Morewood Mbuzzi : l’artisan du monopivot

On dit souvent que le monopivot est un type de suspension dépassée, qu’il n’arrive pas à être performant dans toutes les configurations de terrain etc. Avec le Mbuzi, le premier VTT d’enduro de Morewood, l’artisan sud-africain montre qu’il va falloir réviser ses classiques !

Cela serait oublier les contraintes de rigidité sur la jonction du triangle avant au triangle arrière, sans compter celles du bras arrière, de la masse du cadre. Et que dire du placement du fameux point de pivot ! Pas si simple finalement, d’autant que Patrick Morewood est un véritable artisan. Pas question de passer par une production en Asie, en tout cas jusqu’à présent. Les cadres sont produits chez lui, à Pietermaritzburg en Afrique du Sud. Cela lui permet de mieux contrôler sa production et de pouvoir plus facilement adapter les évolutions sur les cadres. D’ailleurs, Morewood utilise un aluminium 6082 T6 spécialement conçu pour lui par Huletts Aluminium, une boite locale. Certes aujourd’hui, avec la reconnaissance de la marque par le consommateur, il n’est plus le seul soudeur, il a du embaucher un peu de main-d’œuvre, changer d’atelier mais sa philosophie reste la même et la finition des cadres révèle toujours un véritable travail d’orfèvre. Il suffit de regarder ce Mbuzi pour ce rendre compte combien nous sommes à mille lieux de la production de certaines productions de masse.

Le Mbuzzi affiche clairement la couleur : rigidité à tous les étages

Le Mbuzi n’est pas un nouveau modèle. Sa première sortie officielle date de 2007 (catalogue 2008). La mouture 2009 ne subit que de petites évolutions comme au niveau de la douille de direction, du tube supérieur qui passe par un hydroformage ou encore l’axe arrière qui adopte le serrage Maxle mais guère plus. Pour autant la liste de ses caractéristiques techniques impose par ses choix techniques orienté résolument vers la rigidité du châssis. Allons-y pèle mêle : une douille de direction usinée CNC en diamètre 1”5 et de 120 mm de hauteur, une patte de dérailleur et axe arrière de 12×135 mm usiné CNC, tube de selle diamètre 30.9 mm, une boîte de pédalier intégrant l’axe du pivot et usinée CNC en deux parties (Stable Pivot Interface -SPI2). Ca sent bon ! La suspension arrière est donc un monopivot à prise direct de l’amortisseur c’est-à-dire que l’amortisseur en 200 mm de long, est fixé de part et d’autre du triangle avant et du monobras arrière sans adjonction de billette/basculeur. Son pivot est monté sur roulements annulaires et bien protéger des caches poussière. Notez que le point de pivot est placé très en avant du pédalier (presque 6 cm) et assez haut (9 cm).

C’est généralement une caractéristique des VTT de descente afin de favoriser l’amorti. Reste que sur le papier, c’est n’est pas très bon en termes de qualité de pédalage, d’autant que le débattement est porté à presque 160 mm. Des a priori… Oui mais qui seront vite effacés par le test terrain. Le cadre en lui même fait appel à des tubes de grosses sections, qui plus est carrée afin d’offrir un maximum de rigidité. Une de ses grosses particularités est quand même son tube horizontal que n’est pas relié à la colonne de direction mais au tube diagonal, qui joue le rôle de poutre de quoi gratifier d’une direction précise. Dernier point, le cadre est doté d’origine au niveau du boitier de pédalier d’une fixation ISCG usinée CNC, de quoi monter un anti déraillement sans souci… ou un Truvativ Hammerschmidt. Notre modèle de test est vendu tel quel en France par son importateur BS Trading. Il vous en coûtera 4 000 €. Mais vous pouvez aussi opter le cade seul avec l’amortisseur Fox DHX Air 4.0 pour 2 000 €.

Avec son nom qui signifie «Chèvre», le Mbuzi annonce le programme : il doit grimper et descendre absolument partout. Les 160 mm arrière travaillent aussi bien sur les petits que les gros chocs, de quoi réviser ses jugements sur le système de suspension en prise directe.
Première impression, il est court ! Très court ! Voilà une véritable signature apportée par Patrick Morewood sur ces vélos. Avec son top tube de seulement 585 mm en taille M, il va falloir le tenir. La position sur le vélo est très compacte, il ne faut donc pas hésiter à passer sur une potence plus longue. Ici la nouvelle Spank en 60 mm est idéale dans le technique mais s’avère une peu courte si l’on veut faire des kilomètres. Dans ce cas, un modèle en 90 mm fera déjà plus l’affaire. On aurait aussi pu opter pour une tige de selle avec du recul. Problème, dans ce cas, le déport du corps sur l’arrière ne serait pas un avantage en montée où finalement il se comporte assez sainement.

Si l’on reste dans la version stock proposée par BS Trading, on peut adopter une fourche à débattement réglable comme notre Fox 36 Talas. Encore faut-il que cette dernière fonctionne car encore une fois, notre fourche refuse de modifier son débattement, un problème récurrent sur ce modèle… Toujours est-il que le deuxième effet KissKool, c’est sa suspension. Pourtant réglé avec une pré-charge, on va dire dure, puisqu’à 25% de la course de l’amortisseur, le Mbuzi distille un confort remarquable sur les petits chocs. On sent bien qu’un travail de concert avec le fabricant d’amortisseur Fox et Morewood a été effectué. On se surprend même à vouloir s’en servir pour aller chercher les gars avec leur cross-country. Bon d’accord avec sa masse de 14 kg, et son train de roue à forte inertie, on peut toujours rêver mais tout ça pour vous dire que la gestion du pompage est parfaitement calibrée. Assis en selle, le Mbuzi n’oscille pas plus qu’un Giant Trance par exemple. Debout c’est une autre histoire. On voit bien que ça bouge mais il faut vraiment forcer le mouvement pour que cela devienne pénalisant. Evidemment on pourrait actionner le fameux ProPedal mais dans ce cas, non seulement on perd en amorti et surtout on est pénaliser en motricité.

C’est justement là que le Mbuzi surprend encore. En cote, la roue arrière colle au sol, ce qui permet au VTT de prétendre s’attaquer à toutes les côtes, même les réputées ultra raides. Avec des roues plus légères, des pneumatiques mieux calibrés et tout aussi efficace, il tirerait son épingle du jeu.
En descente, c’est franchement terrible. La précision du vélo vous éclate en pleine figure. Il est rivé sur ses appuis. L’avant met en application terrain ses choix techniques : il est d’une précision diabolique. L’arrière est tellement bien rigide qu’il met en évidence la souplesse des roues et surtout d’un pneu de 2.2 est la limite maxi. Pourquoi ? Parce qu’à moult reprises, il est venu au contact de la base, créant deux ou trais réactions pour le moins incontrôlées. Le Mbuzi modifie tous vos repères tant il capable de tourner très court et développer une agilité rarement prise en défaut. Certes, l’arrière court gratifie de glissade façon motocross mais il vous prévient tout le temps et finalement on en joue pour aller encore plus loin dans l’attaque. Son comportement très joueur le rend redoutable dans les pifs pafs. Il est vif dans les changements d’angles, et se laisse balancer avec force sans rechigner. Cela devient alors très physique tant on peut rentrer fort dans les gros relevés.

On est littéralement écrasé dans le creux du bol pour en ressortir comme une balle. Il faut alors bien veiller à ne pas trop se laisser embarquer sur l’arrière car le moindre effet de tension sur le guidon se convertit immédiatement en un lever de roue avant. Du coup, le moindre coup de pompe, l’infime déconcentration peut vite envoyer à la faute. Définitivement, ce vélo est fait pour attaquer ! Même dans les sauts, cette agilité est un avantage. Il peut alors anticiper des changements de trajectoires en l’air pour se replacer dans la courbe suivante. Si dans le technique, le Mbuzi est le roi grâce à géométrie compacte, sa rigidité et son arrière court, en revanche dans le rapide, c’est une autre histoire. Les grandes courbes demandent pas mal d’attention tant il manque de stabilité. Il arrive souvent que l’on glisse des deux roues par faute d’un empattement important. Amusant et même très exaltant au début, cela devient fatigant à la longue. Et pour peu que l’on attaque une section rapide bien défoncée, il faut alors redoubler de vigilance et mettre à profit tout le savoir-faire du pilotage artistique : le bunny-up d’obstacle devient la règle.

Pour autant les suspensions font bien leur travail, et même si l’arrière tend à rentrer un peu vite dans son débattement, ce n’est pas avec une violence qui pourrait vous désarmer. Clairement, si le Mbuzi avec un angle un peu plus ouvert, la donne aurait été différente. Reste que dans ces conditions, on sent quand même le principal défaut d’un monopivot : le blocage de la suspension au freinage. La roue arrière sautille si l’on vient à freiner dans le défoncé empêchant le pneu de rester au contact. Les distances de freinage s’allonge alors un peu plus, et surtout le dosage de freinage avant arrière devient plus délicat, surtout avec ces Magura dont la puissance est tout bonnement impressionnante.

Verdict

Le Morewood Mbuzi a deux atouts. Le premier, c’est évidemment celui de l’artisanat et donc de la petite quantité de production. Autrement dit, vous n’êtes pas prêt d’en croiser à tous les coins de forêts. Et puis c’est aussi gratifiant de se dire que ce n’est pas un ouvrier anonyme parmi une chaîne d’employés qui vous a soudé votre cadre. Le deuxième atout, c’est invariablement que ce Mbuzi est un accélérateur de sensations. Certes, il n’est pas forcément stable dans le rapide ; oui il aurait mérité un peu plus d’angle à l’avant pour compenser un peu ce défaut, mais franchement question pilotage, ils sont rares ces vélos à pour se targuer d’un tel avantage. Piloter un Mbuzi, c’est avoir le sourire graver au visage tant il vous en donne. Précis, rapide en virage, violent en sortie, il remet en cause tous vos repères passés. D’autant que ce bougre est un fin pédaleur. Faire une sortie de 50 km à son guidon, même avec de belles ascensions au programme, ne l’effrayera pas. Sa suspension arrière est tellement bien calibrée pour un monopivot qui en clouera plus d’un détracteur, et moi le premier. Jamais je n’avais vu une suspension de ce type aussi bien répondre aux chocs, même les petits, sans pénaliser le pédalage. En mettant le seuil de déclenchement bas (la Boost Valve réglée sur 130 Psi), une précontrainte de 25 % et sans jamais utiliser le ProPedal, le pompage est parfaitement maîtrise pour peu que l’on reste assis en côte. En même temps, le train roulement est tellement pénalisant que vous ne pourrez pas espérer jouer les montagnards, mais avec une paire de roues et des pneus plus adaptés, on ne dit pas…