Expérience unique : Dans le secret de Fox !

Fox ne dort pas ! Même si la société californienne semble marquer le pas face à une concurrence “techniquement” déchaînée et mieux placée en prix, on a pu vérifier par nous-mêmes que sur le plan du fonctionnement pur, une fourche Fox peut surpasser tout ce qui existe à ce jour. Attention toutefois à remettre cette comparaison dans un contexte bien précis…

 

Ce contexte, c’est une journée de test spécialement réservée à Vélo Tout Terrain. Une journée avec, en logistique, la structure Fox qui se déplace sur les compétitions et des techniciens ultra-performants : le responsable technique Europe, Eamonn Cleere, Kolja Schmitt, technicien et support pour les athlètes Fox sur toutes les courses en Europe dont les Words Enduro Series et Christophe Ritzler, aux commandes de la plateforme des ventes en Europe sans qui cette journée particulière n’aurait jamais eu lieu.

 

La journée a été organisée à la suite du lancement du BMC Trail Fox 01 (voir Vélo Tout Terrain n°179), le nouvel enduro 29” suisse à Whistler à la fin de l’été, un lancement émaillé par des dysfonctionnements notamment sur le nouvel amortisseur Float X. Pour être précis, on va plutôt dire un manque d’adéquation plus exactement avec la suspension du BMC. Les fourches Float et Talas, testées sur les différents BMC n’ayant pas non plus été exemptes de tout reproche, j’appelle Christophe Ritzler, avec qui une saine relation perdure depuis de nombreuses années, pour faire le point. L’homme est à l’écoute et concède que tout n’est pas idyllique, mais que tout est fait pour ramener Fox au niveau de la concurrence, en l’occurrence la RockShox Pike, voire d’aller plus loin « et tu vas voir que du Fox, ça peut marcher très fort ». Il me propose alors une journée de test avec le vélo, pour découvrir le programme RAD (Racing Application Development) qui est généralement réservé aux pilotes pros, et qui préfigure souvent le test des futures générations de produits chez Fox. Afin d’aller au bout de mes investigations sur le BMC, par ailleurs ultra-convaincant, je propose le TF01 XX1 équipé d’origine de la Float 34 Factory CTD et du Float X Factory CTD. Pour le spot, ce sera le Sud, sur mes pistes bien connues, habituellement utilisées pour les tests des vélos de descente notamment, et ainsi être certain de pousser au maximum les produits.

 

Mise en place de la nouvelle bague interne pour accentuer la progressivite (2)
action !
Toute la journee Eamonn va consigner chaque detail
Run 7 Nouvelle cartouche version 2
Run 6 Mise en place de la nouvelle cartouche
Preparation du nouvel amortisseur
ouverture
Le camion
Mise en place de la nouvelle bague interne pour accentuer la progressivite (2)

© Vincent Julliot et Laurence Tarbes

 

Le jour J

Le 8 octobre, veille du Roc 2013, je retrouve l’imposante structure déplacée par Fox et ses trois éminents représentants. La pression monte, c’est du sérieux ! Si j’espère ne pas être déçu, j’espère ne pas décevoir non plus car Christophe Ritzler m’a promis une belle exclusivité en me permettant de rouler une configuration inédite de la Float 34. De grosses améliorations, selon lui, issues d’un travail réalisé sur les Enduro World Series. A peine la remorque et le camion sont-ils parqués que le vélo est sur le pied. On commence par faire un point sur le déroulement et les étapes qui vont être suivies. « On va commencer par rouler la configuration d’origine en prenant soin de vérifier que tout est conforme à nos spécification d’origine 2014. » Christophe Ritzler évoque principalement la fourche dont la progressivité a été corrigée pour cette année et qui est conditionnée par une hauteur d’huile de 30 mm dans la chambre d’air. « Pour l’amortisseur, on verra dans un second temps » et d’ajouter, « pour la fourche, on a aussi quelque chose d’intéressant à te faire essayer, mais pour l’instant tu vas rouler la même version que ce que tu as roulé à Whistler. »

 

Run 1 

Pour cette première mise en route, Eamonn Cleere, le responsable technique, me demande de rouler en mode Descend devant et derrière. Pressions et détentes sont ajustées, c’est parti. Sans surprise, l’arrière ne convient pas sur ce terrain très cassant. Concernant la fourche, je constate que beaucoup de débattement est utilisé dans les freinages et que le contrôle de la fourche est très perfectible en mode Descend. C’est pour cette raison précise que j’utilise systématiquement le mode Trail sur 2 ou 3 afin d’apporter un peu de consistance sur les basses vitesses. Idem pour l’arrière, qui en plus, n’est décidément pas en phase sur le plan de la progressivité. Dans cette configuration, le vélo consomme beaucoup trop de débattement, vient régulièrement talonner, le mode Trail de Fox est trop “smooth”, et ne convient pas pour rouler vite.

 

Run 2 

Eamonn Cleere et Kolja Schmitt montent l’amortisseur retravaillé par BMC et qui équipera tous les Trail Fox 01 XX1 2014 de série. Il diffère par des compressions hautes et basses vitesses accrues et un volume d’air également plus important diminuant encore la progressivité ! L’idée étant aussi en théorie d’obtenir une plus grande sensibilité. Soit ! Même précontrainte sur ce nouvel amortisseur avec 14 mm pour 160 psi. Fourche idem. Quelle différence ! Toujours en mode Descend, le comportement de l’arrière est beaucoup plus sain et homogène. C’est bien une première sur ce mode. Tout a été décalé vers le haut : les modes Trail et Climb gagnent aussi largement en consistance. Une assiette plus constante en résulte, mais dans la dernière portion de la piste, la plus pentue, avec des masses plus au-dessus du cintre que de la roue arrière, cette dernière semble perdre le contact à cause d’un manque de sensibilité dès lors que la suspension est délestée.

 

Run 3 

On passe la précontrainte à 150 PSI et 19 mm en espérant que cela corrige suffisamment pour avoir un comportement idéal du début à la fin de la piste. Concentré sur les sensations, j’oublie de remettre le levier sur Descend, je roule en Trail, un coup pour rien. Même avec moins d’air, le support étant bien supérieur, tant en gardant le même comportement, intéressant !

 

Run 4 

On ne touche toujours pas à la fourche qui reste à 88 PSI et 30% de précontrainte. Cette fois, je prends soin d’activer le bon mode. Le comportement de l’arrière est très nettement supérieur à la version 1 à mode équivalent. Toutefois, si je devais effectuer une ultime modification, je demanderais une chambre d’air sensiblement réduite pour accentuer aussi et malgré tout la progressivité. A ce stade, le constat, c’est qu’en agissant finalement que sur un réglage interne, en l’occurrence la progressivité, on obtient des caractéristiques très éloignées de la version testée au Canada.

 

Run 5 

Christophe Ritzler explique : « On va commencer par une première modification sur la fourche qui consiste à remplacer les bagues de guidage et l’huile de lubrification » qu’ils appellent Golgen Oil en référence à sa couleur « afin de n’agir que sur l’aspect purement mécanique lié aux frictions. » Ce sera la première grosse sensation de la journée. Alors que je me demandais si j’allais sentir une différence, elle me saute à la figure dès les premiers mètres. Quelle onctuosité, quelle douceur dans le contact avec le sol et dans la transition entre le moment où la fourche se détend et où une pression est à nouveau exercée ! Le sentiment d’une bien meilleure lecture terrain est également évident. Une précision accrue en résulte, sans parler du confort. Un gain très notable sur ce dernier point et moins de fatigue générée. Je ne m’attendais pas à de tels effets…

 

Run 6 

Run 6 Mise en place de la nouvelle cartouche
© Vincent Julliot et Laurence Tarbes

Cette fois, la 34 reçoit une nouvelle cartouche hydraulique en complément des modifications du tour précédent. Attention, pas n’importe quelle cartouche, un modèle pensé pour du 29” dont on sait que l’angle d’attaque sur les obstacles est différent. Une hydraulique propre à chaque diamètre, là ça va loin, mais c’est tellement logique techniquement ! Le fait est que cette fois, c’est une autre dimension qui est atteinte. Le débattement est bien utilisé sans pour autant donner la sensation d’avoir une perte de contrôle au freinage en raison d’une fourche qui s’affaisserait trop. En même temps, on sent qu’il y a un réel support parce que le contrôle est là, mais différemment distillé. Le point le plus étonnant certainement, il semble que ce même terrain fait de cailloux anguleux ait été poli, que les formes aient été arrondies tant le contact avec le sol est encore adouci. Le pneu semble toujours exercer la même pression au sol. Plus précis, plus confortable, le pilotage gagne en relâchement, en confiance et immanquablement en vitesse. Malgré les runs qui s’enchaînent, la fatigue diminue presque.

 

Run 7 

Une nouvelle cartouche en test. Cette fois, le doute s’installe. Hormis une légère diminution du confort et des bras qui tirent à nouveau un peu, difficile de dire que le comportement est très différent. Normal, Eamonn Cleere m’expliquera à la fin du run, que par rapport à la précédente, les basses vitesses légèrement accentuées sur cette-là, expliquent le ressenti.

 

Run 8 

« Maintenant c’est la dernière, alors on fait comme tu veux sur le vélo : quelle cartouche tu préfères ? Est-ce que tu veux retoucher un peu la progressivité de l’arrière ? » Merci Christophe, c’est si gentiment proposé… Sans hésiter et en prévision de la Mégavalanche de la Réunion qui va demander beaucoup d’endurance physique, j’opte pour la plus confortable des cartouches et demande à accroître la progressivité de l’arrière. Pour devant, elle est absolument parfaite, toute la course est utilisée sans talonnage : l’idéal ! C’est en remplaçant une bague dans l’amortisseur que le comportement va être modifié. La dernière descente sera un pur bonheur de pilotage. Le vélo est une horloge, mais une horloge qui roule vite tout en permettant de rouler relâché le tout, en étant devant comme derrière sur des modes Descend qui prennent enfin totalement tout leur sens. Quel pied !

Voilà une journée qui aura dépassé largement toutes mes attentes. Elle m’aura permis de voir ce que Fox est capable de proposer dans un programme RAD. On arrive ainsi sur un produit largement équivalent voire supérieur à ce qui existe aujourd’hui, sauf que la comparaison porte sur des produits concurrents de série et que là, ce n’est plus du tout le cas. Reste à voir ce que Fox va faire “commercialement parlant” du travail de mise au point effectué grâce aux développements associés aux pilotes Fox engagés cette année sur les Enduro World Series. Et puis, comment cela va se concrétiser dans la production. Car on le sait : faire une petite série qui fonctionne, ce n’est pas forcément possible en grande série. C’est pourquoi Fox pourrait proposer cette évolution en option pour le millésime 2015. Mais il va falloir attendre encore un peu pour le savoir…

 

Le protocole 

Sur un test comme celui-ci, le protocole est capital. Le matériel utilisé doit être choisi en parfaite cohérence avec le programme et le niveau de performance du sujet. Avoir une fourche de ce niveau implique de pouvoir passer le grip au sol et encaisser des chocs à un niveau de pression réaliste (1,8 devant/ 1,9 derrière), en phase avec la pratique. C’est pour cette raison que les Continental d’origine “un peu ligot” ont été remplacés par des Michelin Reinforced. Idem si le freinage ne suit pas, inutile d’avoir du grip et du contrôle : les Avid X0 Trail double piston en disques de 200 mm/180 mm auront apporté une puissance capable de donner un ensemble homogène. On peut pousser aux roues dont la solidité et le dynamisme doivent avoir une forme de neutralité et les Roval Traverse SL ont été parfaites dans le rôle. Qu’un seul de ces maillons soit “plus faible” et la solution de l’équation est faussée ! Ce qui nous fait dire que l’avenir passe peut-être par ce type d’alliances pour aller plus loin en matière de développement axé sur la performance.

 

Fréquences ?

Dans la discussion, Christophe évoque le sujet des “fréquences” des vibrations qui résultent des chocs et de la manière dont le corps humain les encaisse. Une étude montre qu’en dessous de 12 hertz, l’organisme gère sans fatigue, mais qu’au-dessus “l’usure” physiologique est inévitable même si on est très entraîné. La seule différence vient de la manière de gérer l’information. L’idée est donc de ne pas soumettre le pilote à des fréquences supérieures à ce seuil. Une composante prise très au sérieux en Formule 1 où tout est fait pour permettre aux pilotes de conserver un niveau de combativité suffisant malgré le niveau de stress et des fréquences des vibrations très élevées.