Production Privée Shan N°5 Classic : Un caractère en acier trempé

Le Shan N°5 de Production Privée est un vélo atypique qui déboulonne les codes établis dans l’industrie du cycle. Son secret ? Ses tubes en acier fins et sa suspension minimaliste. Nous avons voulu savoir si cette machine avait des arguments à faire valoir sur le terrain ou si c’était simplement une occasion de rouler différemment…

DR. J. André

Prix : 3999 € | Poids : 15 kg taille M | Déb. av. : 150 mm | Déb. ar. : 140 mm Pratique : rando, randuro/enduro.

Production Privée est une marque implantée en Andorre qui va bientôt fêter ses 10 ans avec à sa tête un passionné qui cultive la « différence positive ». Le nouveau Shan N°5 est totalement dans cette philosophie. Il conserve les mêmes ingrédients que la version précédente, mais il passe au format 29″. Si on comprend facilement le pourquoi d’un cadre semi-rigide en acier, on peut se poser la question pour un cadre tout-suspendu en acier cromo 4130 triple butée. Le poids de l’ensemble est bien supérieur aux standards des cadres carbone ou alu. Et le prix, quant à lui, il est certes plus abordable qu’un cadre carbone (comptez 1749 € cadre nu avec amortisseur DVO Topaz), mais quand même plus élevé qu’un modèle en aluminium. Mais Production Privée, c’est avant tout une image, une finition, et surtout des décos sublimes inspirées du monde de la course automobile. Mais est-ce suffisant pour passer le cap de rouler ce type de machine ?

Le nouveau Shan N°5 conserve son châssis en acier en provenance d’Asie avec des supports en aluminium sur toutes les liaisons (support d’amortisseur/ pied d’amortisseur/pattes de cadre). Le choix de rapporter des pièces se justifie selon le concepteur par un souci de simplicité d’utilisation en cas de problème, mais aussi pour permettre la multi-compatibilité, notamment au niveau des roues. La suspension est de type mono pivot avec un axe principal surdimensionné et des roulements généreux. Une fois n’est pas coutume, toutes les gaines et Durit© sont externes. Production Privée fait le choix de la fonctionnalité et de la fiabilité plus que de l’esthétisme. La géométrie du nouveau Shan N°5 évolue légèrement pour s’accorder avec le passage aux grandes roues. Le vélo s’allonge avec des bases plus longues et un angle de direction de 64,5°. Le boîtier s’abaisse et l’angle de selle se redresse. Il faut noter que si vous le souhaitez, le vélo est compatible avec les roues en 27.5 grâce à un pied d’amortisseur différent que l’on peut acquérir en pièce détachée. Pour 2020, Production Privée offre la possibilité d’acquérir des vélos complets, fruit de la nouvelle collaboration avec une autre marque andorrane Forestal. Cette fusion permet de franchir un nouveau cap en termes de développement économique pour les deux entités.

Nous avons testé la version Classic, totalement dans l’esprit du vélo, c’est-à-dire simple, robuste et au prix étudié. Les suspensions sont en provenance de chez DVO et sont la surprise du chef. La suite des spécifications, ce sont des produits reconnus pour leur rapport qualité /prix. Nous avons été surpris par le soin apporté à tous les détails pour une machine à ce prix, comme le cockpit maison avec les grips ajustables suivant son type de pilotage ou encore le montage des roues avec les étonnants pneus Panaracer. Seul manque à l’appel un petit guide-chaîne et un sabot de protection pour le plateau et le cadre.

Une prise en main un peu plus longue qu’à l’accoutumée

Nous allons être honnêtes, le Shan N°5 nous a perturbés. Nous avons tellement l’habitude de tester des vélos avec des matériaux, des cinématiques et des suspensions radicalement différents que nous avons dû prendre plus de temps à comprendre le fonctionnement de cette machine. La fourche DVO Diamond est ajustable en détente et en compression pour les ajustements fins comme beaucoup de fourches, mais le réglage du ressort est moins conventionnel. Le ressort positif est pneumatique, mais le ressort négatif est hélicoïdal et il est réglable en précontrainte via une clé hexagonale. On peut donc en théorie ajuster le déclenchement de la fourche indépendamment du maintien et de la fin de course.

Après de nombreux essais, nous avons trouvé un bon compromis en utilisant une précontrainte en statique de 20% de la course de la fourche avec le réglage de précontrainte des ressorts négatifs ouvert à fond. On a ainsi une fourche souple en début de course, mais offrant ensuite rapidement le maintien nécessaire pour être raccord avec la suspension arrière. Au niveau de l’amortisseur DVO Topaz, il offre toute la panoplie de l’amortisseur à air moderne. Un système pneumatique qui équilibre automatiquement en fonction de l’air que l’on met dans la chambre positive, la chambre négative. On peut ajuster la progressivité avec l’ajout de cales dans le volume de la chambre d’air. La détente est réglable via une molette sur le corps de l’amortisseur et la compression s’ajuste sur le côté via un levier sur 3 positions. Mais ce qui est plus original, ce sont les possibilités d’ajuster la pression de la bonbonne extérieure. Le piston flottant interne habituel a été remplacé par une membrane qui offre la particularité de pouvoir accepter des variations de pression. Si on ajoute de l’air dans cette chambre, l’amortisseur devient plus dynamique, et si on réduit la pression, l’amortisseur devient plus onctueux. Mais attention, il faut pas mal d’expérimentation pour trouver le bon compromis. Nous avons commencé nos tests avec les recommandations de pression du constructeur (DVO) dans les deux chambres. Sur le terrain, le vélo nous a rapidement apparu comme confortable, mais vraiment peu dynamique. Dans cette configuration, on prend son mal en patience dans les montées et on grimpe le plus cool possible pour ensuite s’éclater en descente. Attention, pas n’importe quelles descentes : les plus raides avec de la pente. Nous avons eu plus de mal sur les terrains de jeu un peu plats où le vélo est scotché et où on prend rapidement le débattement sur les réceptions… Nous avons alors pris le risque de changer tout notre réglage en mettant beaucoup plus d’air pour avoir seulement 15% de précontrainte. Le vélo redevient beaucoup plus dynamique et on redécouvre cette machine. Il est également beaucoup plus vif car nous avons plus de facilité à nous positionner sur l’avant de la machine, mais revers de la médaille, niveau confort c’est beaucoup moins bon. Nous avons trouvé finalement notre bonheur et le bon équilibre avec la suspension arrière en utilisant 25% de précontrainte, 4 cales et moins d’air dans la bonbonne (170 psi). Cet ajustement permet d’avoir un bon toucher terrain et ensuite le maintien nécessaire pour garder du dynamisme.

Les bons ajustements réalisés, le Shan N°5 devient addictif 

On se sait pas si c’est la géométrie, les suspensions ou les matériaux, mais une fois que l’on a trouvé ses marques sur cette machine, on prend un plaisir monstre quelles que soient les situations. La position de pédalage est vraiment bonne, surtout pour rester assis entre le tube de selle sans courbure et la faible précontrainte de l’amortisseur. Nous oublions totalement le poids de l’ensemble, bien plus lourd que bon nombre de vélos du même segment. Il pourrait figurer dans la courte liste des vélos avec la position de pédalage la plus confortable que nous ayons eue à tester. Mais le meilleur reste à venir, car s’il démontre de bonnes habitudes à avaler assis les montées sur piste, il nous surprend dans les ascensions plus techniques. La motricité est très bonne, et il est facile de faire les bons choix face aux obstacles rencontrés. On trouve rapidement le geste approprié et on passe presque partout sans se mettre en difficulté. S’il faut se mettre en danseuse pour mettre un peu plus de gaz, c’est un jeu d’enfant, et surtout sans risque de perdre l’équilibre ou le grip. Le seul reproche que nous pouvons faire, c’est sûrement la sensation d’accélération : elle est moins franche, propre aux vélos plus rigides et plus légers.

DR. J. André

Le secret du Shan N°5, c’est plutôt de nous faire dépenser le moins d’énergie possible dans chaque situation pour avoir encore du jus pour faire quelques kilomètres en plus. Une philosophie à laquelle nous adhérons à 100% pour ce type de vélos.

Quand les descentes arrivent, il ne faut pas avoir peur de le brusquer

En descente, le Shan N°5 est plus du type à nous donner des retours sur ce qui se passe sous nos roues que de nous laisser nous reposer comme dans un sofa. Nous sommes d’ailleurs surpris de la facilité qu’il offre pour conserver sa vitesse. Nous nous amusons à “pomper” partout où c’est possible pour ne pas avoir à pédaler et continuer à garder le rythme du sentier. Une aptitude décuplée avec l’acier. Au début on est sur la défensive du fait de nos automatismes développés autour de cadres bien plus raides. Pour faire simple, avec un cadre rigide on imagine la meilleure trajectoire et on essaye de garder le cap quoi qu’il arrive. Avec le Shan N°5, on peut appuyer fort avec son corps pour le déformer. En retour, le cadre acier nous donne un nouvel élan comme une impulsion. Quand on a compris le principe et que l’on joue avec l’élasticité du châssis, on découvre un autre monde sur des terrains cassants et chaotiques. On découvre aussi que malgré une suspension globalement assez ferme comparée à beaucoup d’autres vélos plus assistés, le Shan N°5 offre un petit plus niveau grip grâce au châssis. Nous venons enfin de comprendre : la différence positive, nous pouvons amplifier les mouvements sans risque de partir à la faute. Nous y sommes allés de bon cœur et nous n’avons jamais cessé de brusquer le cadre pour qu’il délivre son plein potentiel. On peut ainsi faire de magnifiques courbes tout en maîtrise et passer des endroits glissants sans perdre le contrôle.

Certes le Shan N° 5 n’est pas sans petits défauts, mais il en reste que c’est un des rares vélos tout-suspendu en acier. Le cadre est certes lourd et accélère moins fort sur le parking, mais il apporte bien autre chose sur le terrain. C’est un cadre qui sait être sage et tolérant quand les conditions sont houleuses, mais qui peut devenir plus dynamique quand on veut s’amuser et pousser ses limites. La suspension très linéaire est heureusement bien épaulée par la nouvelle génération d’amortisseurs, mais cependant sur des chocs très rapides on peut parfois sentir que ça frappe fort dans les jantes ou les jambes…

Nous préconisons cette machine pour tous les pratiquants désireux d’acquérir un vélo simple d’entretien et d’utilisation, des utilisateurs qui sont davantage tournés vers la durabilité plus que par la nouveauté. En pratique, le Shan N°5 sera le parfait allié pour des sorties sur des terrains variés où le côté ludique est privilégié. Grâce à ces caractéristiques, il est capable d’encaisser des gros dénivelés sans aucun problème. Il est à son aise quand il y a de la pente et quand ça va vite. Au final, le Shan N°5 est un vrai vélo de montagne au look unique.

Caractéristiques :

Fiche technique

Tailles : S, M, L, XL

Modèle d’essai : M

Cadre : acier Cromo 4130 triple butée

Fourche : DVO Diamond D1 29″, déport 51mm

Amortisseur : DVO TOpaz T3 Air

Freins : Magura MT Trail Sport, ø180mm

Dérailleur arrière : Sram GX

Pédalier : Sram GX Eagle, 32 dents

Commande : Sram GX Eagle

Cassette : Sram GX, 10-50 dents

Roues : Spank 29” montage 350/359 J-hook

Pneus : Panaracer Aliso TR 3 Comp , 29″ x 2.4

Potence : Production Privée  R2R, 50mm

Cintre : Production Privée LGB, 780mm

Tige de selle : Crank Brothers High Line, 150 mm, ø30,9 mm

Selle : FIZIK Taiga Enduro Alloy

Géométrie :

S/M/L/XL

Taille : M

Tube supérieur : 605 mm

Tube de selle : 430 mm

Angle de direction : 64,5°

Angle de tube de selle : 76°

Bases : 437 mm

Empattement total : 1218 mm

Hauteur de boîtier : 336 mm

Reach : 453 mm

Stack : 608 mm

Notes

Rendement : 3,5

Confort : 4

Maniabilité : 4,5

Stabilité : 4

Prix/Equipement : 3

Total : 15,2/20

On aime : La qualité du châssis en termes de grip • La conservation de la vitesse • La tolérance et le confort de l’acier • Le compromis stabilité/maniabilité

On regrette : La souplesse de la jonction support d’amortisseur/amortisseur • Le poids de l’ensemble • Demande un amortisseur arrière de qualité