Merida Ninety-Six RC 9000 : Le retour en course

DR. Swann Lefevre

Avec un Ninety-Six vieillissant et plus vraiment d’athlète de haut niveau au premier plan pour faire la promotion de son vélo dédié au cross-country, Merida devait réagir. Voici donc le Ninety-Six RC, un pur produit pour enchaîner les kilomètres en version grande vitesse, le tout dans une physionomie moderne.

DR. Benjamin Lacoste

Prix : 8899 € |10,45 kg taille M ; roues 3,85 kg | Déb. av. 100 mm | Déb. ar. 100 mm / Pratique : rando-sport,  compétition – plaine, vallonné.

Merida sait faire des vélos, et ce n’est pas pour rien si la marque taïwanaise fait partie des leaders mondiaux en terme de production. Dirigée depuis un bureau d’études situé en Allemagne, elle a su au fil des années rester dans le peloton des marques innovatrices d’un point de vue technologique avec notamment une maîtrise du carbone comme rares sont les marques à pouvoir en dire autant. Leader dès que l’on évoque la légèreté, ou le confort, la marque est longtemps restée conservatrice en matière de géométrie. Pour preuve, le Ninety-Six qui officiait jusqu’à maintenant était vraiment un produit à l’ancienne avec une direction fermée, un cadre haut, rien qui ne soit compatible avec le cross-country moderne où l’on doit justement chevaucher un VTT agile et efficace dans les passages techniques. Pour 2021, les ingénieurs sont donc repartis d’une feuille blanche afin de revenir dans la course.

Parlons donc tout de suite de la géométrie, puisque c’est elle qui va conditionner l’avenir du châssis. Eh bien, elle évolue sacrément pour un Mérida, comprenez que nous ne sommes pas du tout dans l’excès ou la démence, mais dans une évolution mesurée mais clairement bénéfique à l’exemple de l’angle de direction. Il perd carrément 1,5° en affichant 68,5° sur notre angulomètre. Le tube de selle se remonte carrément pour augmenter la puissance de pédalage en côte. Notre modèle en taille M gagne 1,5° avec 76,56° mesuré à notre hauteur de selle. Mais ce n’est pas tout puisqu’enfin le reach s’allonge pour gagner en stabilité, sans que le tube supérieur ne croisse. On est ainsi sur 450 mm avec un tube supérieur de 590 mm. C’est près de 25 mm de plus que par le passé. Il en va de même du stack qui s’affaisse pour afficher 590 mm, de quoi enfin permettre de bien bouger autour du vélo, et de pouvoir profiter de la stabilité de ce vélo dont le boîtier est aussi rabaissé.

Bon, un mot quand même sur une histoire qui nous chagrine. La tige de selle télescopique sur notre vélo a visiblement été sélectionnée dans ses caractéristiques, pour l’ancien cadre… En effet, sur notre cadre en taille M nous avons une sortie de selle en rapport à notre physique de 705 mm. Le débattement de la tige de selle Fox est de 100 mm, parfait pour le XC. Problème, le corps de la tige de selle qui entre dans le tube de selle est court, trop court. Le modèle référencé fait 170 mm. Nous voilà donc avec seulement 70 mm dans le cadre, c’est 30 mm en dessous de la limite autorisée. Pas terrible, surtout quand on se dit que mon mètre soixante et onze est au début des usagers possibles sur une taille M. Comment vont faire ceux qui font 1,75 m et qui doivent évoluer sur ce M ? Un problème de référencement de pièce visiblement… En tout cas, une chose est sûre, nous voilà enfin avec une géométrie plus inspirée, beaucoup moins stricte comme ont su nous faire les Allemands pendant trop d’années. Désormais, le Ninety-Six peut s’enorgueillir d’avoir une géométrie ouverte, longue, et basse avec un arrière court. Pour autant, Merida n’a pas oublié que son vélo sera tout autant utilisé sur des courses courtes que sur des marathons, alors la place a été faite pour qu’il puisse embarquer deux bidons dans son triangle avant ramassé (sauf la taille S). Il y a même un support d’accessoires (deux vis de fixation) sous le tube supérieur. Une belle performance d’autant que le Ninety-Six ne coupe pas à la mode du positionnement de l’amortisseur fixé sous le tube supérieur. La suspension arrière développe officiellement 100 mm de débattement. La cinématique évolue un peu au passage puisqu’elle offre plus de sensibilité au démarrage et une progressivité plus tardive. L’amortisseur arrière Fox est blocable via la poignée TwistLoc sur le cintre, qui est également relié à la fourche (voir encadré).

Toujours aussi léger

Tous les nouveaux cadres Ninety-Six (y compris la version 8000 équipée d’une fourche en 120 mm de débattement ) utilisent le même moule pour le châssis avant et ‘arrière. La subtilité sur notre modèle RC9000, c’est que le triangle avant utilise des feuilles de carbone nommées en interne CF5 III. Elles sont plus complexes dans leur mise en œuvre, mais elles permettent un gain de poids substantiel puisque les ingénieurs annoncent gagner 150 g par rapport aux versions CF4. On est ainsi sur un cadre de 1695 g par rapport au poids revendiqué de 1845 g pour un cadre CF4 avec son amortisseur. Comme depuis longtemps chez Merida, la résine époxy qui constitue la matrice d’assemblage de ces feuilles reçoit des nano-composants, dont on ne sait pas grand-chose, censés apporter une résistance aux chocs supplémentaire. Ce qui n’empêche pas en tout cas, le Ninety-Six d’avoir une protection sous le tube diagonal… Le triangle arrière par contre est en CF5 sur tous les Ninety-Six. Il est sans pivot et profite de la flexion du carbone pour en simuler un. C’est plus léger, plus rigide. Notez que le triangle est particulièrement compact en largeur. On ne pourra pas mettre plus de 2.3 de section au niveau du pneu (mais qui met plus aujourd’hui en XC ?). L’idée est surtout de permettre d’avoir un espace suffisant pour placer un gros plateau (Merida annonce pouvoir monter un 38 dents dessus), tout en conservant un QFactor compact. L’idéal pour les rouleurs. D’ailleurs, on notera que Merida revient au boîtier de pédalier fileté. Une aubaine lorsqu’il s’agira de le remplacer tellement il est plus facile à démonter.

Vaisseau amiral

Encore une fois, notre modèle de test est le vaisseau amiral de la flotte, la vitrine. Nous aurions aimé une version plus abordable, mais les marques aiment communiquer avec ces modèles. Alors forcément, tout ici est à la hauteur du prix demandé pour l’acquérir. Le RC9000 adopte ainsi une transmission Shimano XTR et des freins à disque également XTR en 2 pistons. Pas de pédalier XTR mais un très beau Race Face Next SL en carbone, bien plus léger. Le poste de pilotage n’est pas en reste avec un cintre carbone maison mais très léger (140 g) et les suspensions en version Factory et traitement Kashima des plongeurs. Du grand luxe. Enfin, il y a le train roulant avec les très sexy DT Swiss XRC 1501 en 30 mm de large. Oui, je sais, un vrai crosseur aurait certainement pris les XRC1200 plus légères, mais pour que les pneus Maxxis en 2.25 de large prennent bien leur place, ça ne me dérange pas de prendre 50 g de plus ! On vous passe la selle Prologo Scratch M5 à rail carbone, confortable et très ergonomique, parfait. Au final, nous voilà avec un vélo qui affiche 10,45 kg sur notre balance (sans pédale). Bien ! Et sur le terrain, ça donne quoi toute cette débauche d’équipements ?

Ça roule vite

La première chose qui ressort des premiers tours de roues c’est sa direction qui paraît lourde. Il faut dire que la répartition du poids du pilote se fait pas mal sur l’avant du vélo avec une potence un peu longue au rapport du reach du vélo. Au niveau de la rigidité du cadre, Merida est arrivé à un bon compromis. On sent une légère torsion à l’arrière si vous appuyez vraiment sur le côté ou si vous balancez de gauche à droite le vélo en appliquant un monstre d’appui sur les pédales. Mais ce n’est pas pour moi un défaut. Au contraire. Cela distille une tolérance accrue sur les terrain les plus défoncés ou dans les appuis en virage. D’autant que le triangle avant particulièrement bodybuildé est bien rigide. Il ne se déforme pas même lorsque vous prenez à pleines mains le cintre sur les relance. Seule la fourche a du mal a encaisser les forts appuis et impose souvent de la bloquer pour tenter de réduire l’effet de torsion. De leur côté, les roues DT Swiss restent impériales et ne dérivent pas de leur ligne. Il faudra juste faire attention avec les pneus Maxxis, surtout à l’avant, qui tardent à retrouver du grip sur les appuis après une glisse cependant prévisible. On est surpris de voir à quel point le vélo reste vif dans les passages sinueux en dépit de son angle de direction qui s’est ouvert. Avec une potence plus courte, il aurait encore plus gagné en finesse de pilotage. En tout cas, voilà un vélo vif, facile à piloter et néanmoins très confortable, même avec seulement 20 % de précontrainte comme nous l’avons roulé. Plus, vous arriverez trop vite dans le débattement. Avec 20 % vous gardez la motricité et le confort à un niveau tout à fait acceptable. Les relances debout n’entraînent pas de pompage. Assis, c’est beaucoup plus marqué mais cela ne nous choque pas si l’on envisage ce vélo plus comme un marathonien. Pour un usage plus compétition XC, on utilisera certainement plus le blocage de suspensions pour se rassurer sur l’apport hypothétique de rendement.

DR. Swann Lefevre

La suspension est bien calibrée pour le cross-country et le marathon, même si on aurait aimé peut-être moins de pompage en selle. Cependant le gain en motricité et en confort permet d’enchaîner les kilomètres sans taper dans le physique. D’autant que malgré ses faibles débattements, il ne butte pas contre les obstacles mais semble les enrouler. L’autre point, c’est qu’il travaille plutôt bien à mi-course, et que sa progressivité est plutôt bonne pour envisager d’attaquer dans les descentes techniques sans se faire trop brinquebaler. C’est important car ce sont les coups de butoir qui fatiguent à la longue le pilote. Là, ils sont plus ouatés, ce qui confirme qu’il sera à son aise sur les marathons. Certes il faudra trouver le bon réglage de la détente pour optimiser son fonctionnement, mais une fois trouvé, vous pourrez lâcher les freins sans trop vous poser de question. D’autant que le pilote se pose naturellement au centre du vélo lorsqu’il se met debout sur les pédales. Plus besoin de se mettre exagérément en arrière, on garde ainsi le contrôle de la direction. Il faut dire que le fait de disposer d’une tige de selle télescopique facilite les opérations dans les passages délicats. On garde le rythme en descente, voilà ce qu’il faut retenir et ça, c’est une première sur un Ninety-Six.

Toujours est-il que le Merida se délecte des ascensions même raides. Le reach long, l’assise redressée lui donnent une stabilité très remarquée même à faible allure. Et plus les grimpettes sont sinueuses plus il semble à son aise. Il motrice parfaitement et profite de son faible embonpoint pour grimper avec insolence sans demander à son pilote de se battre pour le garder sur la ligne. Et petit bonus, plus la pente se fait raide, plus vous avez tendance à vous avancer sur la selle, et moins la suspension semble pomper tout en restant active au contact des racines. C’est certainement là qu’un Ninety-Six pourra faire la différence sur une course vallonnée.

Paré pour le marathon

Oui, il y a des choses qui ont irrité sur ce vélo, que ce soit le comportement aléatoire des freins (surtout l’arrière comme à chaque fois sur du Shimano XTR et XT), ou ce fichu blocage de suspension qui a fini par nous faire haïr ce vélo (voir encadré), mais les performances du nouveau Ninety-Six de Merida sont là. Vous êtes en présence d’un vrai vélo de course qui offre de vraies sensations de pilotage, et de vitesse, qu’il sait conserver sans que nous n’ayez à trop intervenir.

On se délecte également de ses suspensions parfaitement calibrées pour vous emmener loin et longtemps en selle. La motricité, le confort sont des atouts pour qui veut enchaîner les kilomètres et surtout pouvoir avoir toute sa lucidité lorsqu’il faut s’attaquer à des passages techniques. Là, c’est sa nouvelle géométrie qui sera votre allié, en plus de sa légèreté et de sa douce combinaison entre légère et souple de l’arrière et précision du triangle avant qui lui offriront une tolérance qui sortira de bien des situations périlleuses. La question est maintenant de savoir s’il faut craquer pour ce RC9000 ? La réponse est oui si vous avez les euros à mettre sur la table. Mais clairement, les 150 g gagnés par le passage en carbone CF5 sur le triangle avant ne sont pas un argument suffisant pour nous faire craquer sur ce modèle. Nous, nous opterions pour le Ninety-Six RC XT dans sa livrée rouge, certes plus lourd mais sous la barre des 12 kg, en full Shimano XT, et qui s’affiche à moins de 5 000 € en magasin.

Caractéristiques

GEOMETRIE Taille : M – Tube supérieur : 590 mm – Tube de selle : 445 mm – Angle de direction : 68,5° – Angle de tube de selle : 76,5° (effectif) – Bases : 435 mm – Empattement total : 1155 mm – Hauteur de boîtier : 320 mm – Reach : 450 mm – Stack : 590 mm – FICHE TECHNIQUE : Tailles : S, M, L, XL – Modèle d’essai : M – Cadre : Carbone CF5 III – Fourche : Fox SC32 Factory, déport 44 mm – Amortisseur : Fox Float DPS Factory – Freins : Shimano XTR, ø180/160 mm – Dérailleur arrière : Shimano XTR – Pédalier : RaceFace Next SL, 175 mm, 34 dts – Commande : Shimano XTR – Cassette : Shimano XTR, 10-51 dents – Roues : DT Swiss XRC 1501 – Pneus : Maxxis Recon Race Exo, 29×2.25” – Potence : Merida Team CC II, 70 mm – Cintre : Merida Team CC, 740 mm – Tige de selle : Fox Transfer 100 mm, ø30,9 mm – Selle : Prologo Scratch M5.

Distributeur : Merida France  , Contact : www.merida-bikes.fr

Notes

Rendement : 3

Confort : 3,5

Maniabilité : 4

Stabilité : 4,5

Prix/Equipement : 3

TOTAL : 14,4/20

On aime : Cadre très léger • Confort et traction impressionnants • Stable dans la pente • Excellentes roues DT Swiss

On regrette : Problèmes de verrouillage TwistLoc • Le cintre touche le tube supérieur • Inconstance des freins • Sortie de tige de selle au-delà de l’autorisation