BH Ultimate Evo 9.5 : Pour quelques grammes de moins

En cross-country, faire un beau vélo est souvent un second critère, le premier est sans conteste de produire un cadre léger. Mais lorsque l’on peut marier les deux, alors on obtient un Nirvana. C’est ce que BH a réussi à faire avec le nouvel Ultimate Evo.

6 399,90 € | 9,05 kg taille M, roues : 3,75 kg | Déb. av. 100 mm

Pratique : cross-country compétition / Terrain : plaine, vallonné

BH est loin d’être un novice dans la course à la légèreté. Pour preuve, le modèle que ce nouvel Ultimate Evo doit remplacer cette année était déjà annoncé parmi les plus légers de la planète industrielle avec 840 g (officiels) sur la balance, mais nu comme un ver et en petite taille. Bien sûr c’est le jeu pour obtenir le meilleur chiffre, mais si l’on reste sur la norme de l’Espagnol, alors on peut dire que BH a fait fort avec le nouveau venu. Les ingénieurs annoncent avoir fait une économie de 20 g sur le cadre. Alors oui, 20 g ça peut paraître rien, après tout, c’est le poids d’un porte-bidon carbone ou d’une paire de grips déjà légère, mais sur un cadre, surtout en partant de si bas, c’est une véritable performance. 820 g ! Ça commence à parler. Pour atteindre ce chiffre, encore une fois, pas de miracle mais une optimisation de la mise en forme du carbone. La fibre de carbone n’a pas été modifiée, il s’agit toujours de la fameuse Toray T1100G (la fibre la plus légère du marché), déjà utilisée sur le précédent modèle. Si ce n’est pas du côté de cette fibre haut module qu’il faut trouver le secret de cet allègement, c’est donc sur sa mise en forme ? Perdu, ce n’est pas non plus ici qu’il faut trouver de l’allègement puisque BH utilise toujours le même procédé qui optimise le moulage pour compacter au maximum la fibre et la résine sur les bords du moule. Alors où BH est-il allé grappiller ses précieux grammes ?

Eh bien au niveau de la colonne de direction par exemple. Exit les inserts sur le côté de la douille de direction, l’intégration des câbles et Durit© se font directement dans le jeu de direction. Notez que, comme sur le précédent modèle, l’ensemble n’est absolument pas guidé à l’intérieur et gratifie d’un petit concert à chaque mouvement vertical du vélo. On veut un cadre léger ou non !

L’autre façon de gagner du poids passe aussi ici par l’absence d’un tube de selle qui forme un collier de selle pour la tige de selle. Ici tout se passe en interne. C’est un cylindre de carbone d’au moins 4-5 cm de haut qui est économisé et donc autant de grammes de moins sur le cadre. Le truc bizarre dans l’histoire, c’est que si le cadre est effectivement plus léger, dans la vraie vie, il n’est pas plus léger. Je m’explique.

Sur cette nouvelle version, BH a opté pour une patte de dérailleur Sram UDH, c’est cool, mais c’est lourd ça. Et ce n’est pas tout. BH a aussi choisi un système de verrouillage de direction intégré BlockLock d’Acros, offrant un angle de rotation de 150º qui permet d’empêcher tout risque d’endommagement du tube supérieur par le cintre en cas de chute. Ça aussi c’est cool, mais c’est plus lourd. La fourche Fox 32 SC a (enfin) été délaissée dans les composants sélectionnés. Désormais on ne trouvera que la 34 SC sur toute la gamme. C’est une véritable avancée tant elle est beaucoup plus rigide notamment en latéral, mais elle est aussi… plus lourde. Les pneus ? Des 2.4 de large, quand avant ils étaient en 2.20. La tige de selle ? Elle est désormais en ø31,6 mm, contre 27,2 mm auparavant. Alors oui, cela ouvre bien plus de choix dans les catalogues des tiges de selle télescopiques, accessoire très populaire ces derniers temps en XC de compétition, mais ça ouvre également la porte à une surcharge pondérale. Donc au final, dans notre version haut de gamme, le poids n’est pas aussi léger que le précédent opus… mais tellement plus pratique à vivre (mise à part cette fichue potence au serrage/réglage improbable, mais qui laisse de la place pour recevoir un multi-outils… un système apparu avec le nouveau BH Lynx Race).

Un cadre plus léger, une géométrie confirmée

Difficile de faire évoluer une géométrie qui fonctionne déjà, alors les ingénieurs ont saupoudré de la nouveauté, mais à bon escient. Ainsi le tube de selle se redresse, pour passer à 75° à hauteur de selle de roulage. C’est bien pour placer le pilote au centre du triangle avant et ça facilite la poussée au pédalage. Ce mouvement est accompagné d’un reach un peu plus loin, quasiment rien puisqu’il augmente d’un petit 10 mm sur notre taille M. Pour le reste, inutile de changer ce qui fait recette. La direction pointe toujours à 68°, tandis que les bases sont toujours coupées au plus court, à savoir à 420 mm. D’ailleurs, là où c’était parfait avec les pneus en 2.20 de large du modèle précédent, l’inflation de la monte de pneumatique sur le nouveau est plus sujet à critique. Je passe le coût en grammes, pour aller directement sur l’empreinte laissée autour des bases.

En effet, en passant à 2.40 de large, les concepteurs ont certainement visé l’idée d’accroître le confort et la motricité en hausse sur le vélo, et la sécurité du pilote. Sauf qu’en n’élargissant pas le triangle arrière, le pneu passe vraiment très proche du cadre. Bilan, les jours de boue cela deviendra problématique pour la belle peinture. OK, normalement les jours de boue, on change les pneus pour des modèles fins et à hautes tétines… N’empêche que l’espace de dégagement n’est vraiment pas folichon. L’autre chose, c’est que si vous décidez de mettre des roues plus tolérantes que les BH Evo Carbon montées d’origine, qui brillent par leur rigidité extrême, vous risquez aussi de voir le pneu aller au contact du cadre sur les gros appuis en virage. Je ferme la parenthèse sur les pneus, mais il faut le savoir.

La gamme BH Ultimate EVO compte 5 modèles (disponibles en tailles S, M, L et XL) à partir de 3 599 €. Il faut noter que tous ces modèles sont éligibles au programme de personnalisation BH Unique qui va vous permettre de personnaliser votre peinture. Notre modèle de test est le 9.5. Avec lui nous sommes presque au top de la gamme. Il y a encore le 9.9 (transmission Sram XX1, freins Shimano XTR, etc…) qui la chapeaute. Il n’en reste pas moins que notre 9.5 est sur-équipé avec du Shimano XTR à tous les étages, et affiche tout de même 6 400 € en bas de la facture. Mais c’est aussi 400 € de plus que le modèle qu’il remplace, qui était équipé à quelques détails près de la même manière. Belle inflation, pour 20 g de gagnés sur le cadre. C’est un résumé évidemment provocateur tant les paramètres extérieurs (coût du transport, matière première, etc…) ont une influence sur cette augmentation de prix. Espérons que lorsque tout redeviendra à la normale, le prix soit réajusté dans les même proportions…

Sensation de légèreté à tous les étages

Et sur le terrain, ça donne quoi ces 20 g de moins ? Evidemment impossible de le sentir, par contre on voit que les ingénieurs ont retravaillé le triangle avant pour lui donner encore un peu plus de rigidité latérale, notamment au niveau de la colonne de direction. Associé avec la fourche Fox 34 SC, le vélo gagne clairement en précision dans le train avant. D’autant que les roues carbone de chez BH sont particulièrement rigides. Le vélo est vif de l’avant, et plus la vitesse est élevée, plus la direction demande à être bien contrôlée car elle a tendance avec ce grand cintre, à bouger facilement sur une faible amplitude, l’effet gyroscopique des roues demandant beaucoup plus d’effort pour tourner le guidon sur une plus grande amplitude. Dans les virages serrés, c’est une autre histoire. L’avant a du mal à s’inscrire dans la courbe. Il faut forcer le geste comme si on avait l’impression de lutter contre quelque chose. Il faut dire que l’empattement avant est long, et impose de fait, de beaucoup plus se battre pour le faire pivoter. Attention, pas de l’arrière, là ce n’est que du bonheur.

Si tu n’en mets pas tout le temps, tu subis le vélo. Alors tu te crames les ailes à à force de pousser fort, fort pour aller vite !

En danseuse, le vélo est une fusée. Attention, les grosses cuisses ont tendance à vouloir frotter les arêtes du tube supérieur. Mais dans ces conditions, les relances appuyées sont fulgurantes. Assis, c’est plus compliqué si vous n’avez pas la condition. De toute façon, il faut garder à l’esprit que ce vélo n’est pas fait pour les jours où vous n’êtes pas en forme. Sa boîte de pédalier bridée ne vous aidera pas. Elle est rigide comme un bloc de béton à qui on demande simplement de transférer le mouvement de pédalier à la cassette arrière. Aussi on ne sera pas surpris de constater que si l’on veut aller vite, et conserver la vitesse, il faut avoir les jambes. Si vous ne les avez pas, vous allez subir le vélo.

Et c’est maintenant que l’on en vient à parler du confort. Car c’est là où le bât blesse. Autant vous le dire tout de suite, dans ce domaine, il n’a pas fait de progrès. J’aurais même tendance à dire qu’il a régressé. Les résonances sont aiguës, et fatiguent à la longue. On sent les vibrations dans la boîte de pédalier qui vous remontent dans les chevilles. L’arrière court n’est pas en reste puisqu’il tape volontiers contre les obstacles. On sent d’ailleurs la tige de selle se plier, générant un rebond du fessier. Au passage, des craquements se font entendre notamment au niveau du chariot de selle qui est ici particulièrement sollicité d’autant qu’on a dû avancer la selle au maximum pour voir une bonne position de pédalage. Car oui le vélo taille grand. Une potence plus courte serait bienvenue, mais pas seulement. Le reach est correct mais le tube supérieur est long. Aussi un conseil, si vous êtes entre deux tailles, privilégiez la taille inférieure. En tout cas, niveau confort ce n’est pas la Fox SC34 dans sa version Factory qui vous va aider à en gagner. Son seuil de déclenchement est trop élevé, elle manque de sensibilité, et le problème c’est qu’elle s’enfonce trop vite sur les moyens et gros chocs. Ce qui déséquilibre le vélo. Un autre conseil, baissez la pression d’air et mettez des cales volumétriques dans la chambre d’air. Cela rattrapera un peu les choses.

Ce nouvel opus de l’Ultimate Evo marque un peu plus de son caractère de cross-country ultra sportif, au point de le réserver à une seule élite qui sera capable de le maîtriser et le subir.

Et puis il y a les côtes. Ici, le plus impressionnant ce n’est pas tant la manière avec laquelle les dénivelés positifs s’enfilent de manière hallucinante, ni même la stabilité époustouflante avec laquelle on évolue dans ces conditions et ce, malgré les bases courtes. Non, ce qui étonne, ce sont les redémarrages en côte. Cette facilité de relancer la machine, sans à peine générer de consommation de watts. Le vélo est léger, et c’est là que l’on ressent cet avantage. Il pourrait certainement aller encore plus vite avec une monte de pneus moins généreuse et conserverait tout autant son rendement, même avec quelques crampons de plus à l’arrière. Et même si l’on perdrait un peu en vitesse avec un pneu plus agressif, on regagnera le temps légèrement perdu grâce à une meilleure motricité, et un confort psychologique dans les virages ou sur terrain glissant (sec ou non). Là, avec cette Aspen, cela s’apparente à évoluer sur de la glace tout le temps. Sans compter que la partie du pneu en contact avec le sol est sujet à la crevaison, faute de crampons pour jouer les garde-fous… On sent clairement le gros pneu arrière se déformer sur les racines dans les montées techniques, sans offrir vraiment de grip. C’est frustrant.

En descente, le vélo offre une très bonne stabilité au niveau de son empattement avant. L’angle de la direction, le triangle avant long, participent à ce sentiment de facilité qui vous permet de rouler finalement assez vite en descente. Au risque d’ailleurs d’oublier que l’on reste en semi-rigide. Il faut dire que le fait qu’il soit si court, fait qu’il se contrôle très bien. Il faudra cependant juste contrecarrer sa tendance à sursauter à chaque contact avec un obstacle. Mais sachez que si vous calez bien votre selle entre les jambes, vous pourrez contrer cette tendance à vous renvoyer la roue arrière dans les fesses.

Pour qui est fait ce bestiau ?

Oui le cadre du nouveau BH Ultimate Evo est plus léger, mais concrètement cela ne se ressent pas. Il a surtout gagné un peu plus en stabilité grâce à un triangle avant plus long. Il a gagné en précision avec le concours d’un triangle avant, toujours lui, plus rigide, mais aussi avec le concours de la Fox 34 SC. En contrepartie, si vous n’avez pas les jambes, il demandera à être relancé souvent pour conserver sa vitesse. C’est donc un vélo physique, à plus d’un titre, puisqu’il faut aussi mettre en avant son côté extrême au niveau du peu de confort. Alors pour qui est fait ce nouvel opus ? L’Ultimate EVO 2022 se destine encore plus vers les courses de cross-country courtes, aux terrains variés mais qui ne seront pas des champs de mine. Il faudra donc être un pilote en forme, affûté, peut-être plutôt jeune pour encaisser le caractère exclusif de ce beau vélo.


Ce qu’il faudrait changer

Visiblement BH n’a pas complètement appris de sa précédente génération. Le cintre est toujours aussi large pour être apprécié en cross-country. Certes il a gagné en ergonomie avec un retour (backsweep) un peu plus naturel pour les mains, mais comment justifier une largeur de 780 mm… Il faudra donc passer par la case de la découpe pour donner au pilote une position salvatrice. C’est d’autant plus dommage que cette largeur excessive dessert le vélo lorsqu’il s’agit de rouler vite sur le plat. Le moindre mouvement sur le cintre se transforme en écart de trajectoire tant le bras de levier est grand. Comme souvent les poignées sont aussi le parent pauvre, surtout lorsque l’on vise le poids. Elles sont minimalistes que ce soit en largeur, mais aussi en confort. Il reste le doux problème des pneus qui s’apparentent à des modèles à exposer sur une étagère plus qu’à mettre en réelle condition de roulage. Les Aspen de Maxxis, c’est bien pour faire le mariole sur un parking, mais dans la vraie vie, vous aurez toutes les chances de ne pas finir votre course tant la surface en contact avec le sol n’est pas protégée. D’ailleurs cela n’a pas manqué puisque chacune de nos sorties s’est terminée par une crevaison à l’arrière et avec tout le « repeinturage » du cadre et des vêtements avec le produit d’étanchéité, il va sans dire. C’est d’autant plus frustrant que l’on aurait accepté volontiers un Recon Race à l’arrière. Au moins il aurait apporté du grip avec ses crampons dans les montées enracinées, plutôt que de jouer uniquement sur la déformation de la carcasse de l’Aspen (faute de crampons efficaces).


Caractéristiques

Géométrie :

Taille : M

Tube supérieur : 600 mm
Tube de selle : 425 mm
Angle de direction : 68,2°
Angle de tube de selle : 75°
Hauteur de douille : 100 mm
Bases : 420 mm
Empattement total : 1 118 mm
Hauteur de boîtier : 315 mm

Reach : 430 mm
Stack : 613 mm

Fiche technique :

Tailles : S, M, L, XL
Cadre : carbone
Fourche : Fox 34 SC Factory, déport 44 mm
Freins : Shimano XTR,  ø180/160 mm
Dérailleur arrière : Shimano XTR
Pédalier : Race Face Next SL, 175 mm, 34 dents
Commande : Shimano XTR
Cassette : Shimano XTR, 10-51
Roues : BH EVO Carbon
Pneus : av. Maxxis Recon Race Exo, 29″ x 2.4” ; ar. Maxxis Aspen Exo, 29″ x 2.4” 
Potence : BH FIT, 60 mm
Cintre : BH Evo, 780 mm
Tige de selle : BH Evo, ø 31,6 mm
Selle : Prologo Scratch M5

Distributeur : BH France
Contact : www.bhbikes.com


Notes

Rendement : 3,5
Confort : 2,5
Maniabilité : 3,5
Stabilité : 4
Prix/Equipement : 4

TOTAL : 14/20


On aime : C’est toujours mieux un vélo léger • Facile dans les descentes • Ligne de chaîne optimisée pour les pignons du bas

On regrette : Il faut être en pleine forme sinon on le subit • Les gaines sonnent dans le tube diagonal • Les roues sont rigides • Le cintre trop large