23 n’est pas suffisant pour casser les oscillations de la suspension lorsqu’on relance debout par exemple. Le bilan du test de ce Sukuma est clairement très décevant. Nous ne sommes pas du tout sur des comportements auxquels Morewood nous a habitué. Jusqu’alors Morewood rimait avec vélos ludiques, stables mais faciles à placer, à la suspension arrière calibrée aux petits oignons, des vélos qui vous donnent la banane. Est-ce le départ de son fondateur qui a laissé place à une période de flottement ? Toujours est-il que le Sukuma ne nous laissera pas un bon souvenir. Certes on voit qu’un réel travail a été réalisé sur la structure du cadre et les haubans carbone ne gâchent rien sur le plan esthétique. Il n’en reste pas moins qu’on a le sentiment d’un dosage raté, que l’on a vite envie d’oublier !