Engine Lab : Un marathonien version V8

Pas facile de fréquenter les meilleurs marathoniens de la planète… Pourtant, c’est sans complexes que l’Engine Lab vient pointer le bout de son capot, pardon de son cadre. Explications.

A défaut de découvrir une nouvelle cinétique de suspension, avec tous les aléas que cela impliquerait, les ingénieurs ont repris celle développée il y a plus de dix ans pour la marque de VTT Renault, greffée ensuite sur les Giant avec les fameux NRS. Malgré les années, cette suspension reste d’actualité. Il suffisait d’améliorer quelques points de détail qui font ici toute la différence. On retrouve donc une suspension de type Horst Link, du moins visuellement. Le secret réside dans la trajectoire de la roue arrière, qui recule en début de compression alors que sur «d’autres» Horst Link, elle décrit un arc de cercle. Preuve que les ingénieurs ont la conviction d’être dans la bonne direction, Pascal Tribotté a fait breveter ces quelques millimètres d’enfoncement de la suspension qui changent tout, du moins sur le papier. Faute de pouvoir couper complètement le cordon qui les relie à la F1, la suspension s’appelle «air fuel», en référence au carburateur des voitures.

Deux versions nous sont proposées, le V10 avec du matos haut de gamme et le V8 ici testé. Clairement, c’est la qualité de fabrication du cadre qui a prévalu dans le cahier des charges, au détriment de l’équipement. Le cadre est superbement fini avec des soudures régulières, des biellettes très rigides et parfaitement alignées, des haubans impressionnants intégrant les supports de l’étrier de frein et du dérailleur. Un soin particulier a été apporté aux passages de câbles sans que cela élimine la nécessité de poser des protections pour ne pas limer la peinture. Ce qui ne se voit pas, c’est la qualité d’alignement et d’ajustement des articulations, tout comme le prix des roulements masqués par de magnifiques cache-poussières. Avec de telles exigences, la durée de vie des points de pivot et de l’amortisseur est décuplée. Rock Shox s’occupe de vos bras avec la Sid en version Race et de vos vertèbres avec le Monarch 2.1. Pas de plateforme pour ce modèle d’amortisseur. Une petite centaine de kilomètres confirmera l’inutilité du système. Pour satisfaire quelques crosseurs en quête de rendement ultime, il sera quand même possible d’en bénéficier en 2010. Les CrossRide, modèle d’entrée de gamme chez Mavic, font tourner rond ce V8 avec, en matière de pneus, un mélange entre l’excellent Huchinson Toro à l’avant et le Python version 2.00 à l’arrière. Formula stoppe les ardeurs des pilotes les plus rapides en descente avec les puissants (et peu dosables) Oro K24 en disques de diamètre 160 mm. Le pédalier FSA Afterburner se marie parfaitement avec le bras oscillant de la même teinte et l’ensemble potence-guidon-tige de selle-selle, estampillé Engine Lab, est très bien réalisé à défaut d’être original.

Facile sur les longues distances, rapide, stable, l’Engine Lab en 100 mm de débattement est l’outil rêvé pour les marathoniens

L’Engine Lab en 100 mm de débattement n’est pas une version super carrée d’un moteur de F1, c’est plutôt un modèle de longues courses, puisque destiné à parcourir de grandes distances rapidement. Le choix d’une assise confortable est pour beaucoup dans la facilité de la prise en main. Merci donc pour l’ergonomie. On se sent prêt à avaler les kilomètres jusqu’à la tombée de la nuit. La taille M, avec un tube supérieur de 600 mm et une potence de 90 mm, est idéale, même si vous mesurez 1,80 m ou plus, car ce VTT taille grand. Avant de partir, c’est le réglage des suspensions qui nous a pris du temps. Ce tout mou est délicat à mettre au point et le compromis difficile à trouver. Pour l’avant, ne vous fiez pas à l’étiquette collée sur le côté gauche de la fourche. Si vous suivez ces instructions, c’est une fourche de dirt qui s’offrira à vos bras. Mauvais choix d’autocollant… Il faut baisser d’au moins 20 psi la pression préconisée.

N’en déplaise aux purs et durs du rendement, une fourche doit être utilisée jusqu’au bout du débattement sur de gros impacts, sous peine de se révéler inutile. Même chose pour l’amortisseur Monach 2.1 : si vous optez pour 20% d’enfoncement, vous n’irez pas au bout de la course. Si vous montez jusqu’à 30%, vous irez au bout du débattement. Bref, munissez-vous de votre pompe haute pression pour les premières sorties histoire d’ajuster correctement les suspensions. A la suite de nos remarques, Pascal Tribotté nous a révélé que les tolérances des bagues qui supportent l’amortisseur étaient pile-poil à la cote et qu’il avait même fallu passer au papier de verre les axes pour enlever les quelques millièmes nuisibles au bon fonctionnement de l’ensemble. Contrepartie de ces frictions : on retarde le moment où les bagues prennent du jeu. Mais compte tenu de la rigidité des biellettes et du cadre, l’amortisseur ne vrille pas sous l’effort.

100 mm pour des amateurs confirmés

Durant l’essai de la version 160 mm de l’Engine Lab en janvier dernier (voir «Vélo Tout Terrain» n°XXX), nous étions restés scotchés par le rendement incroyable de l’engin. En 100 mm, c’est pareil, même si de sérieux clients l’attendent dans cette catégorie. Concrètement, il figure dans le Top 3 des VTT à haut rendement. Qui dit «haut rendement» dit souvent «confort spartiate». A ce niveau, le V8 rentre dans le rang. Rien à voir bien sûr avec un VTT rigide confortable. On passe beaucoup mieux en restant assis. L’Engine Lab garde le cap même dans le très cassant. Seulement, on sent très bien que l’amortisseur n’est pas au top sur les petits chocs. Il faut un long rodage des bagues pour améliorer la qualité d’amortissement. Dans les singles tortueux, il faut tenir compte de l’inertie de l’avant, qui s’engage tranquillement. Impossible de développer un pilotage 100% instinctif, il faut légèrement anticiper. Le moindre coup de pédale fait bondir le V8, sans la moindre perte de rendement. Toute l’énergie est restituée. Un petit plus qui donne vraiment l’impression de bénéficier d’un coup de boost. Assis ou en relance, debout sur les manivelles, rien ne vient gâcher le plaisir de cette accélération sans fin et on ne craint pas de laisser des plumes en déposant le concurrent ou le pote de course d’un jour. Voilà un compétiteur-né. Les 72° d’angle de selle permettent un pédalage bien au-dessus de la boîte de pédalier.

C’est un véritable avantage quand on ne possède pas la puissance musculaire d’un coureur pro du Tour de France. La vitesse moyenne est très élevée. Pas de gros effort pour le pilote. Enfin, presque. Les premières côtes arrivent et on s’aperçoit que ce n’est pas le dénivelé positif qui grèvera le temps. Mais nous touchons là les limites de l’accord conception de la suspension-amortisseur. En effet, si l’on trouve de la motricité en restant assis (malgré une propension à faire décoller la roue avant sur les forts dénivelés quand on ne reste pas en avant du bec de selle), on perd totalement l’accroche de la roue arrière en danseuse. Les descentes du Vexin ont révélé des qualités de dégringoleur rassurantes. Même s’il faut garder à l’esprit qu’après un saut, la chaîne est au point mort, d’où la relance avec un temps de décalage. Dépasser les 50 km/h en descente ne fait pas peur au V8. Il reste stable, même si le triangle avant n’est pas des plus rigides. Un petit guidon relevé et on bénéficierait d’un outil capable de gagner des secondes dans le négatif. Garantie de 5 ans, livraison avec une malle de transport géniale : voilà de quoi aller rider sur tous les terrains de la planète pour peu que le terrain ne soit pas trop défoncé. L’Engine Lab à la sauce cross-country a le potentiel pour faire trembler les cadors de la discipline, même s’il s’adresse à des pilotes tournés vers la compétition de par sa position et son amorti limité sur les petits chocs.