Lapierre Pro Race 700 : vous avez dit crosseur ?

Héritier d’une longue lignée de crosseurs, le Pro Race 2010 voit son cadre totalement remanié pour 2010, même si la géométrie reste identique. Est-ce que cela valait le coup ?

La gamme Pro Race, présente au catalogue depuis des lustres, a su évoluer vers le plaisir de pilotage, permettant de rouler longtemps sans passer par la case «kiné». Elle est riche de sept modèles, dont un spécifique pour les femmes. Notre choix s’est porté sur le carbone 700, un modèle encore décent en termes de prix pour un semi-rigide. Nous n’allons pas vous refaire le couplet écologique sur la mode du carbone mais tant que cette matière ne sera pas recyclable, nous glisserons toujours un mot sur sa nocivité pour l’environnement. Il faut bien avouer aussi que nous sommes arrivés à une telle maîtrise de cette fibre que nos cœurs de testeurs craquent pour la performance dynamique des cadres conçus en carbone. Avec une masse de 1 040 g en taille 46, on imagine que la table à dessins et les ordinateurs ont fumé dans les locaux dijonnais… Difficile de faire évoluer ce cadre qui était déjà au top l’année dernière. Enfin, cette année puisque nous avons affaire à un modèle 2010 alors que nous sommes en octobre 2009… Bientôt, nous aurons un an d’avance sur les millésimes dans les magasins. Ah, la course à la nouveauté… Si la géométrie ne change pas, un gros travail a été effectué dans le détail à la recherche de confort, de rigidité et de rendement.

Carbonisé jusqu’aux butées de gaine, le Pro Race dépasse les limites du crosseur. Il peut devenir un marathonien hors pair.

A part la patte de dérailleur, c’est bien un 100% carbone. Le triangle avant monocoque intègre une douille de direction sans portées en aluminium. Le jeu de direction intégré vient se loger directement dans la douille, évitant une liaison carbone-alu parfois difficile à maîtriser. Un gros travail a été effectué au niveau du boîtier de pédalier. S’il limite le choix du pédalier à du Shimano en raison d’une boîte de 92 mm et de paliers lisses, il nous permet aussi d’affirmer que nous n’avons jamais vu une rigidité aussi importante sur ce point précis d’un VTT. Visuellement, la différence entre l’avant massif et le triangle arrière est saisissante. Construits en carbone haute résistance, les haubans sont très fins, travaillés dans le but de dissiper la remontée des chocs dans le tube de selle et de résister aux torsions. La patte de frein à disque est désormais en résine haute température pour éviter de «fondre». Côté chaîne, Lapierre a intégré un protège-base tout au long de celle ci et supprimé l’entretoise en haut des haubans, permettant un meilleur dégagement de la boue (qui nous manquerait presque avec cet automne très sec…). Autre petit détail qui tue : les butées de gaines et passages de gaines sont eux aussi en carbone, totalement intégrés au cadre. Beaucoup de matière grise dépensée pour… 70 g en moins par rapport à 2009.

Pas de bling-bling attitude avec le Pro Race 700. La ligne est superbe, très fluide sur l’avant, fine à l’arrière, ramassée avec son tube horizontal slooping. C’est en se rapprochant que l’on devine le travail de la fibre carbonée. Pas de renforts visibles ni de «pâtés» : c’est du grand art ! On pourrait presque regretter que la peinture et le vernis recouvrent totalement le cadre. C’est un carbone, non ? Des petites touches bleues au niveau des serrage de selle, patte de dérailleur, bouchons de fourche et poignée apportent un début de personnalisation. Côté équipement, Lapierre fait toujours très fort. Confiance à Shimano avec un dérailleur arrière XTR Shadow et du XT pour le reste de la transmission. Idem pour les roues compatibles tubeless. La nouvelle Fox 2010 Fit en 100 mm devrait soulager nos bras et les très puissants freins Formula R1 stopper les plus fougueux des dégringoleurs.

Sympa à piloter, rapide, confortable, apte à descendre vite. Pourquoi ne pas rester en semi-rigide ?

En statique et sur le papier, nous ne pouvions que passer la brosse à reluire. Nous avons hâte de voir ce que ce Lapierre valait vraiment. Avec un tel nom, Pro et Race, il faut assurer… En fait, après de nombreux kilomètres, le pilote doit assumer son statut de crosseur grande vitesse. Une fois la fourche réglée (l’opération se fait en deux minutes), il suffit d’ajuster la pression d’air à son poids – un pilote de 68 kg mettra 60 psi de pression – et d’aller chercher la détente, qui se trouve maintenant sous le fourreau droit, pour se sentir bien installé. La selle Fi’zi:k Gobi, confortable, et le guidon semi-relevé (assurément une bonne idée) y contribuent fortement. Il suffit d’appuyer pour que ça démarre fort. Bien sûr, le premier truc que l’on vérifie, c’est si ce pédalier de 92 mm plie sur les accélérations. Un rêve : toute la puissance passe des manivelles à la roue arrière. Le triangle arrière suit cette dynamique, si bien que les roues deviennent un peu légères en rigidité. On ne se prive pas de relancer, que ce soit en danseuse ou assis. C’est un pur plaisir de mettre les watts et la vitesse de croisière devient carrément énorme.

L’opération est facilitée par les toujours géniaux pneus Hutchinson Python tubeless. On est sans arrêt obligé d’attendre ses potes ! On peut apprécier le Lapierre à des vitesses plus modérées, sans s’ennuyer. C’est aussi ça, la force du ProRace, et on revient à l’interrogation posée en début d’essai : où classer ce VTT ? S’il n’est pas le meilleur dans sa catégorie, son confort est un atout pour de longues distances. On ne ressort pas lessivé d’une virée cassante de 60 bornes. La fourche Fox Fit est plus confortable sur les petits chocs que le millésime 2009. Elle travaille bien en milieu de course et ne vient pas en butée alors qu’on utilise toute la course. Le cadre participe aussi au confort. Les remontées du terrain sont diffusées on ne sait où car le pilote est bien isolé. Bien que doté d’une géométrie archi-classique, le Lapierre est sympa à piloter dans les monotraces rapides et joueurs.

Pas de surprises si l’on va trop vite, on le couche en contrebraquant légèrement, naturellement. On peut y aller sans arrière-pensées. Si le Pro Race 700 est rigide au niveau du boîtier de pédalier, la légère flexibilité latérale du triangle avant ne gêne pas, même quand on attaque en courbe rapide. Un paradoxe ? Non, au contraire, cela permet au Pro Race d’être confié à n’importe quel pilote. Un bout de bois ne tiendra pas la route si vous ne vous appelez pas Musclor, il s’agit donc de trouver le bon compromis. Par ailleurs, il ne faut pas se priver de relancer en montée, le Lapierre ne demande que ça. La motricité est excellente, on dépose ses compagnons de ride, jusqu’à une certaine limite, vite atteinte dans le très pentu. La potence de 100 mm ne suffit pas à coller du poids sur la roue avant, même en s’avançant sur le bec de selle. Il faut une bonne technique de pilotage et du souffle pour maintenir la roue avant au sol.

Au-delà du programme ?

La pente s’inverse ? Pas de souci, on ne touche pas souvent au Formula R1. On peut vraiment débouler fort. Que ce soit à 30, 40 ou 50 km/h, il garde le cap. Dommage qu’il faille une clé BTR pour descendre la selle car même de grosses marches de plus d’un mètre ne lui font pas peur (pas plus qu’au pilote). Le Lapierre est facile à faire décoller, voire «bunny-uper». Reste la question de la résistance dans le temps mais ça, c’est la faute du constructeur ! C’est malin de concevoir des VTT aptes à s’envoyer tous types de terrains et de pratiques…