Rencontre : Pierre Alain Renfer, le créateur de rêves

Pierre Alain Renfer est un homme plutôt discret dans le milieu du VTT. Pourtant, il a sacrément roulé sa bosse aux quatre coins du monde. Rencontre avec un créateur de rêves…

VTT : Et avec le VTT revient l’esprit de la compétition. On est en 1986…
P.-A.R. : Ce n’était pas vraiment l’esprit de compétition, plutôt l’envie de découvrir la montagne avec des gens hyper cool. C’est comme ça que je me suis retrouvé sur le Rallye de Mongenèvre ou encore sur le 2e Trophée des Alpes. Je roulais avec des gars qui n’étaient pas pressés de partir au turbin le lundi matin. C’est en fait là que j’ai pris conscience qu’il ne pouvait pas y avoir que la maxime «boulot, vélo, dodo !»…

VTT : Vous rencontrez alors Jacques Devi qui va marquer votre esprit…
P.-A.R. : Jacques Devi, c’est un mec en avance sur son temps que j’ai beaucoup admiré. Pour son aisance technique, ses descentes de pierriers…

VTT : Quand vous le voyez s’aligner à la Mégavalanche de L’Alpe-d’Huez en 2006, cela doit vous amuser ?
P.-A.R. : Oui mais j’éprouve surtout beaucoup de respect. Surtout quand on pense à sa performance.

VTT : En 1989, vous devenez moniteur FFC et commencez à gagner votre vie avec le vélo…
P.-A.R. : Exact. Mes potes cherchaient des contrats pour vivre du VTT mais aussi pour faire de la compétition. Je pense avoir été le premier à gagner ma vie en faisant partager à des touristes les joies du mountain bike ! Avec les plus belles destinations. Je travaillais aussi en effet pour CIS (ndlr : Club Intersports), un tour opérateur suisse. Je proposais des circuits dans des destinations de rêve, en Espagne (Costa Brava, îles Canaries, Fuerteventura, Lanzarote, Tenerife, les Baléares, Mallorca, Ibiza), en Italie, autour du lac de Garde, en Sicile – très similaire au Maroc par le mode de vie – et enfin en Suisse, bien sûr, avec son Jura et le Valais.

Faire du VTT au Canada, c’est comme rouler en Suisse mais en grande dimension. Au Maroc, à chaque virage, vous découvrez un paysage différent

VTT : Tout cela vous mène au Maroc…
P.-A.R. : J’avais participé à un raid dans le Sud marocain, le Rallye des moniteurs, avec Frank Garcin, les frères Hosotte et Catherine Freychet qui bossait pour un magazine de VTT. Je suis resté ébloui par ces paysages et l’accueil des Marocains. Quand CIS a ouvert un centre à Marrakech, je ne me suis pas fait prier…

VTT : Et là, catastrophe : le jeune papa de deux jumeaux que vous êtes apprend que votre commanditaire de circuits arrête tout…
P.-A.R. : Pour des raisons économiques, CIS a été racheté par Kuoni. Changement d’orientations, plus de projets avec la Fédé… C’était le moment de se lancer.

VTT : Vous créez alors Action Sport Loisirs…
P.-A.R. : Début 1997. Au fond de moi, je voulais voler de mes propres ailes mais je ne me sentais pas prêt. Là, j’ai fait le grand saut. Je suis parti de zéro, sans aucune aide à part la confiance de M. Bennabes, directeur et co-propriétaire de l’hôtel Tikida Garden qui abritait toujours ma base. Au début, Action Sport Loisirs m’a permis de survivre avec diverses activités : logistique de séjours golfiques, programme team building sur des opérations intensives, stages de tennis, raids 4×4 dans le désert par la suite, etc.

VTT : Vous rencontrez alors George Edwards, le créateur des Avalanch’Cup…
P.-A.R. : Nous nous se connaissions de loin. Un jour, sur le Net, j’ai appris qu’il avait un projet de Mégavalache «chez moi», au Maroc. Nous nous sommes rencontrés, on a roulé sur mon projet de parcours mais la Méga n’a jamais eu lieu. Aucune fédération marocaine n’avait les moyens d’assurer la logistique, surtout la sécurité. En revanche, cet épisode a marqué mon «retour» dans le vif de la scène VTT.

VTT : Vous faites une rencontre surprenante avec Frédéric Glo, de Tribe Sport Group…
P.-A.R. : A cette époque, vu du Maroc, la tendance freeride me semblait relever davantage de la frime qu’autre chose. Là, à ma grosse surprise et contre toute attente, j’ai retrouvé des gars qui prenaient tout simplement plaisir à rouler là où personne n’allait. Des endroits où l’on prend le temps d’écouter les oiseaux chanter… C’était super, nous étions sur la même longueur d’ondes. Ce que j’apprécie, c’est que son esprit n’a pas changé.

VTT : En 2000, vous participez au tracé du Marrakech Trophy…
P.-A.R. : Le Marrakech Trophy, c’est le bébé de Françoise Chanteloup (ndlr : de l’agence Escapades, maman de Sophie qui a depuis repris le flambeau). Elle est venue me chercher un jour pour tracer le premier Marrakech Trophy. Une belle rencontre. Le Marrakech Trophy est un superbe évènement. ça permet de découvrir le Maroc dont les bikers rêvent. Le problème, c’est que ce rendez-vous devrait être soutenu par l’Office marocain du tourisme et qu’il n’en est rien…

VTT : C’est là aussi que vous croisz Lionel Macaluso d’Offroad…
P.-A.R. : Une belle amitié est née puisqu’il a participé à la mise au jour de cette destination. Il m’a fait rencontrer Christophe Morera, alias «Dangerous Momo», qui a débarqué au Maroc avec ses p’tits gars. Il en est ressorti une grande campagne dans les médias : reportage photo dans plusieurs magazines comme «Newlook», des images diffusées sur Ushuaia TV et reprises par la télé marocaine… La destination Maroc était lancée. Aujourd’hui, le Marrakech Trophy a le label Offroad, il est reconnu pour sa qualité.

VTT : Mais la galère est toujours là…
P.-A.R. : C’est vrai. Je sens que ça peut décoller mais c’est dur. Marrakech n’a pas encore la cote et moi, je n’ai pas de moyens pour communiquer. Des potes en Suisse vont faire le max pour m’envoyer leurs amis. Doucement, ça devrait démarrer. Et puis je commence à avoir de superbes articles via le Marrakech Trophy. Grâce, aussi, à un partenariat avec Greg de Camino (ndlr. : Camino est une société qui organise des trips d’enduro. Internet : www.caminobike.com). Il sent le potentiel et sait l’exploiter.

VTT : Vous avez signé un partenariat avec Kona pour créer un centre de tests au Maroc depuis deux ans. Est-ce suffisant pour donner envie aux vététistes français d’aller rouler sur les plus beaux sentiers du monde ?
P.-A.R. : C’est gentil de dire qu’on a les plus beaux sentiers du monde car vous n’avez pas encore tout vu… Pour donner envie, il faut des reportages avec de belles photos et des textes qui font rêver. ça, c’est à vous de le faire partager ! Pour revenir sur Kona, c’est une belle expérience et en plus, c’est international. Lors de la présentation du nouveau Kona Dawg, il y a maintenant plus d’un an, toute la presse internationale a pu découvrir notre terrain de jeu. Voilà un beau moyen de faire parler de nous. Avec Kona, il y a de la passion et pas de prises de tête. Bref, c’est cool.

VTT : Et l’avenir ?
P.-A.R. : L’avenir, c’est s’agrandir mais surtout continuer de rouler avec des clients qui sont en fait devenus des amis. Engager des guides passionnés. J’aimerais aussi faire quelque chose pour la jeunesse marocaine, une sorte d’école de VTT, et puis revaloriser le métier de mécano vélo. Faire de la formation. On a des projets avec Kona. J’ai envie de rester le plus longtemps possible dans ce milieu du vélo qui m’a tant donné. J’y ai gagné des valeurs humaines et des amitiés profondes au fil de mes aventures.