Specialized Camber : Crosseur dévergondé

Le succès du Camber en France est indéniable. Alors, autant vous dire que la nouvelle mouture était attendue comme le loup blanc, surtout depuis la mise à jour du Stumpjumper. Les crosseurs de l’extrême, et pas seulement, ne vont pas être déçus !

Specialized Camber (1)
DR B. LAcoste

[Htab][tab title=”PRIX”]9999€[/tab][tab title=”POIDS”]11,77 kg en taille L[/tab][tab title=”DEBATTEMENT”]Déb. av. :120 mm | Déb. ar. : 120 mm[/tab][tab title=”USAGE”]Compétition, rando-sport, vallonné, montagne.[/tab][/Htab]

Changer un modèle qui rencontre un vrai succès dans l’hexagone est toujours un pari risqué. C’est le défi qui a pourtant été fixé aux ingénieurs de Morgan Hill, cité de la maison mère de Specialized. Il faut dire qu’avec l’arrivée du nouveau Stumpjumper, testé le mois dernier (Vélo Tout Terrain n°198), et qui a enfin retrouvé sa position dans la hiérarchie de la gamme américaine, position qu’avait habilement été compensée par le Camber depuis presque trois ans, le 120 mm de la gamme avait du souci à se faire. On peut vous le dire tout de suite, le défi a été non seulement relevé, mais en plus le résultat est très intéressant. En effet, non content de plaire aux actuels propriétaires de Camber, ce nouvel opus devrait même attirer les adeptes de l’Epic, le crosseur de la gamme. Comment ? On vous dit tout.

Une recette bien ficelée

Pour obtenir ce Camber 2016, l’idée a été simple : jouer sur le succès de la géométrie Evo proposée l’année dernière sur le Camber, et lui apporter une touche de cross-country avec une suspension arrière qui soit capable de se figer automatiquement lorsqu’elle n’a pas besoin d’amortir. Si vous suivez un peu la marque Specialized, vous voyez où je veux en venir. Pour la géométrie, c’est clair : l’angle avant s’ouvre (68,5° contre 69° en Evo et 70° en classique), les bases se raccourcissent (437 contre 450 mm), la boîte de pédalier s’abaisse (330 mm contre 335 sur la version classique). Autant vous dire qu’à 1° près sur la direction, on est quasiment comme sur le nouveau Stumpy’. Miam, miam !

Pour la suspension, et bien c’est l’arrivée du Brain sur le Camber ! Oh mais pas le Brain que l’on connaît sur l’Epic, une version plus adoucie, afin de mieux coller aux ambitions polyvalentes d’usage du Camber. Petit rappel sur le Brain : il s’agit d’un petit piston logé dans une bonbonne d’huile reliée à l’amortisseur. Cette bonbonne est placée proche du moyeu arrière et à un certain degré (ici 65°) pour être au plus proche du point d’attaque lorsque la roue arrière rencontre un obstacle, et agir en conséquence. Pour simplifier, disons que lorsque la roue ne rencontre pas d’obstacle, le piston ferme le circuit hydraulique, la suspension est donc bloquée. Dès qu’elle entre en contact avec une pierre, ou une déformation du terrain, le piston se met en action, et libère l’huile, permettant ainsi à l’amortisseur de se mettre en mouvement pour absorber le choc. Vous suivez toujours ? Bon. Sur l’Epic, le système est comment dire… peu réactif, et quand il se déclenche il vous le fait bien savoir. Les purs crosseurs adorent parce qu’ils retrouvent un peu l’époque où ils roulaient en semi-rigide. Ici, heureusement rien de tout ça. En effet, le Brain a été recalibré pour un usage plus confortable. Concrètement, sur les premiers 20% du débattement, c’est-à-dire ce qui correspond en gros à la précontrainte de l’amortisseur, le Brain est libre. Ensuite seulement, il entre en action. Ça laisse donc la suspension active sur les petits chocs, tandis qu’en côte, assis sur la selle, vous obtenez une vraie bonne motricité et toujours du confort. En fait, Specialized reprend la recette déjà éprouvée en 2006 sur les fourches Fox X TrailTune. Et ça fonctionne. Mieux, la transition fermé/ouvert est quasiment imperceptible. Enfin ! Pour arriver à ce résultat, les ingénieurs ont tout simplement revu le système du Brain et adjoint la fameuse Spike Valve (gestion de la compression haute vitesse) dans l’amortisseur, que l’on retrouve aussi sur les fourches RockShox que Specialized revisite pour l’occasion. La RS-1 qui trône sur notre S-Works de test ne fait pas exception.

Des solutions techniques du Stumpjumper

Specialized Camber (3)On ne va pas vous le cacher, une solution technique qui coûte cher à mettre en œuvre doit être rentabilisée. Donc pas de surprise lorsque l’on découvre que le Camber avec son cadre carbone reprend le concept déjà vu sur le nouveau Stumpjumper de la Smart Box dans son tube diagonal (Vélo Tout Terrain n°198) avec également le passage des gaines dans un canal dédié réalisé lors du moulage du tube (pas de pièce ajoutée). Ici aussi, pas de fixation classique du dérailleur avant. Le cadre a été optimisé pour le 1×11 (tous les Camber carbone). Pour passer en double (Camber alu et Camber comp alu), le cadre utilise une patte rapportée, la Taco Blade, pour fixer le dérailleur avant.

Pédale comme un XC, descend comme un enduro

Ce qui est sûr avec ce Camber, c’est qu’il ne déroge pas à la règle des Specialized : à peine posé dessus que l’on est chez soi. Toutes les commandes tombent sous la main, et même si la nouvelle tige de selle Command Post IRCC aux multiples positions de hauteur, offre beaucoup de déport arrière, il est tout à fait possible de centrer la selle plus en avant pour obtenir une position de pédalage encore plus optimum. Les premiers tours de roue sont l’occasion de tester ce fameux Trail-Brain (Position-Sensitive Mini Brain, de son vrai nom) disposant de cinq réglages de sensibilité. Depuis la position ouverte + 1 clic, on est sur un usage plutôt descendant avec quelques relances. Ouverte + deux clics, on est typiquement sur un multi-usage, et c’est d’ailleurs là que l’on a trouvé le meilleur comportement dans les relances (pompage très bien contenu), et dans les côtes où la motricité et le grip sont vraiment au rendez-vous. On se trouve alors avec la sensation de piloter un crosseur, certes avec 120 mm de débattement à chaque extrémité, mais qui agit comme tel. Le Camber offre ainsi plus de sensibilité sur les chocs, ce qui le rend moins fatigant que l’Epic. Au-delà de ce réglage (il vous reste deux clics encore), malgré l’assouplissement de début de course, le Brain est trop présent et on se rapproche alors un peu trop de l’Epic, même si ici la transition ouvert/fermé est beaucoup mieux gérée (comprendre quasiment indolore). Notez que l’on s’est amusé dans une bonne longue descente parsemée de pierres et autres racines rendues glissantes par la pluie, à le rouler en position la plus ferme. Outre la réactivité décuplée du vélo au pédalage et aux changements de trajectoires, il est bon de noter qu’il n’est pas pour autant piégeux (pas de coup de raquette par exemple). La clause de sauvegarde de l’amortisseur qui est désormais équipé de la Spike Valve, fonctionne plutôt bien et s’ouvre suffisamment rapidement pour ne pas gérer de comportements parasites. Vous vous posez certainement la question de pourquoi ne pas l’utiliser tout ouvert ? Parce que l’on retrouve les travers de la suspension FSR avec un vélo qui manque de réactivité dans les changements d’appuis ou sur les relances, et une once de pompage.

 Le Camber a un atout en France, sa saga est un véritable succès. Bonne nouvelle, cette nouvelle mouture devrait encore attirer de nouveaux aficionados.

Specialized Camber (2)S’il excelle en relance, sur le plat ou dans les côtes où la motricité est au rendez-vous, un vrai crosseur on vous dit, en descente, le Camber se transforme en un mini enduro. Franchement, on retrouve quasiment l’aisance dynamique du nouveau Stumpjumper. Difficile d’avoir peur à son guidon tant il semble facile partout. L’avant du vélo offre une stabilité qui met en confiance. Ok ça chahute un peu plus que sur le Stumpy’, mais c’est juste une question de débattement car le reste du vélo est ultra-maniable, vif dans les changements d’appuis et saute comme un cabri. Les 68,5° (en statique) associés à la hauteur de boîtier de pédalier, qui est un brillant compromis pour obtenir de la stabilité sans avoir les pédales qui viennent au contact avec le sol pour un oui ou pour un non, rassure plus que jamais. Un mot sur la fourche RockShox équipée de la cartouche revue pas Specialized (avec la Spike valve). Première chose, elle est un peu plus dure en déclenchement (et se passe du blocage livré sur les RS-1 standard) et perd son côté nivellement du terrain, ce qui peut expliquer aussi (voir plus loin) qu’elle perde en précision (plus une fourche inversée s’enfonce, plus elle est rigide). Le réglage de la compression via le levier sur le haut de la fourche est inefficace jusque la moitié du réglage. Après on sent réellement son effet. En tout cas, force est de constater qu’elle acquiert un comportement bien plus crosseur ainsi, tout en conservant cette capacité à encaisser les gros chocs de manière magistrale, et en gardant son assiette.

Prenez l’esprit de la géométrie du nouveau Stumpjumper, associez-le avec une bonne dose de suspension à la manière de l’Epic, et vous voilà avec un Camber à la personnalité affirmée.

Toutes ses éloges ne doivent pas pour autant mettre un voile sur les choses qui fâchent. La première, la couronne de 28 dents à l’avant est certes parfaite pour qui roule uniquement en altitude, mais est franchement trop démultipliée pour un usage polyvalent. Et puis, elle induit un peu de tension dans la chaîne. Un 30 dents, voire un 32 dents aurait été plus à propos. Un autre point concerne le dégagement arrière pour le pneu. S’il est parfait pour le sec, dans le gras bien collant, il est fort à parier que la boue va rapidement stopper vos élans de gagneur. On peut aussi ajouter le flou dans le train avant. Difficile de dire s’il provient de la fourche ou de la roue avant qui aurait mérité d’avoir des rayons plus tendus (ou plus nombreux). Reste le prix. Le Camber s’offrait déjà pour une belle somme. Si l’on se base sur les prix 2015 du Camber Comp, il fallait s’acquitter de la somme de 2 199 € pour la version de base en alu et 3199 € pour la version d’entrée de gamme carbone. Pour les gammes 2016, les marques répercutent la parité euro/dollar qui n’est plus à notre avantage. Cette fois, les prix flambent. Ainsi un Camber Comp passe à 2 499 €, tandis que le Camber Comp Carbon demandera 4 299 € (attention, le cadre coûte aussi plus cher à faire avec la Smart Box). Au-dessus, le Camber Expert Carbon (triangle avant en carbone Fact 9M, et arrière en alu M5) prend de l’altitude : 6 499 €. Enfin le Camber S-Works réalisé en carbone Fact 11M, trône sur les sommets : 9 999 €. Pas glop !

D’avis général durant ces deux jours de roulage, les freins Shimano XTR 2016 ne sont pas à la hauteur de leur image. Le feeling au levier n’est pas bon, on ne sait jamais quand on arrive au point de contact avec le disque, mais pire encore, ils sont complètement linéaires sans offrir une réelle puissance. Peut-être un problème que l’on pourrait compenser avec des plaquettes moins dures. En tout cas, cela n’empêchera pas la nécessité de les repurger avec précaution car nombre des freins présents sur notre galop d’essai étaient à refaire… Autrement, le plateau de 28 dents, s’il est un allié indéniable dans les côtes sévère, il est un peu court dans la pente. Un 30 dents serait certainement plus approprié pour un usage cross-country/trail.

Multi-formats

Les Camber seront proposés en roues de 29” mais seront également déclinés en roues de 27.5”. Les débattements sont poussés à 130 mm tandis que l’empattement est logiquement cantonné à 1 119 mm. Les bases évidemment sont plus courtes, 420 mm pour une hauteur de boîtier assez similaire (335 mm). L’angle de selle reste à 75° et la direction à un 68°. Notez cependant que le vélo disposera d’un tube supérieur un peu plus court que sur le 29”. Maintenant quid du 6Fattie (27.5+) ? Alors que dès la présentation du Stumpjumper FSR, Specialized a bien mis l’accès sur cette déclinaison dont vous pourrez lire le test le mois prochain, ici, la marque ne s’est pas étendue. Mais une surprise est toujours possible.

Enfin, sachez que tous les Camber ne disposeront pas de l’amortisseur Brain Trail. Ainsi, le Comp Carbon, le Comp Alu et le Camber alu de base, en sont dépourvus. A ceux-là, les ingénieurs maison ont défini des réglages spécifiques de l’amortisseur pour s’en rapprocher.

Caractéristiques

FICHE TECHNIQUE : Tailles : S, M, L, XL – Modèle d’essai : M – Amortisseur : Fox/Specialized – Fourche : RockShox/Specialized RS-1 29 – Freins : Shimano XTR, ø200/180 mm – Dérailleur arrière : Sram XX1 – Dérailleur avant: – Pédalier : S-Works, 28 dts – Commandes : Sram XX1 – Cassette : Sram XX1, 10/42 – Roues : Roval Traverse SL 29 – Pneus : av. : Specialized Purgatory Control , 29×2.3 ; ar. : Specialized Ground Control, 29×2.3 – Potence : Syntace F109, 60 mm – Cintre : Specialized Fact Carbon, 750 mm – Tige de selle : Command Post IRcc, ø30.9 mm – Selle : BG Henge Expert 143 – GEOMETRIE : Taille essayée : M – Tube Supérieur : 590 mm – Tube de selle : 430 mm – Angle de direction : 68,5° – Angle de tube de selle : 75° – Bases : 437 mm – Empattement total : 1 135 mm – Hauteur de boitier : 330 mm.

RENDEMENT [star rating=”4″]
CONFORT [star rating=”4.5″]
MANIABILITE [star rating=”4.5″]
STABILITE [star rating=”4.5″]
PRIX/EQUIPEMENT [star rating=”4″]

[quote] On aime : VTT à double visage • Géométrie idéale • Comportement de la suspension arrière
On regrette :Freinage Shimano XTR (voir encadré) • Tarif très exclusif • Plateau en 28 dents [/quote]