Yeti AS-R 5 : la surprise du chef

Le Yeti AS-R 5 n’est pas simplement un nouveau Yeti, c’est à lui seul l’introduction d’une nouvelle cinématique et la définition d’un nouvel usage du VTT. Explications.

La vraie différence entre les deux suspensions provient du feeling lorsque la roue arrière s’enfonce. Concrètement, Yeti a défini une nouvelle cinématique. Alors que la ligne suivie par la roue arrière est similaire, le ratio d’enfoncement de la suspension est plus faible sur l’AS-R 5. Le but de la manœuvre est de supprimer le creux à mi-course si caractéristique sur le 575 (et qui peut dérouter), susceptible de le pénaliser dans les relances. Cela va donner au AS-R5 un feeling plus crosseur, plus naturel. Si le triangle avant était en alu sur notre modèle, le bras arrière, lui, était en carbone. Pourquoi ? Parce la suspension arrière monopivot profite d’un point de flexibilité au niveau des haubans pour simuler un point de pivot. Une chose difficilement réalisable avec des pièces en alu. La localisation de ce point de pivot est similaire à ce qui se fait sur le 575. Pour finir sur le bras arrière, si notre modèle d’essai était doté d’un axe classique, il peut être doté en option d’un axe traversant d’un diamètre supérieur.

Pour cela, Yeti a développé des pattes spécifiques qui viennent remplacer les modèles de base.
Le Yeti AS-R5 n’est pas seulement une nouvelle suspension arrière, c’est aussi une nouvelle géométrie. En effet, le cadre a été dessiné autour d’une fourche en 120 mm, un choix judicieux tant, aujourd’hui, l’offre en la matière est pléthorique et de qualité (légèreté et rigidité). Choisir ce montage permet d’avoir un boîtier de pédalier relativement bas, ce qui profite à la vitesse de passage en virage et à la stabilité. Mais ce Yeti peut aussi s’accommoder d’un modèle en 140 mm. Cela lui permet d’obtenir un angle de direction de 68° idéal pour envisager un usage plus polyvalent.

Une suspension qui fait merveille

La position est un savant mélange entre un VTT de cross-country de rando et un enduro léger. A la première accélération, on sent bien que cette ligne dynamique n’est pas un simple apparat. Ce VTT est un pur-sang né pour se confronter à la nature. Une pression sur les pédales et le Yeti vous catapulte à la manière d’un VTT de cross-country. Les crampons des pneus WTB agrippent le sol avec force, histoire de vous faire prendre de l’angle sans arrière-pensées. Il faut dire que ces pneumatiques nous ont agréablement surpris, notamment sur des terrains meubles, voire gras. Ils savent associer le rendement à l’accroche ! Mais revenons à notre monture.

Bien calé sur sa trajectoire, le AS-R 5 ne bronche pas et vous épargne une lutte de tous les instants pour conserver la direction. Tout saute aux yeux mais cela se fait avec une confiance totale. C’est propre, net et sans bavures. Il faut dire que les roues Cobalt, particulièrement rigides, voire même un peu trop, favorisent une précision chirurgicale dans les trajectoires. Avouons qu’avec ce genre de vélo, les dixièmes gagnés deviennent secondaires tant l’essentiel est ailleurs : bonheur de piloter, ergonomie de la position, confort des suspensions. Elles réalisent, d’ailleurs, un filtrage remarquable. Un vrai compromis entre confort et rendement. A l’avant, la nouvelle fourche Fox à cartouche fermée donne le meilleur d’elle-même, même si nous aurions préféré une version en axe de 15 mm pour obtenir une meilleure rigidité. Pour le reste, la gestion de la compression et de la détente est idyllique. A l’arrière, lors d’accélérations, il est finalement préférable de laisser l’amortisseur ouvert. La suspension est un peu plus souple, ce qui permet de charger davantage la roue arrière et d’avoir plus de motricité.

Les anti-pompage seront déçus de voir osciller légèrement la suspension mais croyez-nous, c’est bien dans cette position qu’il se vit le mieux. Si vous n’êtes pas sîr, vous pouvez toujours adopter le niveau intermédiaire du ProPedal. Dans ce cas, vous aurez vraiment l’impression d’être sur un crosseur peu confortable. Toujours est-il que, monté de la sorte, le Yeti AS-R 5 pédale avec aisance, profitant d’un développement de la jambe quasiment idéal grâce à un tube de selle plaqué à 71°. Le vélo prend rapidement de la vitesse et la conserve sans démander une débauche de puissance. La suspension arrière survole le terrain et l’amortisseur Fox RP23, doté de la fameuse BoostValve, participe à son niveau à ce bienfait. Au point qu’on en vient à se demander s’il n’y a pas plus que les 130 mm de débattement annoncés… La suspension absorbe les gros impacts sans jamais se raidir ou taper dans le débat’. Cette Boost Valve est magique mais elle ne suffit pas, seule, à garantir ce résultat. La nouvelle cinématique fait merveille. En descente, le Yeti se transforme en enduro léger, profitant de son angle de 68° mesuré à l’avant en statique. Saine, la position de pilotage permet d’envisager un programme bien éloigné de celui d’un simple crosseur à grand débattement. Les freins Formula R1 ? Difficiles à doser lorsqu’on désire ralentir, ils deviennent de véritables alliés lorsqu’on se laisse aller à dévaler un peu vite, plus que de raison. Reste que la suspension arrière tend à se bloquer sur les gros freinages, ce qui peut se traduire par une perte de tenue de cap de la roue arrière et surtout provoquer une augmentation des distances d’arrêt.

Avec sa nouvelle cinématique de suspension, le Yeti AS-R 5 s’ouvre un vaste champ d’utilisation

Dynamiquement parlant, le Yeti AS-R 5 frôle le sans-faute ! Les difficultés sont survolées. Les côtes s’avalent sans cabrage excessif, en profitant de la motricité trouvée à la roue arrière. Bien prises, les successions de racines n’arrivent même pas à faire décrocher la roue. Le Yeti est aussi agile pour s’extirper d’un virage, aussi vif pour enchaîner un pif-paf endiablé que pour mettre à profit le moindre bout de ligne droite. Certes, la stabilité de l’avant, rassurante en descente, peut gêner mais il suffit de la contrecarrer par un lever de la roue avant (pour la placer sur la trajectoire suivante). D’ailleurs et contrairement à ce que Yeti nous annonce, ce bras arrière est amplement rigide. Le modifier pour lui apporter plus de rigidité, comme la marque se prépare à le faire, nous semble un choix surprenant. Cela risque de demander plus de puissance au pilote pour le bouger.

Peut-on lui résister ?

Impossible ! Le Yeti AS-R 5, c’est un peu ce cannelé dans la vitrine du boulanger au coin de votre rue. Tous les jours, il éveille les papilles dès que vous le regardez. On passe devant en salivant et puis un jour, on craque. Et là, on ne le regrette pas. On se demande même comment on a pu passer autant de fois devant sans franchir la porte… Le prix, peut-être ? Effectivement, le Yeti est à peu près 300 e plus cher qu’un Santa Cruz Blur LT qui ne bénéficie pas d’un bras arrière en carbone mais qui offre un niveau d’amorti supérieur, notamment sur le début de course. A l’opposé, le Yéti offre davantage de sensations et une utilisation encore plus polyvalente. Coup d’essai, coup de maître de la part des ingénieurs qui viennent de mettre au point une cinématique formidablement homogène ! De puis, le châssis accélère comme un guépard et distille un équilibre entre le triangle arrière en alu et le bras arrière en carbone, avec des suspensions cramponnées au sol.