Cannondale Scalpel SE LTD Lefty : une petite bombe

La mode des Down-Country que nous annoncions il y a maintenant plusieurs années, prend aujourd’hui une dimension encore plus impressionnante. Chaque constructeur se doit d’en proposer un à son catalogue. Le dernier en date, le Cannondale Scalpel qui ne déroge pas à cette règle, avec cette version SE , dont les saveurs sont exaltées par cette fourche Lefty Ocho qui passe pour l’occasion en 120 mm.

DR. Benjamin Lacoste

Prix : 8 399 € | Poids : 11,30 kg taille M ; roues : 4,02 kg | Déb. av. : 120 mm | Déb. ar. : 120 mm

Pratique : plaine vallonné, Randonnée sportive, Trail agressif

Aujourd’hui, je vais vous parler du Cannondale Scalpel 2021, un modèle qui a reçu cette année une importante mise à jour de son châssis. Je pourrais vous en parler pendant des heures, notamment de cette zone de flexion dans les bases qui fonctionne comme un Horst Link, une cinématique qui n’a rien de révolutionnaire et que l’on retrouve chez de nombreuses marques. Mais ainsi, avec ce « Flex pivot », c’est bien plus important qu’il n’y paraît. Mais je vous l’ai déjà écrit en long et en travers il y a quelques mois dans le numéro 257. Il faut donc garder à l’esprit que sur un modèle de cross-country, le poids c’est l’ennemi. Alors quand il est décliné en plus en version Trail, ou Down-Country comme les hommes/femmes du marketing aiment à les appeler maintenant, cela prend tout son sens. Le surpoids lié à l’utilisation d’un point de pivot dans les bases n’est pas négligeable. C’est pourquoi la plupart des cadres XC utilisent un système de tirants flexibles. Placer le point de pivot dans les bases améliore le fonctionnement du système de suspension, notamment lors du freinage. Concrètement, avec un Horst Link, lorsque vous actionnez le frein arrière, la suspension ne va pas se figer, mais continue de travailler. Ce qui n’est pas le cas avec la majorité des suspensions monopivot classique à parallélogramme déformable. Du coup, je n’ai jamais compris pourquoi personne n’avait osé le faire avant (à part la première génération de Scalpel, mais le flex n’était pas placé aussi près du moyeu arrière, et n’avait pas le même objectif). Est-ce une question de brevet qui a poussé toutes les marques à jouer sur la flexion des haubans plutôt que des bases ? Pourtant le Horst Link est tombé dans le domaine public depuis pas mal de temps, au grand désespoir de Specialized (son propriétaire)… En tout cas une chose est certaine, avec ce nouveau Scalpel, Cannondale a réinventé le système Horst !

Aujourd’hui, celui qui nous a fait tourner la tête durant des centaines de kilomètres passés à son guidon, c’est le Scalpel SE, la déclinaison Down-Country de la version classique. Qu’est-ce qu’il faut comprendre par ce terme ? En fait, qu’il s’agit tout simplement du cadre du Scalpel, une bête de course XC, qui voit son débattement passer de 100 à 120 mm juste en modifiant la course de son amortisseur (190×40 mm sur les modèles XC et 190×45 mm sur le SE) et auquel on ajoute une fourche de 120 mm. C’est un petit résumé, mais qui ne doit pas cacher qu’à la base, la version XC du Scalpel est un vélo doté d’une excellente rigidité, de très bonnes performances et d’une excellente capacité à descendre. Autant vous dire que la prestance avec laquelle il le fait, donne tout simplement à cette version SE, un caractère encore plus brutal. Et sa fourche Lefty Ocho Carbon 120 n’y est pas pour rien.

Le saut de qualité dans les sentiments de sécurité et de plaisir de pilotage qu’apporte la Lefty Ocho 120 mm avec son touché de terrain, est juste incroyable. Cette fourche est injustement méconnue. Oui, elle est originale avec son concept monobras, mais sa sensibilité sur les chocs, sa progressivité et la rigidité dans les appuis qui s’en dégage sont telles, qu’elle nous laisse penser qu’elle fait pour au moins la moitié de notre ressenti positif sur ce vélo. Et que les autres déclinaisons du Scalpel SE, montées avec la RockShox SID seront loin d’égaler cette version… Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’avec l’angle de direction plus ouvert (il passe de 68 à 67 ° par rapport à la version XC), avec le pneu en 2.4″ de section sur la roue avant, et la tige de selle télescopique, on arrive à un contrôle optimal du vélo et une confiance décuplée en descente. La stabilité du train avant vient magnifier le parfait équilibre de rigidité en torsion du cadre. Une chose que j’ai déjà perçu lors de mon test du Scalpel XC mais qui ici, lui donne un côté plus versatile, que le côté tranché et viril de la version compétition. La connexion entre le triangle avant et le bras oscillant aide également à poser le vélo sur la bonne ligne dans chaque virage, à prendre les courbes avec plus de précision et à pédaler fort avec plus d’efficacité. Et quand vraiment tout ce paysage se referme, il suffit de jouer des jambes pour forcer le train arrière à enrouler la courbe, voir à le soulever pour le placer vers la sortie. C’est un jeu enivrant qui ne me lassera jamais tant il est facile. Pas besoin de débauche d’énergie, ou de taper dans ses réserves, tout se fait naturellement, sans implication démesurée de son pilote. La clé est certainement aussi lié à la position en selle, qui place le pilote de manière centrée, contrairement au Scalpel classique qui vous envoie un peu plus sur l’avant. Là, on y est confortable installé grâce à une potence de 60 mm, une douille relevée (105 mm sur ce taille M), et un angle de 75,5 ° effectif de tube de selle qui, bien qu’il ne soit pas le plus vertical du marché, place le pilote bien aligné avec le pédalier pour obtenir une prédisposition optimale à tourner les jambes. Bon, je ne vous cache pas que j’ai été obligé d’avancer la selle au maximum pour trouver ce réglage parfait, mais cela s’explique facilement : le cadre reste un Scalpel classique sur lequel on a mis une fourche plus haute devant, donc forcément le tube de selle recule. Il faut alors compenser en avançant la selle.

DR. Benjamin Lacoste

Le Cannondale Scalpel SE a une assez bonne efficacité de pédalage, mais les pourcentages anti-squat restent un peu en dessous de 100% et pour beaucoup de gens cela constitue une barrière qui fait un peu peur… Oui, en pratique, la suspension arrière fonctionne activement et génère un peu de pompage. Mais c’est la rançon pour avoir de la motricité et du confort de roulage (ce vélo est un Pullman, même s’il est en dessous du BH Lynx Race Evo). Vous pourrez toujours jouer de la commande de blocage de la suspension mais dans ce cas, pas de demi-mesure : c’est ouvert ou fermé. Et c’est là le principal défaut que j’ai à faire à ce vélo. J’aurais tellement aimé avoir un réglage intermédiaire, notamment sur la fourche qui oscille pas mal si l’on se met en danseuse. Par contre, que ce soit clair, le pompage de la suspension arrière se fait beaucoup moins ressentir au fur et à mesure que l’on monte les vitesses sur les grands pignons de la cassette. On sent carrément la suspension se durcir sur les premiers centimètres de sa course alors que l’ascension se fait plus forte et que l’on a besoin de plus de démultiplication à la pédale. Et sa cassette jusqu’à 52 dents fait merveille sur ce vélo, surtout si vous êtes un profil d’utilisateur qui entreprend les montées avec un peu plus de calme. Non, c’est vraiment sur le plat, lorsque l’on veut évoluer à grandes vitesses dans les longues allées que l’on ressent cet effet de pompage, quand la chaine est au plus bas. En même temps, c’est le propre de cette suspension Horst Link. Ce n’est pas pour rien si Specialized a inventé le Brain, qui vient compensé cet effet sur ses modèles de XC ! Mais rassurez-vous, j’aime ce vélo pour son dynamisme général et son fonctionnement, ce pour quoi il est vraiment fait : pédaler avec vivacité et réactivité, presque aussi bien que la version en 100 mm de débattement, mais surtout pour bien descendre. Et franchement, c’est le cas. Je suis complètement tombé amoureux de cette sensation de contrôle et d’absorption totale qu’il procure dans les sentiers rapides et techniques. Tout est prétexte à aller chercher les petits sauts, à bunny-upper partout où c’est possible. Ne soyez pas surpris à votre retour de ne pas trouver une trace gps linéaire, c’est normal, à son guidon vous passez votre temps à faire des tours et détours pour aller chercher la petite portion de terrain fun. Par contre, comme ce Scalpel SE est plus performant en descente, il serait bon que les freins accompagnent un peu plus ce trait, avec plus de puissance…

Pour résumer, ce Scalpel SE LTD Lefty n’est pas un haut de gamme aussi éblouissant que celui que peuvent proposer d’autres marques. Mais il offre un prix inférieur d’environ 2 000 euros à ses concurrents. Cependant, les sensations procurées par cette version SE LTD Lefty sont assurément celles d’un vélo de haut vol. Il s’agit là du modèle le plus intéressant de son segment, sans aucun doute, au point de détrôner le Specialized Epic Evo qui nous avait pourtant impressionné. Mais attention, notre modèle a un atout que les autres déclinaisons : c’est sa fourche Lefty Ocho et ça, ça change tout. Je suis convaincu qu’elle participe à plus de 50 % de ce coup de cœur que j’ai eu pour ce vélo. A bon entendeur !

Caractéristiques

GEOMETRIE : Taille : M – Tube supérieur : 590 mm – Tube de selle : 445 mm – Douille de direction : 105 mm – Angle de direction : 67 ° – Angle de tube de selle : 75,5 ° – Bases : 435 mm – Empattement total : 1158 mm – Hauteur de boîtier : 335 mm – Reach : 428 mm – Stack : 590 mm – FICHE TECHNIQUE : Tailles : S, M, L, XL – Modèle d’essai : M – Cadre : Carbone – Fourche : Lefty Ocho Carbon 120, déport de XX mm – Amortisseur : RockShox SID Luxe Ultimate – Freins : Sram Level TLM, ø180/160 mm – Dérailleur arrière : Sram XO1 Eagle – Pédalier : Truvativ Stylo C, 175 mm, 34 dents – Commande : Sram XO1 Eagle – Cassette : Sram XO1 Eagle, 10-52 dents – Roues : HollowGram 25 – Pneus : ar. : Maxxis Ardent Race Exo, 29×2.4 ; ar. : Maxxis Recon Exo, 29×2.35 – Potence : Cannondale 1 Alu, 60 mm – Cintre : Cannondale 1 Riser, 780 mm – Tige de selle : Cannondale DownLow, 125 mm, ø31,6 mm – Selle : Fabric Scoop Flat Race.

Distributeur : Cannondale, Contact : www.cannondale.com

Notes

Rendement : 4

Confort : 5

Maniabilité : 4,5

Stabilité : 4,5

Prix/Equipement : 4

TOTAL :17,6/20

On aime : La définition même du vélo à tout faire – Une fourche impressionnante de qualité – Le SE bonifie le Scalpel classique – Plein de détails pratiques (kit de réparation, outil intégré, serrage de roue à l’arrière rapide etc.)

On regrette : Pas de réglages intermédiaires de la compression des suspensions – La Lefty uniquement disponible sur le haut de gamme – Amortisseur limité pour le programme (manque d’hydraulique)