Rocky Mountain Sherpa 2016 : Le baroudeur

DR N. Le Carré

Présenté il y a deux ans lors du salon de la Sea Otter en Californie, le Rocky Mountain Sherpa n’est pas un 27.5+ comme les autres, il est une réponse à un marché jusque-là pauvre en matière de produit, le cyclotourisme à VTT !

Rocky Mountain Sherpa (1)
DR N. Le Carré

[Htab][tab title=”PRIX”]4990€[/tab][tab title=”POIDS”]14,30 kg[/tab][tab title=”DEBATTEMENT”]Déb. av. :120 mm | Déb. ar. : 95 mm [/tab][tab title=”USAGE”]Tourisme, rando-sport, vallonné.[/tab][/Htab]

Cyclotourisme à VTT ? 27.5+ ? Voilà deux sujets encore peu évoqués dans Vélo Tout Terrain. Et pour cause, ils sont l’un et l’autre particulièrement jeunes. Commençons si vous le voulez bien par la notion de cyclotourisme à VTT (appelé Overland dans la langue de Shakespeare). En France, le cyclotourisme, on connaît. La randonneuse comme on l’appelle familièrement, est un vélo de route doté d’une géométrie plutôt à vocation de balade, équipé de sacoches afin de pouvoir rouler en autonomie durant plusieurs jours. Qui dit charges sur le vélo, dit également des roues généralement plus petites et des pneus plus larges (650B contre 700C). Mais en VTT, qu’avons-nous ? Rien. Enfin, si, quelques solutions d’adaptation que l’on peut admirer chez quelques artisans français comme Histoire Bike (www.histoire.bike) par exemple. Alors vous allez me dire, le cyclotourisme version VTT, est-ce-que ça existe vraiment en France ? Je vous l’accorde, ce n’est pas ce qu’il y a de plus répandu, certainement faute de produit adapté. Mais en Amérique du Nord, c’est déjà plus dans les mœurs. D’ailleurs, Rocky Mountain ne le cache pas, avec le Sherpa, il propose un produit de niche, mais qui va offrir un confort inégalé pour aller à la rencontre des terrains difficiles d’accès, le tout accompagné de ses bagages pour une autonomie complète.

Parlons un peu des roues maintenant. Pour supporter des charges sur un vélo, et lui permettre de conserver sa maniabilité, le plus simple est de passer sur des petites roues et des gros pneus. Le 26 pouces étant industriellement voué à disparaître, cette solution a été écartée. Il ne reste que le 27.5”. Mais pour obtenir une bonne stabilité, il faut disposer d’un pneumatique à grand volume. L’enveloppe des Fat Bike est trop large pour permettre de conserver du rendement. Il ne reste alors plus que la solution proposée à ce moment-là par WTB, le 27.5+. Il s’agit d’une jante en 27.5”, mais de plus grande largeur que traditionnellement. Ainsi les WTB Scraper affichent fièrement 50 mm de largeur extérieure, de quoi recevoir un pneu de 2.8 à 3” de section (le bon compromis entre rendement et résistance à la charge, sans avoir trop le défaut de l’effet ressort sur les chocs du pneu). Ainsi doté, le 27.5+ est un équivalent au diamètre d’une roue en 29”. Rien d’étonnant alors que l’on retrouve sur le Sherpa le triangle avant du Element 29” dans sa version carbone (histoire de grapiller de précieux grammes). L’arrière en aluminium a été spécialement conçu pour le Sherpa. Il est élargi pour recevoir le pneu en section 2.8, et se pare d’un axe arrière traversant en 12×142 mm (gage de rigidité) et non pas en Boost148 (12×148 mm) comme les nouvelles générations de vélos en 27.5+. Deux raisons : la première, le Boost148 était un secret bien gardé par Trek (marque à l’initiative de ce format), il y a au moins trois ans, lorsque le Sherpa a été pensé. La seconde est plus factuelle. Le Sherpa est voué à évoluer dans le monde entier. Donc il n’est pas certain qu’au fin fond du Chili, on y trouve un moyeux en Boost148, en cas de casse. Notez d’ailleurs que tout le vélo a été conçu dans cet esprit. Ainsi, Shimano a été privilégié pour la transmission et les freins, le Nippon étant le principal fournisseur mondial dans le vélo. Pour réduire le prix global du vélo, Rocky Mountain n’a pas privilégié Fox pour les amortisseurs. C’est Manitou qui a été choisi avec à l’arrière le McLeon qui a pour mission de gérer les 95 mm de débattement, tandis qu’à l’avant, on trouve la Magnum en 120 mm de débattement, avec un entraxe en 110×15 mm (le nouvel entraxe au format Boost). Curieusement, le Sherpa n’est pas pourvu de fixation pour porte-bagages. Un comble pour un VTT à vocation de découverte en toute autonomie. En fait, Rocky Mountain explique son choix de privilégier les sacoches adaptables (voir encadré) par la polyvalence de ce vélo. En effet, et notre test sur un mois et demi nous l’a montré, le Sherpa peut être utilisé comme un VTT de tous les jours, et peut même recevoir des roues en 29” pour qui voudrait en faire un VTT deux en un.

Le Sherpa est un formidable destrier pour rouler, rouler et rouler encore dans un confort et une aisance qui défient l’entendement.

On l’a vu, le Sherpa utilise donc des pneus de très larges sections qui ont imposé, notamment à l’arrière, l’adaptation d’un nouveau triangle pour les recevoir. Mais qui dit pneu plus large dit aussi risque de contact de la chaîne sur le pneu lorsque l’on met tout à gauche. D’autant que le Sherpa joue la carte de la polyvalence avec une transmission 2×10 avec un pédalier offrant un 38/24 pour passer partout. Encore une fois, la solution tient plus de la simplicité et du pragmatisme. Il y a plus de trois ans en arrière, Sram n’avait pas encore prévu à son catalogue ses pédaliers Boost qui permettent de conserver une ligne de chaîne de 52 mm (en 148 mm à l’arrière) sans changer le Q factor. Rocky Mountain a donc choisi de passer par l’élargissement via l’axe de pédalier puisque l’on passe sur une base d’un pédalier de DH en 83 mm. Si la ligne de chaîne est globalement conservée (proche de 50 mm – l’idéal avec un 142 mm il faudrait 49 mm), le Q factor est un peu élargi, avec une sensation de pédaler les jambes un peu écartées, ce qui est perturbant sur les premiers kilomètres.

Au final, Rocky Mountain propose ce Sherpa pour 4 990 €, une somme en accord avec la ligne de prix du Canadien, donc toujours un peu plus cher que la concurrence. Le vélo sans pédales et sans bagagerie affiche 14,30 kg, une masse certes élevée au regard du prix du vélo, mais qui, vous allez le voir n’est pas du tout handicapant au pédalage.

A bas les a priori !

Amoureux du Rocky Mountain Element 29”, j’avais de gros a priori sur les modifications apportées à cet étalon pour en faire un vélo de cyclotourisme, tout en adhérant au concept. Il va forcément perdre de sa vivacité et en rendement, surtout avec ces gros boudins chargés de le tracter. A priori quand tu nous tiens ! La première sortie m’a remis les pendules à l’heure. C’est simple, avec le Sherpa et ses 15 kg passé en état de fonctionnement, j’ai roulé sur ma boucle de 40 km aussi rapidement qu’avec mon vélo de cross-country 29” étalon (qui lui rend 4 kg !). De quoi clouer le bec à pas mal de gens. Oui, on peut avoir du rendement avec des gros pneus, en tout cas avec ces WTB Trail Blazer pour le moins durs en gomme et surtout disposant d’une belle bande de roulement. Après il faut reconnaître que rouler sur des pneus à large volume demande quelques petites notions techniques. D’abord en matière de réglage de suspensions. En effet, ces enveloppes demandent des basses pression pour être opérationnelles, comprenez que l’on évolue autour de 1,1 à 1,2 bars. En dessous, on perd en précision de pilotage avec un flou dans les appuis en virages, et surtout cela abaisse beaucoup trop la boîte de pédalier avec, pour sanction immédiate, le toucher de manivelles à la moindre pierre ou racine un peu haute. Donc qui dit pneus à gros volume dit effet de ressort naturel du pneu beaucoup plus important. Cela impose donc de ralentir la détente des suspensions pour compenser le rebond des pneus. C’est surprenant mais nécessaire. Notez que les pneus WTB Trail Blazer sont parfaitement choisis pour l’usage cyclotourisme : ils sont particulièrement plats avec des crampons qui descendent peu sur les flancs. En temps normal, je vous aurais dit que ces pneus manquent cruellement de grip en latéral, et décrochent vite. Ce qui est le cas, mais ils sont prévus pour rouler avec de la charge et dans ces conditions ils sont parfaits. Il faudra juste vous rappeler lorsque vous roulez à vide, de ne pas prendre trop d’angle. Car oui, ce vélo est particulièrement joueur ! Le triangle arrière, qui est loin de manquer de rigidité, procure un dynamisme agréable malgré ses 445 mm, dès que cela tournicote. Mieux, l’apport du gros ballon des pneus est énorme dans le choix des trajectoire. C’est simple, il efface tellement les aspérités du terrain, que l’on peut se permettre de foncer droit dans un champ de racines sans arrière-pensée. La direction consistante et finalement précise procure un excellent ressenti terrain. La Manitou impressionne par son fonctionnement sur les petites et moyennes variations de terrain. Par contre elle ne nous aura jamais permit d’atteindre les 120 mm dont elle est pourvue. Il n’en reste pas moins, que la moindre difficulté technique est instantanément effacée par ces pneus, et à quelle vitesse ! Imaginez un VTT de 29” avec lequel vous ne vous souciez pas de l’endroit idéal où vous devriez poser votre roue… Et bien ce 27.5+ c’est tout à fait ça.

En côte, la sanction est identique. Le grip, et donc la motricité est telle que vous pouvez monter n’importe quelle côte. Elle est clairement supérieure à un VTT 29”. Mieux, l’avant n’oscille pas de gauche à droite comme c’est le cas sur un vélo classique. On reste en ligne, même dans les pierres, de quoi arriver en haut (presque) sans effort. Surtout avec cette transmission bien longue.

Et en charge ?

D’abord la première est chose à savoir, c’est que l’on ne doit pas changer la précontrainte des suspensions, puisque le poids est sur le vélo. Pour compenser le surpoids du cadre, il aura fallu passer sur un peu plus de pression dans les pneus (environ 0,15 bar de plus), et ralentir un peu la compression basse vitesse sur la fourche et l’amorto, deux réglages disponibles et parfaitement actifs (surtout à l’arrière).

Il y a bien des défauts ?

En fonction du type de terrain, les gros pneus du Sherpa peuvent faire le meilleur comme le pire. En gros, terrain sec, sablonneux, cailloux, la motricité est là. Par contre dans la boue, c’est une autre histoire. Il lui est impossible d’aller chercher le dur en dessous de la boue pour trouver du grip en raison de sa largeur. Et puis il y a ce pédalier avec son axe de 83 mm qui oblige à pédaler les jambes un peu plus écartées qu’à la normale. Il faudra un moment pour s’y habituer, et cela peut générer quelques douleurs dans les genoux. La solution passe par un réglage différent des cales pour les pédales auto, en les repoussant vers l’extérieur plus que d’habitude.

Vers une nouvelle ère ?

Comme je le dis tout le temps, le 27.5”+ est une chose techniquement géniale, mais qui arrive beaucoup trop tôt sur un marché qui arrive seulement à accepter l’intérêt de rouler en 29”, quand le 27.5” déboule. Pour autant, Rocky Mountain avec son Sherpa se place sur un marché complètement nouveau, un domaine qui ne vient pas empiéter sur les modèles existants, même si dans la réalité, il peut aisément les remplacer. Mais la démarche est juste top : créer un vélo fiable, facile à réparer, confortable, capable de vous emmener sereinement à l’autre bout du monde en passant par tous les terrains de jeu possibles de la planète, le tout avec son duvet et sa tente. Qui dit mieux ?

Focus sur…Les bagages sur mesure 

Contrairement à une randonneuse, le Rocky Mountain Sherpa ne dispose pas de plots de fixation pour des porte-bagages. Il suppose donc d’utiliser de la bagagerie qui viendra se fixer derrière la tige de selle (bien choisir le modèle en fonction du débattement de sorte que la roue arrière ne vienne pas au contact du sac lors des compressions, dans le triangle du cadre avant (suppose de placer le porte-bidon sous le tube diagonal), et sur le cintre. Aujourd’hui les marques à proposer ces sacs ne sont pas légion. Les principales sont Porcelain Rocket et surtout Apidura qui est distribuée en France via SportFusion (tel. : 09 82 20 83 22). Il faudra compter environ 125 € pour la sacoche derrière la selle (de 14 à 17 l et 400 g), environ 110 € pour le sac sous le guidon (plus de 20 l, 270 g), ou encore environ 100 € pour le rangement dans le cadre.

Caractéristiques

FICHE TECHNIQUE : Tailles : M, L – Modèle d’essai : M – Amortisseur : Manitou McLead – Fourche : Manitou Magnum – Freins : Shimano BR-M506, ø180 mm – Dérailleur arrière : Shimano XT – Dérailleur avant: Shimano Deore – Pédalier : RaceFace Turbine, 38/24 – Commandes : Shimano SLX – Cassette : Shimano SLX, 11/36 – Moyeux : av. : Sun Ringle SRC Plus (110×15 mm) ; ar. : DT Swiss 350 (142×12 mm) – Jantes: WTB Scraper – Pneus : WTB Trail Blazer, 27.5×2.8 – Potence : RaceFace Evolve, 85 mm – Cintre : Race Face Evolve, 720 mm – Tige de selle : Rocky Mountain XC, ø30.9 mm – Selle : WTB Volt Race – GEOMETRIE (M) : Tube Supérieur : 580 mm – Tube de selle : 438 mm – Angle de direction : 69,5° – Angle de tube de selle : 73° – Bases : 445 mm – Empattement total : 1 113mm – Hauteur de boîtier : 330 mm.

Distributeur:  Tribe Sport Group, www.tribesportgroup.com

RENDEMENT [star rating=”4″]
CONFORT [star rating=”4.5″]
MANIABILITE [star rating=”4.5″]
STABILITE [star rating=”4.5″]
PRIX/EQUIPEMENT [star rating=”4″]

[quote] On aime : Nouvelle approche du VTT • Rendement surprenant • Facilité de prise en main et confort d’esprit au roulage • Polyvalence • Confort
On regrette : Le débattement total de la fourche jamais atteint • Ecartement des manivelles vraiment large.[/quote]