Canyon Lux MR LTD : le Lux bon marché

Après la vague d’enduro, il semble que les acteurs du marché aient décidé de s’attaquer au VTT de cross-country marathon version cadre léger. Après le Scott Spark, après le Mérida Ninety Six, voici le Canyon Lux MR, certainement l’une des plus belles productions du moment.

Nous l’avions découvert lors du dernier salon Eurobike en septembre dernier, et je dois vous avouer que nous étions tombés amoureux de ses formes dès le premier regard. Tous ces VTT ont un point commun, outre leur poids et leur débattement, ils sont fabriqués dans ce dérivé du pétrole qui est de loin l’un des plus merveilleux produits pour fabriquer un cadre mais qui a le défaut d’être aussi le plus polluant, le carbone. Canyon est loin d’être le dernier de la classe en matière de maîtrise du carbone, bien au contraire. La marque a su s’encadrer de compétences reconnues comme l’Institut des Matériaux Composite situé à Kaiserslautern, en Allemagne. Il s’agit d’un des meilleurs bureaux d’études sur le carbone de l’autre côté du Rhin. Avec eux, Canyon définit comment il va falloir associer les différents matériaux, quel type de fibres utiliser, ou encore dans quel sens mettre les feuilles de carbone pour optimiser chaque partie du cadre en fonction des contraintes mais aussi des attentes sur le caractère du cadre. C’est comme cela que le Lux utilise différentes fibres selon les besoins.

Le Canyon est un pur crosseur qui saura mettre en exergue votre pilotage

Le cadre est construit autour de trois éléments avec un triangle avant monocoque, des haubans monocoques et des bases monocoques. L’ensemble est réuni avec la technique du tube à tube, c’est-à-dire que les tubes sont collés entre eux puis le point de contact est maquillé par des feuilles de carbone. Notez au passage qu’en fonction de la taille du cadre, l’épaisseur et le diamètre des tubes diffèrent afin d’offrir à chaque acheteur le même comportement de cadre. Trop souvent les marques utilisent les mêmes tubes pour tous leur cadre ce qui se caractérise par un cadre optimisé en taille M, qui devient trop dur en taille S et trop mou en taille XL. Ici, rien de tout cela. Mais particularité de ce Lux, le cadre utilise des fibres de carbone haut module différenciées. Ainsi le tube supérieur possède une résistance élastique pour contrer le risque de mise en contact du levier de frein avec ce tube en cas de chute qui se caractérise souvent par un trou.

Le tube diagonal, les haubans et les bases adoptent des fibres et un maillage qui offre une forte résistance à la torsion latérale et une forte résistance aux impacts. Elle est plus compacte et plus noire. Pour la douille de direction et le tube de selle, les ingénieurs ont choisi une fibre plus élastique dont la particularité se trouve dans sa capacité à absorber les vibrations. Un choix qui entre parfaitement dans le champ d’utilisation du Lux, les longues distances. Au final, Canyon peut utiliser jusque trois à quatre fibres différentes pour optimiser le ratio performance/poids. Pour le reste du cadre, Canyon utilise de l’aluminium. Ainsi les pattes arrière sont surdimensionnées mais évidées par endroits pour permettre une meilleure dissipation de la chaleur lors du freinage mais aussi et surtout une plus grande zone de contact avec les pièces en carbone. De quoi offrir un meilleur collage mais aussi une grande rigidité au triangle arrière.

On peut rouler pendant des heures avec un tel VTT…

La boîte de pédalier surdimensionnée mais pas au standard BB30 (dommage !) est, elle, moulée dans le cadre. Elle a la particularité d’être creuse pour gagner du poids (comme les manivelles Hollowtech de Shimano, par exemple). La suspension arrière du Canyon Lux délivre 100 précieux millimètres, un standard aujourd’hui dans le segment des VTT de cross-country marathon. Il s’agit d’un parallélogramme déformable de type Horst Link, c’est-à-dire que la roue arrière est solidaire des haubans. Le point de pivot principal est placé très près du boîtier de pédalier, dans une position très neutre, de manière à ce que la suspension reste active. Reste que les ingénieurs ont travaillé sur le placement des points de pivot afin d’optimiser le contrôle du pompage lorsque le pilote se lève de selle, ce qui se vérifie sur le terrain puisqu’il suffit de se mettre en danseuse en faisant pression sur les pédales pour que la suspension arrière donne l’impression de se contracter, délivrant alors des accélérations et relances de qualités. Mais nous n’en sommes pas là.

Revenons à notre cadre. Pour gagner en rigidité et en poids, la biellette en aluminium est très courte. Au final, le cadre est annoncé pour une masse de XX kg. Selon le montage choisi, le Canyon Lux MR oscille entre 9,5 kg et 10 kg. Autant dire que l’on est bien dans le haut de gamme du VTT de cross-country marathon. D’autant que les mordus du léger pourront aisément descendre sous la barre des 9 kg. De quoi rivaliser sans problème avec les montages les plus extrêmes réaliser sur la base du Scott Spark. Pour faire le tour du propriétaire, question équipement, je vous renvoie directement à la fiche technique du Lux MR Ltd que vous trouverez plus bas. A ce prix, il est difficile de faire la fine bouche. A une exception, les serrages de roue Tune. D’accord, ils font partie des plus légers du marché mais niveau sécurité il faudra repasser. Le serrage n’est pas uniforme et pire, il n’y a pas de butée lorsque l’on ferme l’attache rapide. Bilan, on peut facilement la retrouver coincer sur le disque. A changer immédiatement contre des serrages DT Swiss.

Une fois en selle, on ne peut que rouler fort et longtemps

Se poser sur le Canyon Lux Mr, c’est l’adopter. Autant dire que l’on vous aura prévenu. Pour être très honnête avec vous, au début il y avait quelque chose qui clochait. On se sentait bas de l’avant au point de se demander s’il était vraiment fait pour rouler en moyenne montagne. Et puis on a inversé la superbe potence Syntace F99 et là, le Canyon s’est métamorphosé jusqu’à en apprécier le cintre plat et même les embouts de guidon livrés d’origine. Première accélération, le cadre affiche tout de suite son dynamisme. Son centre de gravité relativement bas et recentré autour du centre du VTT apporte un véritable plus. On se déplace autour du cadre avec une aisance de bonne augure pour la suite des tests. Premier virage, le Canyon se jette à la corde sans concéder le moindre écart de trajectoire. La roue avant s’inscrit dans le virage facilement, bien aidée par la rigidité latérale de la Magura, véritable surprise de cet essai

A l’usage, l’écart de dynamisme avec le Scott Spark saute littéralement aux yeux. Là où on sent le Spark se désunir sur les appuis, le Lux s’impose d’une seule pièce. Il faut dire à la décharge du Spark dans sa configuration la plus extrême, c’est-à-dire avec le tube de selle qui s’allonge jusque la selle, que la rigidité extrême du triangle avant fait apparaître un flou latéral dans le bras arrière, une sensation que l’on ne ressentait pas dans la version « classique » du Spark. Par ailleurs, le Spark Ltd est desservi par la fourche DT Swiss qui est certes très légère mais qui manque de rigidité face à la Magura MD100R. Avec le Lux, il y a ce comportement dynamique et cette sensation de faire corps avec la machine. Une magie qui s’opère dès les premiers tours de roues. On découvre ensuite son potentiel, surtout si l’on cherche une machine aussi à l’aise sur une course marathon que sur une course sprint de deux heures.

Avec son profil très fluide, le Mux MR LTD affiche un sloping prononcé

Dans le technique, et en faisant abstraction du pneu arrière livré d’origine, il tourne autour des difficultés avec autant d’aisance que d’insolence profitant d’une position compacte et d’une fourche qui travaille parfaitement dans ces conditions. Plus il y a de virages, plus le plaisir est total. Et puis vient le temps des côtes. Les longs chemins de halages mettent en avant la tendance au pompage. Enfin, pompage… On dirait plutôt une tendance légère oscillation de la suspension arrière au coup de pédale mais rien qui ne soit vraiment pénalisant. Ce phénomène est uniquement présent lors que l’on reste en selle. C’est dans ces conditions que l’on aimerait un réglage sur l’amortisseur qui permettrait de durcir légèrement le début de course. Malheureusement, le DT Swiss ne propose pas cette option. Ici, c’est ouvert ou fermé. On se dit que le Fox RP 23 trouverait plus sa place. Lors de ces longues montées, l’avantage d’une masse légère est certain. On ne traîne pas le vélo, on a juste l’impression de traîner son propre poids.

Il faut cependant relancer de temps à autre pour rester dans le rythme et c’est là l’occasion de se rendre compte du choix des ingénieurs lorsqu’ils ont défini la cinématique du Lux. Debout sur les pédales, il ne pompe pas d’un iota, sauf à l’avant où la Magura joue la fille de l’air. Dès lors les côtes peuvent s’aborder comme un sprint, sans aucune déperdition de puissance, d’autant que la motricité est bien présente même si elle est en retrait face au Spark qui excelle dans cet exercice. Reste que les accélérations ne sont pas si impressionnantes que cela. La faute en revient essentiellement au train roulant qui manque de rigidité latérale. Un point commun avec le Spark Ltd, lui aussi équipé de jantes légères (des Ritchey) et de rayons DT Swiss aero. Le flou dans les roues de ces deux bêtes de course est vraiment préjudiciable. Est-ce la rançon pour rouler sur un VTT à faible inertie ? En tout cas une chose est certaine, non seulement le Lux s’avère d’une efficacité redoutable mais en plus, il crée une toute nouvelle personnalité dans la gamme du constructeur.

Verdict

Dire que nous sommes tombés amoureux du Canyon Lux serait allé vite en besogne. En tout cas, une chose est sûre, il a su nous taper dans l’œil par son dessin fluide, avec ses lignes tendues vers l’arrière. Mieux, après plus d’un mois de présence au bureau, il arrive encore à nous séduire. Est-ce pour autant assez pour en faire un bon vélo ? Il suffit de le rouler pour s’en convaincre. D’accord, le Lux n’égale pas la souplesse de suspension du Scott Spark ni sa gestion des chocs, mais d’un point de vue dynamique, le Canyon lui donne des leçons. Poser ses fesses sur la selle, c’est l’adopter, tant il met le pilote en confiance. Son cadre sloping, son avant finalement relativement haut, permettent un guidage facile du train avant et l’arrière possède une capacité à se mouvoir dans le technique qui n’a d’égal que le Mérida 96 testé le mois dernier. D’ailleurs, on voit bien qu’ils utilisent des recettes communes en matière de géométrie. Reste que par rapport à cette concurrence très agressive, le Canyon a un argument de poids. Dans cette version, le Canyon Lux s’affiche à 4 000 e. Niveau équipement, il fait jeu égal avec le Scott Spark Limited qui s’acquière pour un prix hallucinant. Certes, il est un poil plus lourd à taille égale mais il est difficile de justifier un tel écart. Enfin si, la marge du magasin car Canyon se passe de cet intermédiaire. Est-ce un risque à prendre ? Oui, si vous êtes un consommateur averti. Toujours est-il que le Canyon Lux n’est pas exempt de tous défauts. Ainsi dans cette version avec amortisseur DT Swiss carbon, le Lux souffre d’un phénomène d’oscillations lors de pédalage assis en selle. Il conviendra de lui préférer un amortisseur à plateforme comme un Fox ProPedal pour annuler cet effet.