Yeti SB5 Turq XT : Cure de jouvence

Rouler sur un Yeti est toujours une expérience enrichissante. Non pas parce qu’il s’agit de machines souvent très chères, non, mais parce qu’il en émane un plaisir de pilotage indescriptible lorsque la pente se fait négative. Le Yeti SB5, qui vient de se voir finement remanié, ne fait pas exception.

DR. T. Zaniroli

[Htab][tab title=”PRIX”]6699€[/tab][tab title=”POIDS”]nc. kg sans pédales en taille M[/tab][tab title=”DEBATTEMENT”]Déb. av. : 150 mm | Déb. ar. : 130 mm[/tab][tab title=”USAGE”] rando-sport, vallonné, montagne.[/tab][/Htab]

Je ne vous le cache pas, je suis intimidé par ce que représente Yeti. Je regarde ce vélo et je me dis que cette marque qui m’a toujours fait rêver, deviendrait presque accessible. Ce SB5 dans sa définition de cadre la plus luxueuse, et dans ce montage, se vend 6 700 € (comptez 5 300 € pour l’entrée de gamme). C’est certes une somme, mais pour un Yeti c’est presque pas cher. Il faut dire que depuis deux ans, la marque américaine a fait le forcing pour baisser ses coûts de production, quitte à faire partir sa production du côté de l’Asie. Ce qui s’en ressent aujourd’hui sur la note, puisque Yeti s’est fait détrôner par Intense (pourtant lui aussi devenu ami avec l’Asie) sur le podium des marques qui affichent les vélos les plus chers du marché. Pas de quoi démocratiser la marque, mais en tout cas, nous permettre de l’envisager sur la prochaine liste au Père Noël. En tout cas, ne me demandez pas pourquoi, mais dès qu’un Yeti se trouve au milieu d’autres vélos, il rend toutes les autres machines anonymes. Il faut dire que le cadre impose par sa présence. Dans ces conditions, renouveler un modèle phare n’est jamais une chose aisée, surtout lorsque l’on vogue dans l’univers des vélos haut de gamme. Pour ne pas choquer son consommateur privilégié par des changements trop radicaux, il faut y aller par touches discrètes, et ce nouveau SB5, millésime 2017, respecte scrupuleusement cette règle. Les ingénieurs l’ont amélioré du point de vue esthétique, il a baissé un peu de poids avec l’arrivée d’une nouvelle fibre de carbone encore plus légère, le passage de gaines en interne a été optimisé, tandis que le moyeu arrière passe au format Boost et que l’amortisseur devient métrique. A tout cela s’ajoute une petite révision de la géométrie… Quand on vous dit que tout se fait en finesse.

Un programme en légèreté

Pour 2017, Yeti propose deux versions redéfinie de son cadre SB5. Désormais il faudra comprendre que l’ajout de la lettre « C » après SB5 voudra dire qu’il s’agit du carbone d’entrée de gamme et que « Turq » à la place de C vous propulsera dans le très haut de gamme avec une réalisation du cadre à partir d’une fibre de carbone plus légère et d’un processus de production un peu plus complexe. Résultat, elle promet un allègement d’environ 350 g sur le cadre. Comptez alors un cadre à 2,49 kg contre 2,84 pour le « C ». Oui, l’équivalent d’un bidon de 350 ml rempli… C’est faible ? A ce niveau, chaque gramme de gagné est une prouesse ! Bon, de là à le justifier sur le terrain, c’est une autre histoire… Toujours est-il que ce cadre apporte quelques évolutions comme un chemin de gaine en interne complètement revu pour une mise en place facilitée (surtout pour la tige de selle télescopique), grâce à une trappe. Ce regard se trouve juste au-dessus du point de pivot Switch Infinity. Au passage, la géométrie a été légèrement remaniée. La mise à jour la plus visible concerne surtout le tube de selle qui passe enfin à 73,5° contre 71° auparavant. Un choix dicté par la volonté d’avoir un vélo plus polyvalent en lui permettant de mieux monter grâce à une position plus avancée. Notez que pour compenser cette avancée de la selle, le tube supérieur prend quelques millimètres et que l’allonge (reach) progresse également (425 mm), de quoi passer sur une potence en 55 mm sur la taille M. La direction s’ouvre un peu, mais cette modification est plus à mettre sur le compte du passage de 140 à 150 mm de la fourche. Par contre les bases, elles, raccourcissent vraiment, passant de 444 mm à 437 mm. Le passage au format Boost 148 à l’arrière n’est pas étranger à cette modification salvatrice. Notez que pour autant, le montage de pneu en format + n’est pas possible. Si vous visez ce type de montage, il vous faudra opter pour le SB5+. Sinon, en vrac, il est bon de rappeler que le cadre est dépourvu de fixation de dérailleur avant et qu’il ne sera pas possible d’en monter. Au mieux, pour rassurer ceux qui ne pensent toujours pas que la nouvelle génération de mono-plateau soit capable d’accrocher la chaîne, ils pourront monter un petit anti-déraillement sur la fixation ISCG05 prévue à cet effet.

La suspension Switch Infinity

Cela fait maintenant plusieurs années que Yeti a lancé sa fameuse suspension Switch Infinity. Certes cela fait un peu usine à gaz avec ces deux petits cylindres placés au-dessus de la boîte de pédalier, mais ce n’est pas plus que la suspension N.E.U.F. de B’twin qui utilise un principe similaire. Pour preuve, à l’origine, Yeti utilisait un système très proche avant qu’il ne soit rappelé à l’ordre par le service juridique de la marque française. L’idée est assez simple. Le point de pivot principal n’est pas fixe. Il se déplace sur un rail selon une certaine courbe définie en fonction du niveau d’enfoncement de l’amortisseur. Au début, quand la suspension commence à s’enfoncer, le rail sur lequel est fixé le point de pivot, se déplace vers le haut. Ce qui a pour effet de faire aller la roue vers l’arrière, et d’avoir une meilleure maîtrise du pompage. Quand la roue s’enfonce un peu plus dans le débattement, le point de pivot se déplace vers le bas, ce qui va réduire la tension de chaîne et accroître la qualité de l’encaissement des chocs. Notez que même si l’ensemble peut poser de nombreuses questions, notamment en matière de durée de vie dans le temps, d’expositions à la boue (car ça l’est !), les retours que nous avons sur le long terme sont plutôt rassurants. A condition de l’entretenir régulièrement ! Deux graisseurs sont prévus à cet effet. Nous vous conseillons un graissage toutes les 15-20 heures d’utilisation, surtout sur terrain gras. L’opération est simple et rapide à faire, alors pourquoi s’en priver !

Petit plus sur cette nouvelle monture, l’amortisseur passe au système métrique (210×50 mm). En fait, on est plus sur un 190×50 qui aurait été allongé de 20 mm. On ne gagne donc pas de millimètres de débattement (la course reste la même), mais l’amortisseur dispose surtout d’un volume plus important pour son hydraulique, de quoi peaufiner un peu plus sa qualité d’amortissement.

Une expérience à part

Avant toute chose, il est important de noter que ce Yeti SB5 en taille M ne pourra pas aller à un pilote standard. Comprenez que si vous avez une hauteur de selle inférieure à 700 mm, vous devrez passer votre chemin et vous rabattre sur une taille S. Ennuyeux ? Oui, car vous ne bénéficierez pas des avantages du reach à 425 mm et sa petite potence de 55 mm. La faute ? La tige de selle Race Face en 150 de course dont le corps prend pas mal de place dans le tube de selle. Voilà qui est dit. Côté réglages de suspensions, à l’avant pas de problème. Chez Fox c’est votre poids moins 10 unités, et vous mettez le résultat dans la chambre d’air (65 psi pour un pilote de 75 kg). Mettez trois clics de compression basse vitesse et vous voilà prêt. A l’arrière, c’est un peu plus compliqué. Les ingénieurs préconisent 30% de précontrainte (environ 15 mm de la course), mais au final c’est avec 25% que nous nous sommes sentis le mieux (moins de pompage, et meilleure utilisation de la course de l’amortisseur – 175 psi, pilote de 75 kg). Côté détente, au début nous nous sommes mis sur le plus rapide, partant de l’idée (fausse) que sur le parking elle paraissait assez lente. Finalement, nous avons dû l’ajuster sur le terrain pour finir avec 5 clics vers le fermé. Reste le réglage de la compression basse vitesse (trois niveaux de charge hydraulique). Après plusieurs sorties de test, nous sommes restés sur l’idée de mettre sur la plus souple (niveau 1) parce que nous avons pris le parti de charger un peu plus en air dans la chambre positive, et d’actionner la manette du DPS sur l’intermédiaire dans les côtes. L’autre option aurait été de rester sur 30% de précontrainte et de compenser en mettant la compression basse vitesse sur le niveau 2, mais on perdait en amorti sur les petits chocs, donc…

DR. T. Zaniroli

Premiers tours de roues, et déjà on remarque la sensibilité de la direction. Le moindre petit mouvement sur le cintre (très bon cintre au passage, avec un très bon dessin et un bon compris poids/rigidité) se transforme par un écart de trajectoire à vitesse normale d’évolution. En fait à vitesse lente et modérée, la direction oscille sur 20° de gauche à droite, si vous ne tenez pas bien votre guidon. On se retrouve donc avec un vélo finalement assez agile et mobile malgré son angle de 66,5° de direction. Surprenant. Si c’est intéressant dans les secteurs sinueux, et dans ces conditions, le Yeti fait merveille, en revanche cela peut poser alors quelques soucis en côtes où il devient plus difficile de conserver sa trajectoire plus la pente se fait sévère. Le deuxième point de surprise est à mettre sur le compte du pédalier Race Face dont le Qfactor, c’est-à-dire la distance entre les deux manivelles, est particulièrement large. Pour qui a un petit bassin, voire même normal, cela peut devenir problématique au point d’occasionner des douleurs dans les genoux. Il ne faudra alors pas hésiter à modifier l’emplacement de vos cales de chaussures en les positionnant plus sur l’extérieur. On s’en accommode donc sans souci. En revanche, il y a une chose dont on se plaît tout de suite à apprécier, c’est le confort de la suspension arrière. Quelle que soit la vitesse à laquelle vous évoluez, elle impressionne. Super confortable sur les petits chocs, elle est capable d’encaisser les pires réceptions sans rechigner et avec la politesse de ne pas vous le faire sentir. Sa compression assez linéaire en début de course faisant place à une compression très progressive, peut-être même trop, à partir du milieu de course. Par contre, un point nous a chagriné, dès que vous vous mettez en danseuse pour relancer la bête, la suspension oscille, laissant comme un goût de pompage excessif. Alors cette remarque est vraie sur le plat, un peu moins en côte surtout si vous vous placez sur l’avant debout sur les pédales en poussant bien à 45°. Là, la suspension se fige, vous gratifiant de bonnes accélérations en côte, d’un très bon plaquage de la roue arrière au sol, mais au prix de gros efforts. Car oui, la surprise de ce test est là. Ce SB5 n’est pas ce qu’il y a de plus nerveux. Il roule bien, mais n’est pas un foudre de guerre sur le plat, ni en côte où il est préférable de monter au train, assis en selle.

Le paramétrage “plaisir” prend son sens dès que la première pente se profile. Là, il est dans son élément.

Par contre, il grimpera les pires côtes sans souci, mais comme un bon vieux diesel, en ne butant pas sur la moindre racine, mais en l’absorbant. Attention cependant, le pneu arrière a du mal à apporter le niveau de grip sur lequel le pilote peut compter. Sur certaines portions qui ne voient jamais le soleil, où la boue a fait son lieu de résidence, le Maxxis Ardent en 27.5” est à la peine. Ça glisse, ça rippe, ça patine… Je précise dans cette dimension, car ce même dessin mais en 29” passe sans souci. Leur seul point commun dans la négative reste leur faible accroche au freinage. Là les pneus semblent vite abandonner la partie. C’est d’autant plus regrettable que la suspension arrière a tendance à se figer un peu au freinage, ce qui allonge encore un peu plus les distances de décélération. Il faut dire aussi que le frein Shimano XT en disque de 160 mm n’est pas à la fête à l’arrière. On vous passe le problème récurrent du toucher qui n’est jamais similaire à chaque mise en action, pour se concentrer sur son manque de puissance avec ce diamètre de disque, or sur une telle machine ça déboule tellement vite dans la pente. Car c’est là que le SB5 se révèle vraiment : en descente ! Si nous avions déjà pris plaisir à son guidon dans les enchaînements de petits virolots où il s’est trouvé ultra précis (merci la fourche Fox 34 en version Boost 110 – certes elle est moche avec ces plongeurs exagérément distants mais qu’est-ce qu’elle est rigide !) et vif dans les changements de direction, là il semble survoler les difficultés. A ce petit jeu, le Yeti est une mine d’or. La position de pilotage avec sa potence courte, son cintre taillé à 740 mm, son empattement avant long, associé à ses bases de 440 mm coupées plus longues que la norme du moment en 27.5” (435 mm) font oublier les difficultés. On enquille droit dans la pente, profitant de sa stabilité sans faille, et de son centre de gravité bas. Et le tout dans un silence de cathédrale. Pas de bruits parasites, c’est du bonheur de n’entendre que le vent qui siffle dans vos oreilles. Le slopping très prononcé du triangle avant permet de se mouvoir autour du cadre sans avoir les genoux qui viennent au contact, c’est le top. Précis, rigoureux, rigide juste comme il faut pour ne pas devoir s’appeler Musclor pour le guider (comme c’est le cas avec le SB6 par exemple), le SB5 exacerbe vos sens. Ça va vite, même sur les terrains cassants, où l’amortisseur passé au métrique fait un travail remarquable (il reste beaucoup plus confortable par exemple que le SB6 qui avait tendance à se durcir plus il prenait de successions de chocs).

Que faut-il retenir de la mise à jour du Yeti SB5 proposé ici dans sa version la plus extrême de son cadre (Turq) ? D’abord que l’intérêt de passer sur une version Turq est difficile à quantifier sur le terrain. Que les modifications de géométrie lui ont apporté un plus en montée (plus de stabilité notamment), qu’il sait encore plus valoriser ses capacités de descendeur, et qu’il se faufile désormais encore mieux dans les enchaînements de virages. Après, j’avoue avoir été un peu déçu au niveau du rendement. Certes le confort est magistral, la motricité est là, mais il lui manque un peu de punch dans les relances, et de prise de vitesse sur le plat pour un vélo destiné à tout faire. Mais vous savez quoi ? Je vais aller refaire un tour à son guidon juste pour la banane qu’il donne dans la pente.

Caractéristiques

FICHE TECHNIQUE : Tailles : XS, S, M, L, XL – Modèle d’essai : M – Cadre : Carbone Turq – Amortisseur : Fox Float Factory DPS – Fourche : Fox 34 Factory Boost – Freins : Shimano XT, ø180/160 mm – Dérailleur arrière : Shimano XT – Pédalier : Race Face Affect, 30 dts – Commandes : Shimano XT – Cassette : Shimano XT, 11/46 – Jantes /Moyeux : DT Swiss XM421/Dt Swiss 350  – Boost- Pneus : Av. Maxxis Ardent Exo, 27.5×2.4” ; ar. Maxxis Ardent Exo, 27.5×2.25” – Potence : Easton Haven, 55 mm – Cintre : Yeti 740 Turq Carbon, 740 mm – Tige de selle : Race Face Turbine Dropper Post, ø30,9 mm – Selle : WTB Yeti Custom – GEOMETRIE taille M  :Top tube : 600 mm – Tube de selle : XX mm – Angle de direction : 66,5° – Angle de tube de selle : 73,5° – Bases : 437 mm – Empattement total : 1168 mm – Hauteur de boîtier : 338 mm – Reach : 425 mm – Stack : 610 mm.

Distributeur : Tribe Sport Group, Contact : www.tribesportgroup.com

RENDEMENT [star rating=”3.5″]
CONFORT [star rating=”4.5″]
MANIABILITE [star rating=”3.5″]
STABILITE [star rating=”4″]
PRIX/EQUIPEMENT [star rating=”3.5″]

[quote] On aime : Comportement en descente • Géométrie
On regrette : Attention à l’entretien • QFactor du pédalier trop large • Intérêt limité de la version Turq.[/quote]