Bold Linkin Trail Race Day 29 : Quelque chose en plus 

L’intégration, voilà qui a toujours fait pas mal cogiter les ingénieurs dans le vélo, sauf que là on parle de l’amortisseur arrière, et à ce petit jeu, peu de marques s’y sont risqué. Bold Cycles, une marque suisse créée par deux jeunes ingénieurs, Vincenz Droux et Oliver Kreuter, est l’une d’entre elles, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a su jouer du pinceau avec brio, et pas seulement.

DR. T. Zaniroli
DR. T. Zaniroli

[Htab][tab title=”PRIX”]environ 4800€[/tab][tab title=”POIDS”]12,65 kg sans pédales en taille M[/tab][tab title=”DEBATTEMENT”]Déb. av. : 130 mm | Déb. ar. : 130 mm[/tab][tab title=”USAGE”]Compétition, rando-sport, vallonné, montagne.[/tab][/Htab]

Le préambule

Dans toute belle histoire, il y a une rencontre. Celle-là s’est faite à travers un écran d’ordinateur. Nous sommes au début de l’année 2015, et les réseaux sociaux se sont laissés envahir d’une image qui défie l’entendement. Imaginez, un vélo aux lignes tellement pures que vous en oublieriez de voir qu’il manque un amortisseur arrière sur un tout-suspendu. Mais pire, c’est que vous avez beau le regarder, que dis-je contempler ces courbes si fluides, vous ne trouvez pas ce qu’il fait qu’il est si parfait ! Le pari de Vincenz Droux et Oliver Kreuter, les deux fondateurs de Bold Cycles, est donc gagné. Non seulement l’amortisseur est parfaitement intégré dans le tube de selle, mais en plus techniquement cette solution apporte de nombreux avantages. A commencer par abaisser et recentrer le centre de gravité du vélo. Le vélo gagnera en maniabilité, et agilité. Ensuite, cela permet de réduire la taille de la biellette et donc d’obtenir une liaison avant/arrière plus rigide. Ajoutez à cela que l’amortisseur est protégé de toutes les agressions extérieures. Et regardez la place qui se libère pour mettre un porte-bidon et un vrai bidon de 750 ml ! Les promesses sur le papier semblent merveilleuses, mais le passage à la production en est une autre. Auréolé d’une récompense lors de l’Eurobike 2015, les choses vont pouvoir s’accélérer. Difficile à cette époque d’envisager un envoi d’un cadre en France, c’est un peu tôt. On garde alors à l’esprit le secret espoir de pouvoir le rouler plus tard. Les mois passent, et courant mais 2016, voilà que Bold présente les premières évolutions de son Linkin Trail, parmi lesquelles on compte des passages de gaines en interne, y compris celle de la tige de selle. Il est temps de prendre contact.

Chapitre 1 : les présentations

Le Linkin Trail dispose d’un cadre réalisé en carbone. On ne va pas entrer dans les détails sur le mode de fabrication, gardez juste à l’esprit qu’il s’agit d’un processus dit EPS. En gros, c’est du polystère qui sert de moule et qui va se disloquer avec la chaleur lors de la mise en forme. Le cœur du système se nomme Internal Suspension Technology. Réalisé avec l’aide de DT Swiss, voisin de chambré puisque Bold Cycles est dans la même région que le fabricant d’amortisseur, roues, etc.. l’amortisseur est logé dans le tube de selle et vers la jonction avec le tube diagonal. Cette solution permet d’avoir une biellette beaucoup plus courte, un peu comme sur les Specialized Epic FSR des années 2008, donc une jonction plus solide entre l’avant et l’arrière. Cette biellette conçue en deux parties est joint au centre par un basculeur (dans le cadre) qui marche de concert et va agir sur l’enfoncement de l’amortisseur. L’ensemble est monté sur de gros roulements. La cinématique de cette suspension 4bar linkage type Horst Link, a été dessinée pour contrer l’effet de pompage sur le début de course, jusqu’au point de précontrainte (officiellement 30%), puis être plus linéaire avant de finir très progressive sur les 20 mm restants. J’en sens que la question de l’accessibilité du l’amortisseur vous ronge les lèvres. Alors je vais couper court. Dernière la porte réalisée en plastique moulé qui intègre un cheminement pour les gaines, se cache l’amortisseur. Deux vis à retirer et vous pouvez accéder aux entrailles de la bête. Mettre de l’air dans l’amortisseur pour régler sa précontrainte est facilité par la valve de l’amortisseur qui est mobile (comme sur certains amortisseurs de RockShox). Pour régler sa précontrainte facilement, les petits gars ont prévu un œilleton dans le cadre : une fenêtre dissimulée sous un cache amovible. Avec un indicateur prévu à cet effet (et un pote pour vous valider la position de l’indicateur), vous pouvez aisément faire le bon réglage une fois pour toutes. Seul l’accès au réglage de la détente demande un peu de doigté, mais là encore, cela ne se change pas tous les jours. Par contre, vous n’êtes pas sans savoir qu’un amortisseur chauffe à l’usage, le DT Swiss X313 qui trouve place dans le cadre, n’est pas exempt du problème. Généralement c’est par l’air extérieur qu’il se “refroidit”. Ici, il a fallu trouver un canal d’aération, et c’est par les trous, en plus de ceux d’insertion des gaines, positionnés sur le devant de la colonne de direction que cela se passe. Les ingénieurs ont créé un cheminement d’air pour refroidir la bête. Bon, ça, c’est la théorie parce que dans les faits, on ne sait pas vraiment si ça a une réelle incidence…


Techniquement Bold a joué la carte du futur polyvalent puisqu’il a conçu le Linkin Trail pour recevoir des roues de 29” (jusque 2.4 sans souci), mais aussi des roues de 27.5” + (jusque 2.8). Evidemment pour cela, le moyeu arrière est en Boost 148, ce qui permet au passage d’obtenir un gain supplémentaire dans la précision du train arrière, et de couper des bases à 443 mm (bon compromis entre stabilité et maniabilité). Autre point, les détails de finition sont de haut vol. Par exemple, le montage au standard Postmount du frein à disque arrière est directement conçu pour les disques de ø180 mm. Le protège-base conçu spécifiquement pour le Linkin Trail intègre une petite excroissance pour éviter que la chaîne qui pourrait rester collée sur le plateau ne remonte endommager la base droite.
Question montages, Bold étant une petite société, vous pouvez choisir votre modèle en fonction de votre budget à partir d’une liste de composants (non exhaustifs) sur le site web de la marque. Pour notre part, nous avons choisi un des montages les moins chers, le Race Day 29, sauf au niveau des roues que nous avons upgradées pour des DT Swiss Spline One XM1501 de 30 m de large, idéales pour les pneus Onza en 2.4 prévus pour un usage viril (mais qui alourdissent l’ensemble). Basez-vous plus sur 11,4 kg en configuration classique de pneus, que sur notre 12,6 kg.

Chapitre 2 : Dr Jekyll et Mr Hyde

Bold Linkin Trail Race Day 29 (5)
DR. T. Zaniroli

« Moi, je le roule avec 35% de précontrainte quand il y a de la pente », me prévient Vincenz Droux. Sur le papier, la marque préconise 30%. Pour ma première sortie, plutôt typée cross-country je vais tenter 28%, on verra bien. Dans ces conditions, les pneus en 2.4 le desservent en terme de rendement, mais déjà on sent bien que le Linkin Trail n’est pas là pour amuser la galerie. Le vélo est vif, précis et sa suspension arrière ne bouge pas d’un iota sous les coups de jarrets. La réponse est immédiate, sans déperdition, et la motricité est de tous les instants. Inutile de se servir du système mixte (fourche/amortisseur) du durcissement de la compression basse vitesse de l’amortisseur. Le vélo ne pompe pas même en mode ouvert, mais l’on sent un peu trop les remontées de tension de chaîne dans les genoux. A vouloir trop combattre le pompage, la suspension devient presque désagréable au point de devoir se battre contre elle dans les montées parsemées de racines. Retour à la case départ. Démontage rapide de la boîte de protection, et hop, 30% de précontrainte. Cette fois, l’effet est moins présent et on se libère de cette contrainte. Le vélo distille alors un confort de roulage de haut niveau. Les bases taillées normales pour un 29” permettent de monter le moindre raidard sans voir l’avant se lever, à peine s’allège-t-il au niveau de la direction, mais ça c’est surtout dû à la nouvelle génération de géométrie (reach long et petite potence). Mais ce qui surprend le plus c’est l’impression que ce vélo se pilote comme un hardtail, tant l’arrière semble ne faire qu’un avec l’avant. Pas de désunion, quand l’avant passe, l’arrière aussi, le tout sans débauche d’énergie (en tout cas avec ces roues. Avec des roues carbone trop rigides, ce serait une autre histoire). Certes, il ne pivote pas encore sur lui-même mais avec un peu d’exercice, le Linkin Trail se laisse aisément enrouler dans les petits virolos même à basse vitesse. Le vélo est facile à prendre en main, et on n’hésite pas à le pousser toujours plus fort dans ses retranchements.
Direction notre boucle engagée, avec cette fois 35% de précontrainte à l’amortisseur. Si on perd une partie du bénéfice de l’anti-pompage, en revanche cela a l’avantage d’ouvrir un peu plus l’angle de la bête, et d’assoir un peu plus le vélo au sol. Moins réactif, il devient surtout limite un enduro tant il permet d’engager sans retenue dans la pente (on n’ose imaginer avec une fourche de 150 mm !). Il devient bestial, et on n’a qu’une envie, c’est d’aller toujours plus vite dans le défoncé. Sauts, racines à jumper, bunny-up sur les pierres, enchaînements de virages relevés, quel bonheur ! La gestion de la fin de course de la suspension arrière est bluffante, ce qui fait que le vélo ne se casse pas, et reste parfaitement équilibré autour du boîtier de pédalier. C’est bien simple, on se croirait sur un char d’assaut tant rien ne semble pouvoir l’arrêter. Franchement, un champs de mines en descente se transforme en une rigolade. Tout passe, en se positionnant à peine sur l’arrière. Et surprise, la fourche DT Swiss, si elle est loin d’égaler une Pike en terme de rigidité, est une révélation en terme d’hydraulique. Sensible en début de course, elle est super progressive sur les gros chocs (sans vous défoncer les bras) ce qui fait que ses 130 mm s’accordent à merveille avec la cinématique de la suspension. Certes les premiers appuis en virage vous rappellent à l’ordre (elle se tord littéralement), mais on arrive à jouer avec ce défaut au point de vous soulager le pilotage dans les appuis défoncés.

Epilogue

Finalement, ce Linkin Trail offre deux visages en fonction de votre humeur. Avec 30% de précontrainte, il saura se jouer de tous les secteurs techniques rencontrés sous vos roues. Et c’est d’ailleurs plus là qu’il trouvera sa polyvalence. Mais le jour où l’appel de la montagne sera le plus fort, alors il ne vous décevra pas par un compromis mal ficelé. Passez à 35% de précontrainte, et il se transformera en un mini enduro en roues de 29”, prêt à dévaler les pentes l’esprit serein.
Avec ce nouveau jouet, certes très cher, Bold Cycles montre, si besoin était, que les petites marques ont encore leur place dans le monde du VTT où les grosses entreprises généralistes semblent faire la loi. Avec ce Linkin Trail, ils ne proposent pas seulement l’une des plus belles productions du marché, ni l’une des plus abouties techniquement, si l’on accepte l’anti-pompage un peu trop prononcé, avec une géométrie dessinée aux petits oignons, mais une véritable alternative sur le terrain aux Specialized Stumpjumper FSR, et autres Trek Fuel EX. Certes, la facture d’achat est élevée, mais l’exclusivité est à ce prix.

Caractéristiques

FICHE TECHNIQUE : Tailles : S, M, L – Modèle d’essai : M – Cadre : carbone – Fourche : DT Swiss OPM O.D.L. 130 – Amortisseur : DT Swiss X313 – Freins : Sram Guide RS, ø180 mm – Dérailleur avant : – Dérailleur arrière : Sram GX – Pédalier : RaceFace Turbine, 32 dents – Commandes : Sram GX – Cassette : Sram GX, 10/42 – Roues : DT Swiss Spline One XM1501 – Pneus : Onza Ibex, 29×2.4 – Potence : RaceFace Turbine, 60 mm – Cintre : RaceFace Turbine , 760 mm – Tige de selle : RaceFace Turbine Dropper Post, ø31,6 mm – Selle : WTB Volt – GEOMETRIE : Taille M : Top tube : 595 mm – Tube de selle : 440 mm – Angle de direction : 68° – Angle de tube de selle : 74° – Bases : 443 mm – Empattement total : 1 150 mm – Hauteur de boîtier : 343 mm – Reach : 425 mm – Stack : 612 mm.

Distributeur :Bold Cycles, Contact : www.boldcycles.com

RENDEMENT [star rating=”3.5″]
CONFORT [star rating=”4″]
MANIABILITE [star rating=”4″]
STABILITE [star rating=”4.5″]
PRIX/EQUIPEMENT [star rating=”4″]

[quote] On aime :Comportement dans la pente ultra sécurisant • Lignes superbes • Rigidité bien maîtrisée • Finition de haut vol
On regrette : Un peu trop de tension de chaîne en début de course • Le prix de la petite production.[/quote]