Macédoine : salades macédoniennes

Aux confins de l’Europe, en plein cœur des Balkans, la Macédoine évoque davantage la célèbre salade de légumes que l’ex-République yougoslave, indépendante depuis 1991… Pourtant, ce petit pays mérite un peu d’attention, surtout chez les vététistes avides d’espaces encore vierges.

L’austère beauté d’un paradis du VTT

Dans ce pays à l’austère et sauvage beauté, il est encore possible de rouler des heures durant dans une solitude totale. Le VTT n’a pas fleuri sur cette lande pourtant fertile. La faute à une économie en berne, aux conflits politiques, à la guerre, à une histoire récente pour le moins troublée. Quelques acharnés pratiquent quand même le VTT depuis quelques années. C’est le cas de Zadko dont nous allons bientôt faire la connaissance. Nous sommes attendus à Skopje, la capitale, devant l’Office de tourisme macédonien. Zadko (53 ans), président de l’unique club de vélo du pays, est désigné pour être notre guide. Son physique, mince et sec, laisse deviner un athlète endurant. Son vélo ? Un cadre en alu repeint avec une tête de tigre sur l’avant. Côté équipement, c’est du XTR monté avec une vieille Rock Shox de 2000, bloquée en permanence. Pour notre part, nous emmenons un Trek carbone et un MBK AM700. Le contraste saisissant des machines est-il de bon augure ? Allons-nous pouvoir nous comprendre ? Rien n’est sûr…

Le premier jour, Zadko nous emmène à Mavrovo, le plus grand parc national de Macédoine où le loup, l’ours, le lynx et les chamois se font moins rares que l’homme. On trouve ici toute une faune disparue depuis bien longtemps des régions d’Europe de l’Ouest. Le départ s’effectue sur la route. Zadko enchaîne les épingles à une cadence démoniaque, tout à droite et en danseuse. Plombés par nos “tout mous” montés en 2.3, nous n’en menons pas large sur le goudron… Le gros 4X4 de l’office nous suit et donne un côté cocasse à la scène. Sacha, président de l’Office de tourisme, nous tend même des bouteilles d’eau par la vitre ! Au sommet, Zadko amorce la descente… par la route. Le Trek en frémit d’indignation. Sans parler du MBK qui manque de s’étouffer ! Il est temps pour nous de décrire à Zadko le VTT tel que nous le pratiquons en France : les singletracks, l’enduro, la descente… Bref, tout ce qui fait le piment de la pratique ! Zadko se plie enfin à nos doléances d’enfants gâtés du VTT et accepte de nous emmener sur l’un des sentiers qui fourmillent au-dessus de la capitale. Avec une âme de pionniers, nous enchaînons des singles diaboliques devant un Zadko grognon qui décide de marcher à pied à coté de son semi-rigide. Un repas sain et régénérateur, dont les Macédoniens ont le secret, nous réconciliera au nom de l’immortelle fraternité vététiste.

Le lendemain, nous montons vers le lac d’Ohrid qui abrite des truites célèbres en raison d’une couleur étrange. Au-dessus du lac, la montagne de Galicia abrite une faune et une flore très riches. Cette zone est classée parc national depuis 1958. La richesse de ce parc équivaut à elle seule à celle de certains pays comme l’Autriche, la Suisse ou l’Allemagne. Il abrite en effet plus de 80% de la faune avienne du pays. Une montée facile permet de se hisser sur un plateau sommital. Après avoir bataillé, nous dénichons un sentier qui plonge sur le lac. L’itinéraire est un véritable petit bijou du genre et révèle plein de surprises avec, au final, une petite portion trialisante. Une meute de chiens nous prend en chasse… Olivier va laisser plusieurs rayons dans la déroute. Son vieux Scott prêté par l’Office de tourisme macédonien ne supporte pas la cadence infernale imposée. Nous rafistolons la roue en ligaturant les rayons cassés pour rééquilibrer la jante.

La descente marathon de Soluska Glava : tout simplement énorme !

La planète VTT unit les peuples au-delà des obstacles culturels, notamment linguistiques. Zadko a compris : en Europe, le VTT, c’est monter pour mieux redescendre ensuite. Il nous met en contact avec de jeunes riders. Leurs VTT, élaborés en Serbie, sont totalement inconnus sous nos latitudes. En Serbie, contrairement à ce qui se passe en Macédoine, le VTT bouge pas mal avec l’organisation de compétitions de freeride. Là-bas, le bike est une vraie culture. Mais revenons à la Macédoine. La montagne dédiée à la pratique, c’est celle de Soluska Glava avec ses 24 km de descente. Le 4X4 de Sacha nous dépose là-haut après plusieurs heures de souffrance sur un chemin défoncé. L’armée, installée au sommet, contrôle nos passeports et nous enregistre. Au loin, le voile de brume se déchire et dévoile Thessalonique, en Grèce

Puis c’est la ruée vers le bas. Les riders macédoniens ont desserré le frein à main… S’engage une course-poursuite avec Bruno sur son petit Trek carbone. Plus expérimenté, et bénéficiant d’une machine légère au fonctionnement sain, Bruno finit par prendre l’avantage avec une prise de risques insensée. Laze, le seul descendeur de Macédoine, n’a pas trop le loisir de se confronter à des pilotes entraînés et surtout bien équipés. Cette sortie est donc une aubaine pour ce passionné de l’enduro. “D’habitude, nous montons à cinquante sur un vieux camion de l’armée loué 150 e. Les gars ont tout juste des bons pneus, des fourches à élastomères… Les meilleurs bikes disponibles ici sont des semi-rigides KTM en 80 mm. Nous n’avons pas assez d’argent pour nous payer des machines comme les vôtres.” Le départ est très caillouteux sur 8 kilomètres et s’achève sur une piste. D’accord, ce n’est pas très technique mais c’est une vraie descente marathon avec un fort dénivelé et de la distance.

Zladko nous emmène à Pelister. Ce parc créé en 1948 est le plus vieux du pays. Cette région de collines et de montagnes culminant à 2 000m est dominée par le mont Pelister (2 601m) abriant 30% des espèces végétales du pays, dont une espèce de pin endémique, le molika, vestige végétal de l’ère tertiaire. Une longue ascension de 100m permet de rejoindre le sommet. Des Macédoniens en goguette font frire d’énormes saucisses et des morceaux de lard qu’ils accompagneront de bière et de schnaps. Zadko grignote une saucisse du bout des dents, régime marathonien oblige. Pour notre part, nous goûtons avec plaisir chacun des mets qui nous sont proposés. Pour la descente, nous empruntons des sentiers muletiers. Krucevo est la ville la plus haute de Macédoine et le paradis du VTT. Bâties à flanc de montagne, les petites maisons serrées les unes contre les autres semblent défier la pesanteur. Un solide Macédonien, les mains en forme de battoir, a sorti sur le trottoir un volumineux alambic. Une gnôle limpide coule lentement dans des petits verres à schnaps. Nous n’y coupons pas : sportifs ou pas, ça ne change rien ! C’est la vie en rose (et le regard un peu trouble…) que nous descendons par un sentier étroit jusqu’au monastère de Sveti. Un pope fend des bûches énormes. Sa femme nous installe autour d’une table. Le temps s’est arrêté. Un baudet chargé de bois attend qu’on le délivre, la forêt frémit sous le vent de l’automne macédonien. Si près du monde et déjà si loin, quelque chose nous dit que nous reviendrons rouler ici…