Ibis Mojo HD3 Vs Pivot Mach 6 : faux semblants

Chez Vélo Tout Terrain, on n’est pas du genre à s’emballer sur le prix des vélos. Mais pour une fois, on s’est lâchés et on a mis à l’épreuve deux machines d’exception taillées pour rouler à la montagne. Le Ibis Mojo HD3 et le Pivot Mach 6 sont tous les deux développés aux Etats-Unis autour de la même cinématique : le DW Link de Dave Weagle. Ces deux frères ennemis ont pour eux d’être aussi bien grimpeur que descendeur. C’est ce qu’on a voulu vérifier sur les superbes sentiers de San Luis Obispo en Californie !

[Htab][tab title=”PRIX”]8390€ (Fox 36) et 6899€[/tab][tab title=”POIDS”]12,52 kg et 12.61kg sans pédales en taille M[/tab][tab title=”DEBATTEMENT”]Déb. av. : 160 mm | Déb. ar. : 152 mm[/tab][tab title=”USAGE”]Compétition, rando-sport, vallonné, montagne.[/tab][/Htab]

Avec le Ibis Mojo HD3 et le Pivot Mach 6, nous sommes face à deux VTT hybrides. A mi-chemin entre les catégories trail et enduro, ils sont tous les deux conçus autour du système DW Link. Pensée il y a une dizaine d’années par Dave Weagle, cette cinématique a pour elle d’offrir d’excellentes prestations lorsqu’il s’agit de pédaler. Le système est en effet réputé pour son anti-pompage et sa traction de folie. Les deux châssis ici présents disposent d’une fabrication en carbone et d’un débattement arrière de 152 mm (6 pouces).

Un Mojo tout nouveau !

Ibis Mojo HD3 (1)Pour 2015, le Ibis Mojo fait peau neuve. Si la ligne globale reste dans l’esprit Mojo, le cadre est bel et bien entièrement revu. La taille de roues d’abord, elle est désormais fixée à 27.5’’. Exit l’option 26/27.5’’ du modèle HDR, Ibis simplifie les choses, et c’est tant mieux. La géométrie du HD3 est forcément nouvelle elle aussi. On peut dire que la marque prend la mesure des tendances actuelles. En effet les Américains ont allongé le tube supérieur de ce nouveau Mojo de 20 mm. Sans tomber dans l’excès de certaines montures d’enduro compétition, on obtient désormais une longueur réelle de triangle avant (Reach) bien plus en phase avec les potences courtes présentes sur nos VTT modernes. Néanmoins le Mojo reste une machine ultra-compacte, avec un empattement parmi les plus courts de sa catégorie. Toujours au niveau du triangle avant, Ibis a réussi à faire de la place, notamment en adoptant un roulement de direction bas semi-intégré. L’espace supplémentaire entre les tubes supérieurs et inférieurs, au niveau de la douille de direction, permet de rigidifier l’ensemble. Au passage, on peut enfin installer un porte-bidon à l’intérieur du cadre. Les angles de direction et de tube de selle sont eux aussi repensés. L’assise se redresse, là où la direction s’ouvre. Ce dernier point est d’autant plus vrai une fois la dernière Fox 36 installée sur le vélo. La cinématique DW Link est elle aussi optimisée. Ibis a revu à la hausse la sensibilité du Mojo, tout en conservant la courbe d’amortissement linéaire qui caractérise le vélo. Par ailleurs, les biellettes du HD3 sont revues. Plus légères, elles disposent de nouveaux roulements à contacts angulaires, censés augmenter la rigidité. Le cadre du HD3 s’annonce ainsi à 2,7 kg en taille L avec amortisseur. Le montage est au standing du châssis. On retrouve un amortisseur Cane Creek DB Inline réglable sur de nombreuses voies, les roues Ibis 741 ultra-larges (à retrouver en détail dans ce même numéro), ou encore la version mécanique du dernier Shimano XTR. La fourche Fox 36 de série a été troquée pour cet essai par une X-Fusion Sweep disposant de la nouvelle cartouche hydraulique Roughcut HLR.

Pivot, le souci du détail

Pivot_Action_1Chris Cocalis, le fondateur de Pivot Cycles, a le souci du détail. Le Mach 6 en est l’exemple parfait et démontre un souci du détail qui ne se voit pas forcément au premier coup d’œil, mais qui fait la différence. Ce qui est important sur un carbone, c’est la beauté intérieure ! Entendez par là qu’il est plutôt facile de produire un carbone qui présente bien. Mais ce qui fait sa qualité intrinsèque, c’est la constance et la précision de son process de fabrication. Au lieu d’utiliser des “traditionnelles” vessies en plastique ou en latex préformées pour mouler le cadre, Pivot a développé son propre procédé de fabrication baptisé Hollow Core. Il consiste à utiliser des structures internes dures au moment de la superposition des couches de carbone et du moulage du cadre. Tout cela dans le but d’obtenir une surface interne du cadre parfaitement constante, lisse et propre… sans imperfection pour un contrôle parfait de la structure du cadre. C’est un avis purement personnel, mais la déco qui met le mieux en valeur le cadre du Mach 6 est probablement la plus sobre, baptisée Stealth Carbon, car la finition du cadre se suffit à elle-même. On est beaucoup plus réservés sur les deux autres coloris proposés où le nom de la marque est posé près d’une dizaine de fois sur le cadre ! Le souci du détail est poussé à l’extrême, à l’image des (très utiles !) protections souples intégrées sous le tube diagonal, sur la base et à l’intérieur du hauban. On retrouve l’appareillage “standard”, à savoir une douille de direction conique, un axe arrière en 12X142 mm, un boîtier de pédalier Press Fit 92, des plots de fixation ISCG05 ou encore une fixation Direct Mount pour un éventuel dérailleur avant. Le passage des gaines se fait en interne. La petite biellette inférieure du DW Link est montée sur une double rangée de roulements Enduro Max pour la durabilité. Le Mach 6 est proposé dans de nombreux montages plus ou moins engagés. On a choisi de le tester avec une transmission X01 et fourche Fox 36 en 160 mm de débattement, particulièrement bien armée pour la montagne et l’enduro.

West Coast : un HD3 dans son élément

Dès les premiers tours de roues sur l’Ibis HD3, on est surpris par la faible masse du vélo. À 12,5 kg la bête, ça commence à causer. Associé à la cinématique DW Link, on obtient une machine qui pédale vraiment fort, et ce malgré les pneus en section de 2,30’’. La position de pédalage est confortable, les longues sorties ne seront pas un problème. On grimpe avec aisance jusqu’aux sommets des runs. En verrouillant l’amortisseur Cane Creek, on se rapproche grandement des sensations de roulage d’un trail bike, au débattement bien moindre. Pour autant, le Ibis ne néglige pas la traction. Sur les traces sablonneuses et empierrées de Californie, le HD3 affronte les obstacles sans le moindre problème, bien aidé par les roues 741 extra-larges (voir p. 46) qui permettent de descendre en pression. On garde ainsi du grip sur la roue arrière dans les sections de pédalage techniques. Le faible empattement du Ibis permet de se faufiler d’une difficulté à une autre. Les changements de direction sont ultra-vifs, aussi bien à basse vitesse que lorsque l’allure augmente. Le Ibis est facile à manier. Néanmoins, dans les longues portions rapides et linéaires, on se dit qu’avec un peu plus d’angle et donc un empattement rallongé, le Ibis se montrerait plus radical et surtout plus stable. Un sentiment que la pente confirme. Le triangle avant aurait définitivement mérité d’être encore un poil plus long, pour faire du HD3 une pure machine de course. Scot Nicol et l’équipe Ibis on fait le choix de la polyvalence et ça se respecte. Toujours en descente, les gros impacts sont plutôt bien gérés. La courbe d’amortissement linéaire offre un amortissement onctueux, avec un soupçon de progressivité en toute fin de débattement. La plage de réglage du DB Inline est impressionnante et demande à être assimilée. Il permet de parfaitement ajuster les compressions et les détentes hautes et basses vitesses. Ibis a clairement fait le choix de donner au nouveau Mojo le même ADN « bon à tout faire » que les précédents modèles. Loin d’être l’arme ultime en descente, il est par contre très facile à appréhender. La palette de possibilités offerte par le HD3 est élargie du côté de la grimpette et le rend finalement accessible à un plus grand nombre de pilotes.

Pivot, ou l’art du compromis

Mesurant 1m80, j’ai logiquement porté mon dévolu sur un Mach6 en taille L. A peine posé sur le vélo, c’est la grosse surprise : dieu, que c’est court ! Tant en tube supérieur qu’en reach, Pivot a volontairement choisi d’opter pour un triangle avant très court. C’est un peu à l’encontre de la tendance actuelle qui tend à allonger le triangle avant de nos vélos. On décide de prendre les cotes et le constat est sans appel : en taille L, le Mach 6 a pratiquement la même longueur que l’Ibis Mojo HD3 en taille M ! Pourquoi un tel choix ? Pour en avoir longuement parlé avec Chris Cocalis après cet essai, c’est avant tout pour un désir de rendre ce Mach 6 accessible à un large panel d’utilisateur. Très honnêtement, je ne valide pas ce choix à 100%. OK, avec ces mensurations le Mach 6 est facile à prendre en main, se manie hyper facilement et a le comportement d’un véritable jouet pour adulte. Ses suspensions fonctionnent tellement bien dans le défoncé qu’elles ne vous donnent qu’une seule envie : lâcher furieusement les freins. Et justement, dès que l’on roule un peu vite, on se retrouve rapidement bridé par cette géométrie qui ne met pas particulièrement à l’aise à vitesse élevée. La solution consisterait alors à opter pour une taille supérieure. Cela peut fonctionner à condition de vérifier la hauteur du tube de selle… et surtout celle de la douille de direction. En passant sur un XL, cette dernière deviendrait beaucoup trop haute par exemple, pas franchement top à l’heure où l’on cherche plutôt à abaisser la hauteur du poste de pilotage pour compenser la hauteur des fourches. Mais revenons-en aux sensations au guidon de ce Mach 6, qui vous l’avez compris est plus un gros all-mountain qu’une machine de course pour enduriste confirmé. Une fois replacé dans son utilisation, je dois admettre qu’il est sacrément attachant et qu’il ouvre de très jolies perspectives en terme d’utilisation. A son guidon, les dénivelés positifs s’enchaînent sans problème, que ce soit de la piste forestière en plaçant l’amortisseur Fox Float X en position Trail (même pas besoin d’avoir à utiliser la position Climb) ou bien des ascensions plus techniques où la suspension arrière offre un grip et une traction vraiment exceptionnels, sans pour autant pomper votre énergie. Un angle de selle un peu plus fermé aurait toutefois permis d’améliorer encore un peu plus le comportement en côte en améliorant le positionnement des masses sur l’avant du vélo. Un vélo de 160 mm de débattement qui pèse à peine plus de 12,5 kg, cela ouvre forcément de belles perspectives pour rouler. Que ce soit pour accéder au sommet des trails de San Luis Obispo ou bien pour monter au départ du nouveau Flow Trail de Démo Forest du côté de Santa Cruz (pas loin de 800 m de dénivelé positif), le Mach 6 fait franchement bien le job. Et quand la pente s’inverse, alors ? On ne va pas revenir sur le débat de la partie avant trop courte que nous avons évoquée plus haut. Côté suspensions, on peut difficilement prendre en défaut le Mach 6 dans la pente. Ça marche furieusement bien une fois que l’on a trouvé le réglage optimal de la fourche au niveau des compressions à basse et haute vitesse. A l’arrière, le DW Link offre un contact avec le terrain distinctif en début de course et une courbe assez linéaire en milieu de débattement. La fin de course est franchement bien gérée, à tel point que l’on se demande à quel moment on va venir à bout des 160 mm de débattement. Grâce à ses bases courtes, le Mach 6 tourne facilement, s’inscrit bien en courbe et ses suspensions conservent une très bonne assiette dans les appuis et les grosses compressions.

Alors, pour qui ce Mach 6 ? Tout est histoire de compromis. S’il ne vous faut qu’une seule machine dans votre garage et que vous êtes du genre à rechercher le plaisir accessible (pas en terme de prix, mais en terme de pilotage et de tolérance), alors ce Pivot a de quoi vous taper dans l’œil. Si vous êtes déjà affuté et que vous voulez une machine de course pour rouler poignée en grand, alors prenez soin de vérifier si la géométrie de ce Mach 6 vous convient bien. Si oui, vous ne le regretterez franchement pas !

Ce qu’il faudrait changer

En achetant un vélo à plus de 8 000 €, on est en droit d’attendre l’excellence de la part d’Ibis. Or ce n’est pas encore le cas pour le HD3. Le pédalier Race Face Turbine, d’excellente facture au demeurant, a plus sa place sur une machine entre 3 500 et 5 000 €. La potence Ibis fait elle aussi bas de gamme. Un peu plus de prestige dans la finition ne ferait pas mal à ce vélo. Dans le cas du Pivot, la première chose à changer serait le poste de pilotage. Si comme moi vous trouvez l’avant trop court, troquez la (minuscule !) potence Gap de 40 mm d’origine pour une potence de 60 mm. Profitez-en pour monter un cintre un peu plus large, car les 740 mm d’origine du cintre Pivot sont un peu justes.

Caractéristiques

Ibis Mojo HD3

FICHE TECHNIQUE : Tailles : S, M, L, XL – Modèle d’essai : M – Amortisseur : Cane Creek DBInline CS – Fourche : X-Fusion Sweep RC HLR – Freins : Shimano Deore XT – 180/160 mm –  Dérailleur arrière : Shimano XTR M9000 – Pédalier : Race Face Turbine Cinch, 30 dents – Commandes : Shimano XTR M9000 – Cassette : Shimano XTR M9000, 11-40v – Roues : Ibis 741 / DT Swiss 350 – Pneus : Maxxis Minion DHF 3C Exo TR, 27,5×2.30 – Potence : Ibis 3D – 50 mm – Cintre : Ibis Carbon , 760 mm – Tige de selle : KS LEV Integra – Selle : Fabric Scoop 142 Shallow – Poids : 12,52 kg – GEOMETRIE (M) : Top tube : 600 mm -Tube de selle : 419 mm – Angle de direction : 66,6° – Angle de tube de selle : 72,6° – Bases : 430 mm – Empattement total : 1 146 mm – Hauteur de boîtier : 344 mm – Reach : 414 mm.

Distributeur : 4Guimp, Contact : www.4Guimp.it

 

CONFORT [star rating=”4″]
MANIABILITE [star rating=”4.5″]
STABILITE [star rating=”3″]
PRIX/EQUIPEMENT [star rating=”2″]

[quote]On aime : Facile à prendre en main • A l’aise sur tous les terrains • Roues excellentes
On regrette : Le prix de l’exception • La distribution via l’Italie • Quelques équipements pas au niveau du tarif.[/quote]

Pivot Mach 6

FICHE TECHNIQUE : Tailles : XS, S, M, L, XL – Modèle d’essai : M – Amortisseur : Fox Float X CTD Kashima – Fourche : Fox 36 Float Fit RC2 – Freins : Shimano Deore XT – 180/160 mm – Dérailleur arrière : Sram X01 Type2 –  Pédalier : Race Face, 30 dents – Commandes : Sram X01 – Cassette : Sram X01, 10-42v – Roues : DT Swiss Spline M1700 – Pneus : Maxxis HighRoller II 3C Exo TR, 27,5×2.3 – Potence : Gravity Gap – 40 mm – Cintre : Pivot Phoenix Riser, 740 mm – Tige de selle : KS Lev Integra – Selle : WTB Vigo – Poids : 12,61 kg – GEOMETRIE (L) : Top tube : 607 mm – Tube de selle : 482 mm – Angle de direction : 66,3° – Angle de tube de selle : 72,3° – Bases : 430 mm – Empattement total : 1153 mm – Hauteur de boîtier : 345 mm – Reach : 414 mm.

Distributeur : Mohawks Cycles, Contact : www.mohawkscycles.com

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CONFORT [star rating=”4.5″]
MANIABILITE [star rating=”4″]
STABILITE [star rating=”4″]
PRIX/EQUIPEMENT [star rating=”3″]

[quote] On aime : Compromis rendement/débattement ahurissant • Travail des suspensions • Prise en main
On regrette :Triangle avant trop court.[/quote]