« Tu fais quoi du 23 au 26 mai prochains ? Une course d’enduro par équipe avec ton chef, ça te dit ? Mais attention, deux règles : la première c’est qu’on devra rouler ensemble, la deuxième, t’as un sac de couchage ? Sinon trouve-en un… » Voilà en substance comment Benjamin Lacoste, mon chef, m’a invité à partager Biivouac avec lui. Evidemment que je suis dispo !
Une configuration qui inquiète autant qu’elle existe par le côté retour en enfance et colonie de vacances qu’elle évoque. On fera avec. Tout le monde est à bloc ! Les vélos sont soigneusement chargés par les bénévoles du club VTT de Millau venus prêter main forte dans une organisation où la logistique est la clef de voûte. Bus et camion sont prêts, direction la Bresse et son gîte aussi isolé qu’authentique. Authentique, un mot qui risque de revenir souvent. Tout le monde s’extasie de traverser des hameaux de pierres sortis d’un autre temps. Ici pas de fioritures, on construisait solide avec toitures en lauzes et murs d’un mètre d’épaisseur. Pourtant campagnard d’origine, je ne peux m’empêcher d’être touché par ce mélange de puissance et de simplicité. Des Suisses vraisemblablement également très heureux d’être là commencent par fêter leur présence à grand renfort d’un breuvage qui pourra aussi leur servir de désinfectant en cas de chute… L’ambiance est là, aucun doute. En arrivant sur le site, on découvre nos « maisons » pour les trois prochaines nuits. Impeccablement rangées, alignées, et là on réalise un peu plus le travail qui attend l’équipe organisatrice et ses bénévoles. Quel chantier, soixante-dix tentes et matelas à plier et dégonfler, charger, acheminer puis remonter et regonfler, sans parler du sac énorme que chacun d’entre nous a avec lui.
Bonne ambiance au camp
On prend nos quartiers en mode Tetris afin de faire rentrer binôme et équipements (hors vélos bien sûr). Contre toute attente, ça passe ! Cette promiscuité avec mon chef que je découvre sous un nouveau jour, en pyjama, m’éclate déjà largement plus qu’elle ne me dérange. Après avoir partagé un premier repas et briefing au sein de notre nouvelle communauté dans une immense salle voûtée, on rejoint nos sacs de couchage, neufs ou pas, sur fond d’inquiétude quant à leur capacité à nous tenir chaud, ou pas, parce que dehors, ça caille vraiment ! Pas de guitare au coin du feu, mais un Thomas Lapeyrie qui nous fait profiter de sa passion pour l’harmonica. Dans la nuit quelques gouttes inquiétantes tapent sur nos frêles chaumières. Au réveil, ça ne traîne pas pour s’habiller et rejoindre le petit dej’. Le temps reste la principale source d’inquiétude, mais l’impatience de prendre enfin le premier départ en liaison vers la SP1 domine largement. » Chef, on y va ? » Premiers tours de roues, cette fois, Biivouac, c’est bel et bien parti !
Un grand moment de VTT
Gregory Noce, traceur du parcours, nous attend au départ de la SP1. Un décor à couper le souffle parsemé de dolomites et autres roches ruiniformes atteignant cinquante mètres de hauteur, loin de tout, comme théâtre du premier chrono, contribue à faire grimper la pression d’un cran. Une spéciale marquée par la traversée d’une d’entre elles, la bien nommée Roche Percée. Contrairement aux apparences, on n’est pas là pour faire du tourisme : en tête, j’annonce les difficultés à Benj, un peu comme un poisson pilote voire un chien d’aveugle, ça dépend des passages… mais l’intensité est là et la découverte du roulage en équipe de deux apporte incontestablement quelque chose de plus. Toutes plus belles les unes que les autres, les quatre spéciales autant que les liaisons de cette première journée apportent une diversité et une qualité de roulage vraiment exception-nelles. Il fallait aimer les épingles, chez Vélo Tout Terrain on a adoré ! Devant ça bagarre dur entre les grosses écuries, mais tout le monde rejoint le Rozier, magnifique petite commune chargée d’histoire, le sourire accroché aux lèvres. Là c’est un maire on ne peut plus sympathique et heureux de cette invasion de vététistes qui nous accueille avec un apéro. Une nouvelle fois l’ambiance est là, notamment lorsque Greg annonce les classements du jour de toutes les équipes, les unes après les autres. Nous rejoignons enfin nos tentes installées par la dream team sur les bords de la Jonte pour une deuxième nuitée. Entre temps certains auront fait un passage sur l’atelier Mavic, partenaire et support technique itinérant précieux de l’épreuve. Il n’aura pas fait très chaud une fois de plus cette nuit-là, mais de l’avis général, la fatigue a joué un rôle décisif et le sommeil fut lourd.
J 2
Jour deux, gros morceau. Quelques averses nocturnes vont contraindre à passer de quatre à trois spéciales le programme de la journée. En attendant, on attaque par une liaison vélo qui nous fait faire un bon de 500 m de dénivelé. Parti sous quelques lucarnes de soleil, le sommet fête notre arrivée avec bourrasques de neige et pluie froide. Heureusement on ne va pas attendre longtemps, le chrono est en place. Tout le monde est volontaire pour s’élancer au plus vite, quitte à sécher les branches pour les suivants. Entrée en matière épique et ponctuée par une liaison limite trialisante sur des rochers particulièrement glissants. Navette et SP2. Ce coup-là c’est un tracé rapide en haut et sinueux en bas qui nous attend. Moins technique en apparence, il sera plébiscité par l’ensemble des participants parce que, quel que soit leur niveau, il aura permis de vivre ces sensations que nous cherchons tous avec de la vitesse et de la glisse, mais sans la crainte de se faire mal. Du très lourd, c’est ce que la fin de journée nous réserve. Après un portage d’anthologie pour rejoindre la chapelle Saint Jean des Balmes, Greg nous réserve quelques surprises. Glissant et très techniques avec quelques virages réservés aux audacieux, le reste de la journée aura été, dans son genre, un sacré moment de VTT. On n’aura pas été assez de deux pour se prévenir des difficultés et s’en sortir… Moins chanceux, les BMC devront lâcher quelques précieuses minutes après avoir laissé une patte de dérailleur dans un rocher. C’est la course…
Un troupeau de chevaux, des tipis, une salle propice aux effusions de joie et un aligot pur cru pour le repas nous attendent au soir de cette troisième et dernière nuit en tente. Le vent accentue la sensation de froid autant qu’il libère le ciel et on se réchauffe en pensant à une hypothétique véritable journée ensoleillée à venir. En attendant, même si au petit matin ça semble être le cas, on est saisi par un froid intense et les images de l’épais givre qui recouvre les vélos. Qu’importe, tout le monde est bien décidé à profiter de cette dernière journée « en amoureux » et de jouer à fond ses chances de remonter au classement. Les couples que nous sommes presque devenus après tant de proximité partent pour les premiers coups de pédales de la liaison une. Quarante minutes pour se chauffer et refaire la course, spéciale après spéciale. C’est parti pour la première des trois spéciales du jour. Rapide mais étroite avec quelques bons pièges lorsqu’on roule à vue, elle nous permet de rallier le petit village de Trève sur les bords du Trévezel, où tout est concentré aujourd’hui. Première navette pour rallier la SP2 et toujours ce ballet de vélos qui vole des pilotes aux camions et des camions au bord de route où ils attendent patiemment d’être récupérés à nouveau. Du pur bonheur que cette SP2 ! Les équipes sont rodées, le roulage par paire est de plus en plus naturel et instinctif. On entend des hurlements de joie et de frayeur qui donnent une intensité encore plus grande à l’adrénaline du chrono. Allongés torse nu sur les bords de la rivière, le repas est un vrai bon moment de détente où perle déjà la nostalgie d’une fin imminente. Avant ça, le bouquet final… La dernière spéciale qui sera bouclée en à peine moins de treize minutes pour les premiers aura effectivement des allures de feu d’artifice. L’enduro par définition, voilà ce qu’elle a été. Une succession de passages dont la difficulté sans cesse croissante finira de vider les organismes et remplir les esprits de moments forts en sensations. Un niveau très élevé de pratique requis pour être à l’aise ou simplement tout passer sur sa machine, ce que bien peu ont réussi. Qu’importe, le partage est total, la complicité absolue. Biivouac aura aussi et surtout été une occasion unique à des individuels de communier sous une seule et même religion : le VTT dans ce qu’il a de plus authentique.
Rendez-vous l’année prochaine
C’est finalement les Scott Boys avec Théo Gali et Thomas Lapeyrie le joueur d’harmonica qui raflent la mise devant les frères Giant et les BMC ex aequo, mais au moment de la remise des prix, le classement a presque été secondaire. Outre le podium, on retiendra l’ovation réservée aux bénévoles, à Alice, Quentin, mais aussi Jean-Baptiste, co-organisateur, guide pour Orientation Nature et surtout celle destinée à Greg, traceur de talent qui s’est investi pour faire de cette première édition de Biivouac un grand moment de VTT.A l’année prochaine (avec un autre duvet)…